Et si la famille royale d’Angleterre cachait l’inestimable trésor des Romanov?
Il y a l’étrange « disparition » de Kate Middleton depuis son opération abdominale. Ce qui s’ajoute au silence de plomb qui entoure l’état de santé du roi Charles III, atteint d’un cancer. Souvenons-nous aussi de la décision de feu Elizabeth II de maintenir Sir Anthony Blunt, conservateur de la collection d’art de la Couronne, en poste à Buckingham sans ignorer qu’il était un espion soviétique… N’oublions pas non plus le scandale étouffé du soutien apporté par le roi. Édouard VIII au régime nazi.
La liste est longue. En résumé, les Windsor ont depuis longtemps su rendre inviolables leurs plus sombres secrets (même si le prince Harry a dérogé à la règle et a mis le feu aux poudres). Les squelettes dans les placards de la famille royale britannique ont toujours attiré les historiens et les tabloïds. On pourrait donc s’étonner qu’une anecdote surprenante racontée dans un livre publié il y a vingt-cinq ans n’ait pas suscité davantage d’intérêt.
En 1999, le journaliste Yves Stavridès recueillait dans Marchands d’art les souvenirs de Daniel Wildenstein, patriarche de la plus célèbre famille du commerce de l’art – dont les membres ont toujours diffusé un léger parfum de scandale, semble-t-il – lui. Ce dernier est alors à la recherche d’un tableau de Jacques-Louis David, dont il prépare le catalogue raisonné. Il apprend qu’un portrait de Napoléon a été volé par le duc de Wellington, qui en fait ensuite don à la Couronne. Mais il est introuvable à Windsor. C’est en demandant l’aide du prince Charles que Daniel Wildenstein a fait une étonnante découverte.
« Oh, ce sont les trésors de Nicolas II »
Le futur roi l’emmène à Balmoral pour fouiller le « énorme » caves du château. Pas de tableau. Mais Wildenstein est étonné d’y trouver « près de 150 cartons portant des inscriptions cyrilliques ». «Des caisses gigantesquesil précise, la largeur de (son) bureau. La curiosité l’emporte sur l’étiquette… Que contiennent-ils, demande-t-il au prince Charles ?
« Oh, ce sont les trésors de Nicolas II. Il les envoya chez ses cousins en Grande-Bretagne au début de 1917 lorsqu’il constata que les choses allaient mal. »
Le roi George V et le tsar russe Nicolas II étaient cousins germains. Depuis l’enfance, ils passaient des vacances en famille : c’est au château de Windsor que furent célébrées les fiançailles du futur tsar et de la princesse Alix, petite-fille de la reine Victoria. Quoi de plus naturel que que le couple s’imagine trouver refuge auprès de George V alors qu’il se sent en danger de mort ? Le roi, craignant de voir ternir la réputation de l’Angleterre – alors en guerre contre l’Allemagne –, refusa leur aide. Dix-huit membres de la famille Romanov furent assassinés au cours de l’été 1918.
L’année suivante, un navire de guerre de la Royal Navy exfiltra les membres restants (y compris la mère du tsar) de Yalta. Le vice-amiral Pridham se souvient « vingt-neuf caisses » qui voyagent avec eux. Était-ce les mêmes caisses ? Charles s’est-il trompé de date ? Wildenstein aurait-il pu surestimer le nombre de caisses vues à Balmoral ?
Le service de table qui valait un milliard
Ce dernier rapporte que le tsar avait envoyé « ses biens les plus précieux, pour qu’ils échappent aux bolcheviks », et que les cartons n’ont jamais été ouverts. Y trouverait-on de l’or, des icônes, des tableaux enroulés, des bijoux ? Il se met à rêver de découvrir un « service en or, qui était un des plus beaux du monde. Il a eu des services fantastiques de Thomas Germain. Il est le maître orfèvre du XVIIIe siècle. Un génie. Thomas Germain est extrêmement rare. (…) Ils n’apparaissent presque jamais dans les ventes.»
Une cafetière en argent de « l’orfèvre des rois, roi des orfèvres » vendue aux enchères chez Sotheby’s pour près de 8 millions d’euros en 1996. Les prestations commandées à Germain par la justice européenne pourraient compter jusqu’à mille pièces. Et les Romanov en possédaient plusieurs. La valeur totale dépasserait facilement le milliard d’euros.
