Comment la Russie mène sa « guerre hybride » en mer Baltique
Une escalade des tensions en mer Baltique. Le chef de la diplomatie française a déploré, vendredi 24 mai, la multiplication des « Provocation » de la Russie jusqu’aux frontières de l’Estonie, de la Finlande et de la Lituanie. « Solidarité totale face à ces actions agressives inacceptables »a réagi Stéphane Séjourné dans un message publié sur le réseau social « Nous suivons de près la situation aux côtés de nos alliés, qui agissent avec calme et sérénité », a ajouté le ministre des Affaires étrangères.
Craignant que les ambitions de Vladimir Poutine ne s’étendent au Nord-Ouest, après l’invasion russe en Ukraine, six pays membres de l’Alliance atlantique (Pologne, Norvège, Finlande, Lituanie, Lettonie et Estonie) ont déclaré vendredi avoir trouvé un accord pour ériger un « Mur de drones s’étendant de la Norvège à la Pologne ». Mais quels sont les « Provocation » Des Russes dont ils comptent se protéger ? Franceinfo revient sur les différents incidents et menaces constatés ces dernières semaines dans cette zone frontalière
Un « incident frontalier » avec l’Estonie
Les garde-côtes estoniens ont déclaré jeudi 23 mai au matin avoir vu leurs homologues russes retirer, en pleine nuit, des bouées placées sur la rivière Narva, qui sépare les deux pays. L’emplacement des balises flottantes, qui servent à empêcher les bateaux de s’égarer accidentellement dans les eaux étrangères, est contesté depuis le début de la guerre en Ukraine en février 2022, assure Tallinn. « Cette année, la Russie a déclaré contester l’emplacement d’environ la moitié des bouées prévues ». » ont déclaré les garde-côtes estoniens dans un communiqué.
« Il s’agit d’un incident frontalier dont nous sommes en train d’éclaircir les circonstances précises »a déclaré le Premier ministre estonien Kaja Kallas, assurant que l’Estonie a contacté la Russie pour obtenir des informations à ce sujet. « La Russie multiplie les incidents frontaliers pour susciter la peur et l’anxiété, afin de semer l’insécurité dans nos sociétés. Nous observons une tendance générale à cet égard.« , elle a ajouté.
Un vrai-faux projet de loi à mordre aux frontières finlandaises et lituaniennes
Les médias russes ont rapporté mardi 21 mai un projet de résolution du ministère de la Défense envisageant d’étendre les eaux territoriales russes en modifiant les frontières en mer Baltique avec la Finlande et la Lituanie, à compter du 1er janvier 2025. Selon ce document, mentionnait notamment par le journal indépendant Le temps de Moscou, les frontières russes dans la région de Kaliningrad et dans le golfe de Finlande seraient également modifiées. Des changements qui permettraient à Moscou de déclarer les zones maritimes finlandaises et lituaniennes comme russes.
Le président finlandais Alexander Stubb, qui supervise la politique étrangère du pays, a assuré à X que « La Russie n’a pas eu de contact avec la Finlande à ce sujet ». Le ministère lituanien des Affaires étrangères a pour sa part annoncé dans un communiqué qu’il « a convoqué un représentant de la Fédération de Russie pour obtenir une explication complète. »
L’annonce surprise et unilatérale a peu de valeur en termes de droit maritime international, rappelle Arkadi Moshes, Spécialiste de la Russie à l’Institut finlandais des affaires internationales, jeinterviewé dans le journal Helsingin Sanomat. Toutefois, cela permet au Kremlin de « démontrer qu’il est capable de créer des problèmes et des controverses sur des points qui ne posaient pas problème jusque-là », explique-t-il, ce qui s’apparente à une forme de guerre hybride. Selon le plus grand quotidien finlandais, il s’agirait donc de provoquer des discussions à Helsinki et à Tallinn sur une éventuelle réponse. Une analyse partagée par la ministre finlandaise des Affaires étrangères, Elina Valtonen : « Il ne faut pas oublier que semer la confusion, c’est aussi avoir une influence hybride. La Finlande ne se laissera pas désorienter »elle a écrit sur X.
Pour les experts, il ne fait aucun doute que l’opération de communication sur ce projet de résolution russe vise à tester la réaction des pays visés. Quelques heures après sa publication sur le site du ministère russe de la Défense, le texte a également disparu. Pour Basil Germond, spécialiste des questions de sécurité maritime à l’université britannique de Lancaster, cité par France 24, ce projet de loi déposé puis retiré avait pour principal objectif d’intensifier la « pression politique dans cette région pour évaluer la réponse de l’OTAN. »
Navires avec un comportement à risque
Depuis le début de la guerre en Ukraine, « Provocation » se sont multipliées dans la mer Baltique. « Pendant des mois, des navires « fantômes », vieux et mal entretenus, appartenant à des propriétaires douteux et dépourvus d’assurance internationalement reconnue, (porter) huile dans (LE) des eaux (des pays voisins) d’une manière intrinsèquement risquée »se souvient la chercheuse et éditorialiste Elizabeth Braw, du quotidien britannique Temps Financier. Spécialiste des menaces hybrides, elle cite un ancien ambassadeur lituanien auprès de l’Otan, Vytautas Leskevicius. Ces navires « tester le terrain, à la fois métaphoriquement et littéralement », » a expliqué ce diplomate, interrogé sur ces incursions douteuses dans les eaux voisines.
« Une mer Baltique plus peuplée (avec une présence accrue de navires) et l’importance stratégique augmente le risque d’accidents en cas de plus grande démonstration de force navale », expliquait déjà fin avril Marion Messmer, spécialiste des questions de sécurité pour l’institut britannique Chatham House. « Cela fournit également plusieurs vecteurs d’attaque potentiels pour le sabotage russe. »
Risques pour les infrastructures sous-marines
Pour la première fois, des experts de l’Alliance atlantique se sont réunis jeudi 23 mai au siège de l’Otan, pour discuter du renforcement de la sécurité des infrastructures sous-marines (câbles et pipelines sous-marins) et de la surveillance. menaces potentielles, notamment dans la mer Baltique. « On sait que les Russes ont développé de nombreuses guerres hybrides sous la mer pour perturber l’économie européenne, en utilisant des câbles, des câbles Internet et des pipelines. Toute notre économie sous-marine est menacée. »a déclaré le vice-amiral Didier Maleterre, commandant adjoint du Commandement maritime allié (Marcom) de l’Alliance, cité le 16 avril dans Le gardien.
Si les enquêtes menées par différents pays à la suite du sabotage des gazoducs Nord Stream 1 et 2, en septembre 2022, et du gazoduc Balticconnector, en octobre 2023, n’ont pas permis d’incriminer la Russie, les membres de l’Otan conviennent de reconnaître l’exposition de leurs infrastructures sous-marines dans cette zone.
Moscou s’immisce aussi dans les airs
Et ce n’est pas seulement au niveau de la mer que la Russie tente d’intervenir. Plusieurs compagnies aériennes ont signalé des perturbations liées au brouillage à grande échelle par Moscou du signal de géolocalisation par satellite (GPS) des appareils. Le monde le mois de mai commence.
Deux avions Finnair reliant Helsinki à Tartu, la deuxième ville estonienne située à quelques dizaines de kilomètres de la Russie, ont été contraints de faire demi-tour fin avril, perturbés par un brouillage GPS. « De telles actions constituent (…) une menace pour notre population et notre sécurité, et nous ne les tolérerons pas », a réagi le ministre estonien des Affaires étrangères, Margus Tsahkna, dans un entretien avec Temps Financier.