« On fait la distinction entre les contribuables de bonne foi ou de mauvaise foi »
CC’est la première fois en Gironde que l’administration chargée du contrôle fiscal communique son rapport annuel, en l’occurrence celui de 2023. La date de cette présentation chiffrée, le 21 novembre, correspondait à l’anniversaire d’un événement dramatique. Il y a deux ans, Ludovic Montuelle, chef de la brigade de vérification d’Arras, avait été tué de plusieurs coups de couteau dans l’exercice de sa profession. A midi, les 1.700 agents de la Direction régionale des finances publiques de la Nouvelle-Aquitaine et du département de la Gironde (DRFIP) ont respecté une minute de silence, rappelant par cet hommage que ce métier pouvait être dangereux.
L’année dernière, en Gironde, un millier de contrôles fiscaux ont été réalisés « sur place », auprès de particuliers ou de professionnels, sachant que le département compte un million de foyers fiscaux et environ 300 000 entreprises assujetties à la TVA. Les inspecteurs des impôts spécialisés dans ces recherches ciblées et approfondies se rendent dans les cas où les enjeux sont les plus importants, lorsqu’un ensemble d’indices suggèrent que les règles fiscales n’ont peut-être pas été respectées.
24 000 contrôles de pièces
En 2023, dans le département, ces « contrôles externes » se sont traduits par 96 millions d’euros de redressements fiscaux. Dans le cas contraire, les opérations de vérification sont effectuées à distance. Nous appelons cela « l’inspection des documents ». Le contribuable ne s’en rend généralement pas compte. «S’il n’y a pas d’incohérences, on ferme le dossier et c’est fini», observe Samuel Barreault, le directeur régional de la DRFIP. Mais si une anomalie est détectée, un courrier est envoyé. En 2023, dans ce cadre, 400 Girondins ont été invités à régulariser leur situation.
L’année dernière, 24 000 contrôles de ce type ont été réalisés en Gironde. Les demandes de régularisation qui en ont résulté ont permis de récupérer 28 millions d’euros. Il faut ajouter à ces redressements fiscaux, petits ou grands, 13 millions d’euros résultant de 1 000 contrôles de taxe foncière, par exemple lorsqu’un propriétaire déclare une maison qu’il estime à 600 000 euros alors qu’en réalité elle vaut deux ou trois fois plus. Au total, 137 millions d’euros sont récupérés en Gironde pour 2023, dont 63 % ont déjà été versés.
« L’égalité avant les impôts »
«On fait la distinction entre les contribuables de bonne foi ou de mauvaise foi», souligne Samuel Barreault. C’est même la base du système. « Le contrôle fiscal, c’est le vivre ensemble », ajoute-t-il. C’est l’égalité devant les impôts, devant les charges publiques. C’est aussi une manière de lutter contre la concurrence déloyale. Les entreprises qui ne respectent pas la législation fiscale nuisent à celles qui le respectent. » Le « droit à l’erreur » apparaît dans la loi dite Essoc (L’État au service d’une société de confiance) du 10 août 2018.
« Ceux qui ne respectent pas la loi fiscale nuisent à ceux qui le respectent »
Il existe une présomption d’exactitude et de sincérité : « Le système est déclaratif. Nous sommes présumés réguliers. Mais la confiance n’exclut pas le contrôle. » Si un contribuable en doute le signale spontanément et a effectivement commis une erreur dans une déclaration d’impôt sur le revenu, pour une taxe commerciale ou en matière de droits de succession par exemple, les majorations seront réduites de moitié. Si sa correction intervient lors du contrôle, elles sont réduites de 30 %.
« Mauvaise foi »
En revanche, si une irrégularité est découverte, des « majorations de mauvaise foi » sont appliquées. Toutefois, un redressement fiscal peut être contesté. C’est un droit. Les litiges sont jugés par le tribunal administratif. « La charge de la preuve » incombe à la DRFIP, qui, en 2023, a transmis 47 dossiers aux parquets de Bordeaux et de Libourne.
Accompagnement
Le contrôle n’est pas la seule mission de la DRFIP. Elle a, ce que l’on sait moins, un rôle d’accompagnement des entreprises sur le plan fiscal, notamment auprès de celles en difficulté, pour lesquelles une permanence téléphonique a été mise en place (au 06 17 22 70 81). Des retards de paiement et des rééchelonnements de dettes fiscales et sociales sont possibles. «La procédure est secrète», souligne Samuel Barreault. C’est entre l’entreprise et nous. » En Gironde, 125 entreprises, représentant 3 250 emplois, ont bénéficié de ce dispositif en 2024.
Signe des temps, il faut savoir que l’intelligence artificielle joue un rôle croissant. La DRFIP l’utilise depuis 2015, ne serait-ce que pour croiser fichiers et données, mécanisme suivi, à chaque fois, d’une validation humaine. « Aujourd’hui, 50 % de notre programmation vient de l’IA », affirme son directeur régional. Une évolution technologique qui semble pour le moins dissuasive.