ce que changerait l’augmentation du nombre de jours de carence
Pour réduire les dépenses de sécurité sociale, le gouvernement envisage d’allonger le délai de carence pour les salariés du privé. Pour éviter d’imposer une charge supplémentaire aux entreprises, la loi pourrait interdire aux employeurs de rémunérer les salariés une partie de ces journées non travaillées.
Le gouvernement continue sa chasse aux économies. Selon La Tribune, l’exécutif envisagerait d’augmenter le nombre de jours de carence pour les salariés du privé afin de réduire les dépenses de Sécurité sociale et d’économiser un milliard d’euros par an. Une mesure qui pourrait être évoquée par Gabriel Attal lors de la « grande initiative » sur les accidents et les arrêts de travail, qui doit réunir « partenaires sociaux, élus et parlementaires » fin avril.
Actuellement, l’assurance maladie prévoit trois jours d’attente pour un salarié du privé à qui un médecin a prescrit un arrêt maladie. Concrètement, cela signifie que la Sécurité sociale ne commence à verser des indemnités qu’à partir du quatrième jour.
Augmenter le nombre de jours de carence tout en luttant contre les « arrêts de complaisance » permettrait donc à la Sécurité sociale de réaliser d’importantes économies sachant que les arrêts maladie lui ont coûté 16 milliards d’euros en 2022, soit 5 milliards de plus qu’en 2010. La caisse nationale d’assurance maladie est c’est aussi le deuxième plus déficitaire (-8,4 milliards d’euros) après le fonds en charge de l’assurance vieillesse. Et ce déficit devrait se creuser légèrement cette année avant de se stabiliser autour de 8,5 milliards d’euros jusqu’en 2027, selon le Haut Conseil du financement de la protection sociale.
Les employeurs se rebellent
Déjà échauffés par les nouvelles dispositions accordant des jours de congés payés aux salariés en arrêt maladie, les employeurs voient d’un très mauvais oeil l’augmentation du nombre de jours de carence. Elle entraînerait en effet un surcoût pour les employeurs qui souscrivent un contrat social afin de compenser l’absence d’indemnisation versée par l’assurance maladie pendant les trois premiers jours de congé d’un salarié.
Interrogé par France info, Eric Chevée, vice-président de la CPME, assure que seuls « deux millions » de salariés sur près de 20 millions ne sont aujourd’hui « pas couverts par ce type de contrat de prévoyance », qui est « soit un accord d’entreprise, soit un accord de branche ». Selon lui, augmenter le nombre de jours de carence de trois à quatre ou cinq représenterait une facture qui « dépasserait le milliard » d’euros de cotisations supplémentaires.
Le patronat plaide pour des « jours d’attente pour l’ordre public ». En d’autres termes, les jours d’attente supplémentaires ne pourraient être compensés ni par l’entreprise ni par l’Assurance Maladie : seuls les salariés seraient perdants. Par exemple, on passerait de trois à quatre jours d’attente, dont un ne serait pas couvert. Rien n’est encore décidé, mais l’option de ces journées « d’ordre public » est à ce stade privilégiée par le gouvernement, car elle rapprocherait le traitement des salariés du privé de celui réservé aux fonctionnaires qui perdent un jour de salaire lorsqu’ils sont en arrêt maladie.
Un meilleur support réduit les temps d’arrêt
Selon une étude de la Drees, les salariés dont l’employeur prend en charge le délai de carence appartiennent le plus souvent à des catégories sociales plus favorisées et bénéficient généralement de meilleures conditions de travail que les salariés non couverts. Or, ils sont « plus âgés et plus exposés aux maladies chroniques ».
La Drees observe également que les entreprises à forte valeur ajoutée sont celles qui veillent le mieux au bien-être de leurs salariés, y compris « en l’absence d’accords sectoriels contraignants ». « En fait, les établissements avec une main d’œuvre plus masculine, bien rémunérée, et davantage en CDI, sont aussi ceux où la couverture des arrêts maladie est meilleure », ajoute le service statistique du ministère de la Santé.
Dans son étude, il assure qu’une meilleure gestion des jours de carence n’incite pas « au recours aux arrêts maladie ». En revanche, elle tend à réduire la durée de l’arrêt : « Les résultats indiquent que la couverture du délai de carence a pour effet de réduire la durée des arrêts de 2,8 jours en moyenne. Il semblerait donc que les salariés non couverts pendant la période de carence les trois premiers jours d’arrêt risquent d’augmenter la durée moyenne de leurs arrêts », indique la Drees.