Seules quelques pièces réapparaissent : saisies par les bolcheviks en 1917, puis vendues, certaines se retrouvent dans des musées américains ou européens. L’oligarque Calouste Gulbenkian acquiert notamment à Moscou en 1930 un somptueux centre de table en argent, issu des collections impériales, que l’on peut admirer dans le musée éponyme de Lisbonne.
Le tsar Nicolas II et la famille impériale russe en 1917. | Diffusion Laski/Getty Images via Wikimedia Commons
Quand les bolcheviks vendaient des bijoux impériaux chez Christie’s
Quant au sort des bijoux Romanov, il s’agit d’un immense puzzle dont la plupart des pièces manquent. Réalisés entre le XVIIe et le XXe siècle, les bijoux étaient si nombreux qu’ils n’auraient pas tous été répertoriés. La famille impériale russe était, au moment de sa déposition, considérée comme la plus riche d’Europe. Une grande partie de la réserve d’or du trésor impérial n’a jamais été retrouvée.
En 1927, l’URSS renfloue ses caisses en mettant aux enchères chez Christie’s un lot de 124 pièces des collections impériales, dont le détail peut être consulté dans le catalogue de vente réalisé pour l’événement. Diadèmes, couronnes et bijoux sont disséminés dans toute l’Europe, aux États-Unis… On les retrouve même aux Philippines, dans les coffres d’Imelda Marcos, femme politique et épouse du dictateur Ferdinand Marcos.
Daniel Wildenstein « Je n’ai plus jamais entendu parler de ces caisses »il a écrit en 1999, ajoutant que ce serait « Il est temps pour la reine d’Angleterre de restituer à la Russie les trésors du dernier des Romanov ».
Bien qu’il ne donne aucune date dans le livre, il précise que sa découverte fortuite « remonte à l’époque où Brejnev régnait avec sa clique de gangsters ». Depuis la publication du catalogue raisonné de David par les Wildenstein en 1973, on peut en déduire que la scène se serait déroulée au tout début des années 1970.
Étrange silence et témoignage plausible
L’annonce sensationnelle est-elle vraiment passée inaperçue ? Le témoignage du commerçant a-t-il été jugé moins crédible en raison de la réputation de la famille, voire de son âge avancé (82 ans au moment où il a révélé ses confidences) ? La piste des caisses Balmoral devient de plus en plus froide. Il faudra attendre 2020 pour que le témoignage de Wildenstein soit évoqué dans un article.
Étonnamment, il est écrit par le prince Michel de Grèce, descendant des Romanov et cousin éloigné de l’actuel roi Charles. Intrigué, il enquêta et conclut que Wildenstein avait simplement fantasmé sur cette découverte : les conservateurs du château n’auraient jamais vu un « boîtes estampillées des armoiries impériales russes » et en tout cas, assure-t-il, « les greniers de Balmoral étaient bien trop petits pour contenir de grosses caisses ». Mais le marchand d’art n’a jamais fait allusion aux greniers Balmoral : il prétend les avoir vus dans les caves.
Le prince évoque un autre témoignage qu’il estime plus plausible. Il ne date pas non plus l’événement, mais il affirme qu’un réalisateur de documentaires en tournage au château de Windsor avait sympathisé. « avec deux jeunes employés locaux qui connaissaient le château et son contenu par cœur. Ils lui racontèrent avoir vu plusieurs énormes caisses portant les armoiries impériales russes dans les caves du château de Windsor. Ils étaient absolument certains de ce qu’ils avaient vu.
Balmoral ou Windsor ? Vingt-neuf ou 150 cas ? Que contiennent-ils ? Ont-ils même fini par les ouvrir ? Où sont-ils maintenant? Et pourquoi la presse britannique, réputée impitoyable, ne s’est-elle jamais jetée sur la rumeur ?
La conclusion du prince Michel de Grèce est abrupte : « Et nous voici. » On s’étonne de son manque de curiosité, après s’être vu confier de telles informations. Personne ne semble prêt à en découdre avec la famille royale pour aller au fond de l’histoire. Jusqu’au jour où, qui sait, un journaliste du Daily Mail sera fier de lire Slate.fr ?