« Si l’Europe réglementait moins et soutenait davantage l’innovation, cela changerait beaucoup de choses »
La compagnie maritime CMA CGM inaugure mercredi 8 mai son centre de formation et d’innovation Tangram à Marseille, en présence du président de la République, Emmanuel Macron. Après une année 2020-2022 marquée par 40 milliards d’euros de bénéfices, le troisième armateur mondial de porte-conteneurs entre dans une période plus complexe de son histoire, explique à Monde son PDG, Rodolphe Saadé.
Tangram a l’ambition de « créer le transport et la logistique durables de demain ». Manquent-ils de capacité à se projeter dans le futur ?
Le monde évolue très rapidement et nous avions besoin d’un endroit où penser différemment notre travail. Je souhaite que Tangram fournisse les outils nécessaires pour affronter les difficultés d’aujourd’hui et de demain. Qui aurait prédit le Covid-19, la guerre en Ukraine, la crise en mer Rouge ? CMA CGM relève trois défis : le climat, la géopolitique et l’intelligence artificielle (IA). Avec Tangram, j’investis dans les gens. Les collaborateurs sont la clé pour relever ces défis, accélérer notre transformation et rester dans le top 3 mondial.
J’ai pris l’engagement d’atteindre zéro émission nette en 2050, mais il faut être clair : ce sera difficile. J’espère que nous aurons trouvé les solutions d’ici là. Avec la crise de la mer Rouge, je prends du retard, puisque les navires détournés par le Cap de Bonne-Espérance mettent deux semaines de plus entre l’Asie et l’Europe du Nord, et consomment plus de carburant.
Parallèlement, nous avons investi 15 milliards d’euros dans une flotte fonctionnant au gaz naturel liquéfié (GNL) et désormais au méthanol. En décembre 2023, lors de la COP28 à Dubaï, j’ai présenté une feuille de route élaborée avec MSC, Maersk, Hapag-Lloyd et Wallenius pour atteindre ce « net zéro ». CMA CGM a été pionnier en matière de décarbonation, tous les armateurs ne font pas cet effort.
Vos concurrents asiatiques ?
Oui. Depuis janvier, nous payons en Europe une taxe qui coûtera 140 millions d’euros cette année et près de 500 millions en 2026. Cette fiscalité doit être mondiale.
L’Organisation maritime internationale doit également (Agence des Nations Unies) décide de la meilleure énergie pour propulser nos navires vers le futur. Les nouveaux carburants sont deux fois plus chers que les carburants actuels et nécessitent de lourds investissements en recherche et développement (R&D). Nous investissons aujourd’hui dans le GNL et le méthanol, demain dans l’hydrogène et l’ammoniac. Je souhaite renforcer les collaborations avec les producteurs : nous sommes prêts à nous engager sur les volumes. De son côté, l’IA nous permettra de mieux analyser les données au service des clients et d’optimiser nos manœuvres pour limiter leur empreinte.
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