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L’intérêt des étudiants ?

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Intérêt des étudiants. Formule « magique » souvent utilisée par l’institution, l’Éducation nationale, pour faire passer la pilule lorsque les enseignants s’indignent de ses propositions. « S’opposer ou résister serait nuire aux « intérêts des étudiants » », écrit Laurence De Cock. « L’image fait mouche, elle active une culpabilité immédiate ; quoi de pire pour un enseignant que d’aller à l’encontre « l’intérêt des étudiants » ? « . L’historienne y consacre sa chronique.

L’intérêt des étudiants ?Actuellement, l’Inspection regroupe des professeurs de lettres et de mathématiques. Depuis le Covid qui a révélé la magie de la distanciation, « rassembler », c’est envoyer un lien pour se connecter en ligne et ainsi s’offrir la possibilité d’un long monologue en coupant les micros des participants.

L’objectif est de leur expliquer le « choc des savoirs » de la réforme. C’est une tradition de la maison, la réforme doit « descendre » jusqu’au sol à travers l’organisme d’inspection. Un simulacre de plus en plus décalé quand on sait que, souvent, le domaine en question est autant, voire mieux, informé de l’esprit et du contenu des réformes, qui ont largement fuité dans les médias et ont été commentées et décortiquées. les réseaux sociaux ou dans différents collectifs et syndicats. Mais le simulacre a une fonction, maintenir la chaîne de commandement et désamorcer d’éventuelles colères. Désolé, « donner du sens » à la réforme, c’est comme ça qu’on dit désormais.

Parce que ces moments ne sont pas dénués d’intérêt une fois qu’on a pris sur soi notre mission de faire taire derrière l’écran, ils montrent le déploiement du Nouveau Management Public dans l’Éducation Nationale et il faut avouer que c’est parfois passionnant.

L’une des formules clés de ce petit jeu est la suivante : « l’intérêt des étudiants ». Toutes les réformes, toutes les décisions imposées d’en haut et non concertées sont justifiées par « les intérêts des étudiants ». Son usage confine à l’absurde, au vide. Et comme toujours avec le New Public Management, c’est ce vide qui crée la coercition. La formule est faite pour cela : surtout ne rien dire et forcer une obéissance aveugle.

Car s’opposer ou résister serait nuire « aux intérêts des étudiants ». L’image fait mouche, elle active une culpabilité immédiate ; Qu’y a-t-il de pire pour un enseignant que d’aller à l’encontre des « intérêts des élèves » ? L’image frappe et nous coupe en un instant des autres. Il fait référence à nous-mêmes, à notre travail, à ce qui vacille dans nos têtes en ce moment, à nos convictions profondes qui sont mises à mal par ce qui se passe à l’école et dans notre métier. En une fraction de seconde, nous recevons cette injonction comme si nous étions seuls. L’inspection s’adresse à moi. Elle doit se dire que je me trompe, que je ne pense pas assez à mes élèves, que je suis entièrement responsable de mes échecs. La formule est vénéneuse, elle appuie là où ça fait mal comme on dit. Il est fait pour ça, neutraliser la colère en la transformant en culpabilité.

Lorsqu’une entreprise souhaite se débarrasser d’un salarié gênant qui ne s’est pas trompé, mais qui a la présomption de s’ouvrir un peu trop, la DRH le convoque, de préférence seul. Elle lui dit d’une voix mièvre qu’elle s’inquiète pour lui, qu’il lui semble que son œuvre, après une période d’exécution sans faille, souffre énormément de sa dispersion actuelle. Le service RH s’inquiète pour lui car il se demande si à long terme le salarié gênant ne souffrira pas à son tour de travailler contre « les intérêts de l’entreprise ». C’est-à-dire aller à l’encontre du collectif, voire saboter ce collectif dont l’entreprise a besoin pour garantir son chiffre d’affaires. Mais le turnover est aussi pour tous la condition d’une vie confortable. Que se passera-t-il si l’entreprise s’effondre ? Comment l’employé va-t-il vivre avec la culpabilité d’avoir fait naufrage ?

C’est ainsi qu’on fait taire les plus récalcitrants. Et c’est ce que l’on apprend dans les cours de management bienveillant.

Inverser la culpabilité

Reprenons donc la formule si elle peut avoir du sens. Quels seraient « les intérêts des étudiants » ? Dans une école digne de ce nom, chaque enfant, quelles que soient ses origines sociales, culturelles, géographiques, son sexe, etc., doit pouvoir réaliser le parcours scolaire de son choix. Pour ce faire, ils doivent bénéficier de conditions d’apprentissage dignes et respectueuses. D’abord dans des bâtiments accueillants, agréables, beaux, équipés, aérés ; des espaces que l’on est heureux de retrouver chaque matin, et pourquoi pas triste de quitter le soir car la maison est parfois moins confortable. « L’intérêt des élèves », c’est aussi la joie de rencontrer des amis, des enfants différents, regroupés dans une même classe, qui apprennent à se connaître, à s’aimer, à se détester puis à revenir les uns vers les autres. -quelques heures plus tard. Le plaisir de coopérer, d’apprendre des autres. « L’intérêt des élèves » est de se sentir libres de se tromper, de ne pas avoir honte, de progresser à leur rythme dans l’apprentissage, jamais dénigrés, toujours encouragés par des professeurs heureux d’être là et se sentant considérés dans leur travail. Des enseignants formés pour relever le défi d’accompagner les générations futures qui vivront et agiront dans un monde plus qu’incertain. « L’intérêt des élèves » est d’amener des enfants qui ne sont pas forcément nés dans un environnement facile à vivre des pauses de temps suspendu et à éprouver le plaisir d’être un enfant comme les autres.

Au lieu de tout cela, que leur propose-t-on ?

J’ai déjà été amené à dire combien le « choc des savoirs » est la réforme la plus néfaste des dernières décennies, à détailler les maltraitances qu’il prépare à l’égard d’enfants désormais programmés pour être séparés. Par des évaluations standardisées qui nient la singularité des rythmes d’apprentissage des enfants, par des programmes indigestes transmis à la manière du gavage des oies, par des entraînements à la compétition, la compétition et l’intériorisation précoce d’une loi de la jungle pilotée par des algorithmes qui décident des bifurcations de la vie. Un « choc des savoirs » qui n’est que la contrepartie académique d’un dénigrement et d’un mépris bien plus large envers une jeunesse qui fait peur, qu’il faut civiliser et redresser, comme le montrent les discours de plus en plus publics. plus autoritaire du Premier ministre. L’enfance est confisquée et la jeunesse sacrifiée sur l’autel de la compétition électorale avec l’extrême droite en lui volant ses idées.

Honte à ceux qui soutiennent ce projet en prétendant rester du côté des enfants. Et force à ceux qui se mobilisent véritablement dans « l’intérêt des étudiants », qui résistent à ce mouvement de fond et qui ont de quoi en être extrêmement fiers.

Laurence Decock

Cammile Bussière

One of the most important things for me as a press writer is the technical news that changes our world day by day, so I write in this area of technology across many sites and I am.
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