14 ans après sa création, iAdvize renonce à la rentabilité
iAdvize évolue sur un marché devenu stable, génère plusieurs dizaines de millions d’euros de chiffre d’affaires annuel récurrent, emploie 200 salariés et trace sa voie dans le monde des outils conversationnels pour les acteurs du e-commerce.
L’histoire d’iAdvize connaîtra cependant un avant et un après l’émergence de l’intelligence artificielle générative. La scale-up s’est ainsi mise en ordre de bataille pour retrouver l’agilité de ses premières années dans l’espoir de faire partie des entreprises qui contribueront à cette transformation. Quitte à laisser de côté votre besoin de rentabilité.
La genèse d’iAdvize, née d’une autopsie
Julien Hervouet, aujourd’hui PDG d’iAdvize, a vécu l’ascension et la chute d’une startup en assistant à l’explosion de Zlio. La startup, fondée par Jérémie Berrebi en 2005, a connu une rapide descente aux enfers lorsque Google a brutalement radié toutes les boutiques d’e-commerce créées sur la plateforme. Du jour au lendemain, 85 % du trafic de Zlio ont disparu, ainsi que 85 % des revenus.
« J’étais directeur produit et je suis allé voir Jérémie et je lui ai rappelé que l’équation du commerce était simple : c’est notre audience multipliée par le taux de conversion multiplié par le montant du panier moyen. On ne pouvait plus jouer sur le premier paramètre, il nous en restait deux et il a donc fallu optimiser le taux de conversion de manière extrêmement significative. »
Ce taux de conversion était de 2% sur les boutiques en ligne alors qu’il se situait entre 30 et 50% dans une boutique traditionnelle. Pour le PDG d’iAdvize, cette différence est liée à une vision initiale du e-commerce très désincarnée. « On avait affaire à des adresses IP, des numéros de cartes bancaires… sauf que derrière ça, il y a des gens qui ont des doutes, qui ont besoin d’être rassurés. Nous avons donc pris le pari de réintégrer cette dimension conseil pour améliorer la performance en ligne. »
Testée auprès de blogueurs en 2010, la solution a réussi à remporter un appel d’offres de la Fnac quelques mois après son lancement. « Au-delà de la brillante référence, nous avons surtout pu démontrer l’immense impact économique et les bénéfices d’humaniser les interactions clients, avec des taux de conversion multipliés par dix sur les visiteurs que nous accompagnons. Puis le directeur de la relation client de la Fnac a relayé, témoigné et partagé ses résultats, et nous avons pu signer tous les grands acteurs du e-commerce en France. »
Une trajectoire bousculée par l’IA générative
De 2010 à 2012, iAdvize est passée de 0 à 10 millions d’euros de chiffre d’affaires annuel récurrent, ce qui l’a très vite propulsée comme une entreprise rentable. La startup entre alors dans une phase de croissance et connaîtra deux levées de fonds de 16 et 32 millions d’euros (notamment auprès d’IRIS, Bpifrance et Idinvest Partners), qui lui permettront de quitter les frontières françaises et de se déployer en Europe puis aux Etats-Unis.
« De 2019 à 2023, nous sommes entrés dans une phase de standardisation où le marché s’était banalisé. Lorsque nous avons démarré en 2010, le taux d’équipement pour des solutions comme iAdvize était inférieur à 2 %. En 2020, il se situe entre 70 et 90 % selon les zones géographiques. »
Aujourd’hui, le marché entre dans une nouvelle phase avec l’arrivée de l’intelligence artificielle générative (avec OpenAI et son ChatGPT en tête) que Julien Hervouet perçoit comme un véritable Big Bang. Auparavant, seuls les humains étaient capables de prodiguer des conseils avec la qualité d’expérience attendue par l’utilisateur et l’impact économique associé.
«J’ai vu ce tsunami arriverexplique le PDG d’iAdvize. Et je me suis dit qu’il fallait se mettre très vite à ramer pour surfer sur cette vague immense, pour devenir un des acteurs qui s’emparent très tôt du sujet pour accompagner cette transformation… sinon on allait regarder passer le train. »
90% de résultats positifs avec l’IA
iAdvize réalise donc immédiatement ses premières expérimentations fin 2022 en rejouant des conversations qui avaient eu lieu entre de vrais clients et conseillers sur leur plateforme. Le résultat annonce un changement de monde : dans 80 % des cas, les réponses de l’IA ont été aussi bonnes que celles d’un conseiller. Dans 10 % des cas, ils étaient encore meilleurs. Cela ne laisse que 10 % de mauvaises réponses, souvent appelées « hallucinations », inhérentes aux grands modèles de langage.
« Cela nous amène à un gigantesque changement de paradigme qui nous permet effectivement de concrétiser la vision initiale qui a donné vie à iAdvize », partage Julien Hervouet. En effet, la startup s’est construite sur l’idée que le web devait devenir conversationnel pour s’adapter au mode naturel de communication de l’homme qu’est la conversation.
Toutes les équipes basculent donc d’un coup sur un produit augmenté par l’intelligence artificielle. iAdvize propose désormais deux produits : un assistant entièrement automatisé qui répondra instantanément et précisément aux questions des clients. L’autre produit est destiné aux conseillers. En effet, pour se prémunir des « hallucinations » de l’IA, iAdvize permet d’améliorer la productivité des conseillers en leur proposant simplement des réponses pour s’adapter. Une manière de garder le contrôle, tout en fluidifiant le travail au quotidien.
« J’attends ce moment depuis 15 ansdit Julien Hervouet. Quand j’ai commencé, on m’a dit que la conversation était vouée à l’échec. » Aujourd’hui, iAdvize est prête à passer la vitesse supérieure, quitte à investir massivement dans cette nouvelle phase, et à renoncer à une rentabilité durement gagnée. « Nous étions rentables l’année dernièreannonce-t-il. Mais avec l’IA générative, nous avons fait le choix d’accélérer et donc de réinvestir à la fois dans le produit et dans la conquête de parts de marché. »