la France réinvestit l’Alliance atlantique, comment la guerre en Ukraine a changé la donne
L’Alliance atlantique est « plus forte, plus unie et plus grande que jamais », avec aujourd’hui 32 membres, dont deux, la Finlande et la Suède, l’ont rejoint suite à l’invasion russe de l’Ukraine, s’est félicité mercredi le secrétaire d’Etat américain Antony Blinken.
Mais elle est aujourd’hui menacée par la guerre en Ukraine, conflit sans précédent sur le sol européen depuis la Seconde Guerre mondiale, mais aussi par les incertitudes qui entourent l’engagement américain en Europe.
La France « proactive »
Passant du statut d’allié difficile à « exemplaire », la France a massivement réinvesti dans l’Otan depuis le retour de la menace russe, parallèlement à son désengagement militaire en Afrique. La France « est de plus en plus proactive et apporte des solutions. Il y a aussi une plus grande prise de conscience de la complémentarité entre l’OTAN et la défense européenne », convient l’ambassadrice à la représentation permanente de la France auprès de l’OTAN, Muriel Domenach.
A l’heure où une éventuelle réélection de Donald Trump aux Etats-Unis fait douter de l’engagement américain auprès de ses 30 alliés européens, la France cherche à constituer un noyau de pays européens qui serait un moteur au sein de l’Otan.
Membre fondateur de l’Alliance atlantique créée en 1949 pour faire face à la menace soviétique, la France avait quitté le commandement militaire intégré, qui définit la stratégie, en 1966, sous la direction du général de Gaulle, en raison de désaccords avec les États-Unis. Elle est revenue en 2009, sans toutefois rejoindre le groupe des plans nucléaires de l’Otan, pour conserver son indépendance en matière de dissuasion.
En 2019, une phrase du président Emmanuel Macron déclarant l’OTAN en « état de mort cérébrale » a réactivé une certaine méfiance à l’égard de l’allié français, notamment en Europe de l’Est dont la sécurité dépend des États-Unis, principal contributeur à l’Alliance.
Un allié « très engagé militairement »
Dans un renversement de l’histoire, cinq ans plus tard, la France est aujourd’hui « presque alignée avec la Pologne et les pays baltes », parmi les plus transatlantiques, constate le chercheur français Pierre Haroche, maître de conférences en sécurité internationale à l’université Queen Mary de Londres.
Fin février, les déclarations controversées d’Emmanuel Macron sur l’hypothèse d’un envoi de troupes terrestres en Ukraine ont reçu un écho positif dans ces anciens pays soviétiques, pour qui la Russie constitue une menace existentielle. « Cette évolution sans précédent est le résultat d’un double mouvement, d’une part l’européanisation de la défense française, de l’autre l’incertitude transatlantique qui rend acceptable » l’idée d’un « pilier européen », poursuit le chercheur.
L’invasion de l’Ukraine par la Russie, le 24 février 2022, a rebattu les cartes. Aujourd’hui, la France est considérée comme un allié « très engagé militairement ». Tout le monde a remarqué le retour des soldats français », a déclaré le général Jérôme Goisque, représentant militaire permanent de la France auprès de l’UE et de l’OTAN.
4e contributeur financier à l’OTAN
Quatre jours après l’invasion russe, elle a déployé 500 hommes en Roumanie, à la frontière avec l’Ukraine, où elle joue le rôle de nation cadre de l’Otan. Il y a désormais plus de 1 000 soldats français sur place, et un exercice interallié en 2025 devrait permettre de tester le déploiement d’une brigade (plus de 6 000 hommes), sous la houlette de la France.
La France est le 4e contributeur financier à l’Alliance après les Etats-Unis, l’Allemagne et le Royaume-Uni, à hauteur de 203 millions d’euros en 2022, et elle pourrait dépenser quelque 830 millions d’euros en 2030, selon la trajectoire de l’Alliance. Budget de l’OTAN, note un rapport de la Cour des comptes. En revanche, déplore ce rapport, seuls 75 % des postes réservés aux militaires français sont pourvus, « un des taux les plus bas parmi les alliés ».
La France a toujours contribué aux exercices et missions de l’OTAN, même lorsqu’elle était absente des instances décisionnelles, comme en ex-Yougoslavie.