Après la Hongrie et la Slovaquie, la crainte d’une dérive « illibérale » en Europe de l’Est
Si l’intégration économique des anciens pays de l’Est est une source de satisfaction pour les dirigeants de l’Union européenne, il n’en va pas de même sur le plan politique et diplomatique. Le virage « antilibéral » revendiqué par la Hongrie de Viktor Orban est d’autant plus inquiétant, à Bruxelles et dans les capitales européennes, qu’il risque de s’étendre aux autres démocraties d’Europe centrale et orientale ayant rejoint l’Union il y a vingt ans.
L’année 2023 en a été l’illustration. En Pologne, les électeurs ont mis fin à huit années de gouvernement du PiS, le parti nationaliste ultra-conservateur qui a multiplié les sujets de conflits à la table des Vingt-Sept. Secours à Bruxelles, Paris, Berlin. Mais dans le même temps, les Slovaques avaient à la tête du gouvernement Robert Fico, qui a glissé en quelques années de la social-démocratie vers un populisme teinté de nationalisme et de conservatisme.
Réformes de la justice
Comme son homologue hongrois Viktor Orban, Robert Fico s’est démarqué par des positions hostiles à l’aide à l’Ukraine. Ses réformes judiciaires et sa volonté de réduire l’indépendance des médias publics font craindre que Bratislava ne prenne la même direction que Budapest.
« Il y a des similitudes entre les deux Premiers ministres, mais Viktor Orban est pour l’instant dans une position bien plus forte que Robert Fico », explique Lukas Macek, de l’Institut Jacques-Delors. Le dirigeant hongrois règne en maître au Parlement où son parti, le Fidesz, jouit de la majorité absolue depuis près de quinze ans. En Slovaquie, au contraire, Fico gouverne une coalition beaucoup plus fragile.
Respect du suffrage universel
L’émergence de ces dirigeants pose de nouvelles questions au sein des Vingt-Sept. D’abord parce que l’Union européenne décide de les sanctionner pour violation des principes de l’État de droit. Récemment, Bruxelles peut même geler les fonds européens destinés à ces pays, comme elle l’a fait pour la Pologne et la Hongrie. « Cela pose la question du droit de l’Union européenne à dicter ce qui est juste aux pays souverains », analyse Tim Haughton, professeur de sciences politiques à l’université de Birmingham.
« C’est potentiellement un problème, car l’Union européenne doit également respecter la souveraineté des pays membres et des gouvernements élus au suffrage universel », poursuit Lukas Macek. En revanche, les Vingt-Sept ont des exigences très strictes en matière d’État de droit à l’égard des pays candidats à l’Union comme les États des Balkans occidentaux ou l’Ukraine. Une position difficile à maintenir si les États eux-mêmes membres de l’UE ne respectent plus ces mêmes règles.
Tchéquie, Croatie, Bulgarie…
La guerre en Ukraine aggrave la situation, car la Hongrie comme la Slovaquie défendent des positions hostiles à Kiev, voire favorables à Moscou. Viktor Orban finissait toujours par voter des sanctions contre le Kremlin, des mesures d’aide à l’Ukraine ou encore l’ouverture de négociations avec Kiev en vue d’une adhésion à l’Union européenne. En sera-t-il de même s’il est soutenu par d’autres Etats membres, ce qui n’a pas été le cas jusqu’à présent ?
Après la Slovaquie, les regards se tournent vers la Tchéquie, où se tiendront des élections législatives l’année prochaine. Andrej Babis, autre leader populiste au discours ambigu sur l’Ukraine, prépare également son retour au pouvoir. En Croatie, les récentes élections ont montré qu’une bonne partie de la population soutenait l’ancien Premier ministre Zoran Milanovic, qui ne souhaite pas que son pays soit « entraîné » dans le conflit ukrainien. Les partis plus ou moins prorusses sont également puissants en Bulgarie, un pays en proie à l’instabilité politique et aux élections à répétition.