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« C’est le procès de la lâcheté », les conclusions de Gisèle Pelicot avant les plaidoiries

Après dix semaines d’audiences dans le procès pour viol de Mazan, Gisèle Pelicot s’est exprimée pour la dernière fois devant le tribunal correctionnel du Vaucluse ce mardi matin. Elle résume ce procès comme celui de la « lâcheté ».

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Leurs derniers mots avant de donner la parole aux avocats. Une nouvelle phase du procès pour viol de Mazan commence. En cette onzième semaine d’audience, au lendemain du témoignage des deux fils Pelicot et à la veille du début des plaidoiries, Gisèle Pelicot a pris la parole et a accepté de répondre une dernière fois aux questions des avocats de la défense, ce mardi 19 novembre.

Plus d’une quarantaine de journalistes sont présents pour cette 48e journée de procès, pour certains depuis 6h15, pour pouvoir assister à l’audience. « presque autant de journalistes que d’accusés »ironise un policier. Gisèle Pelicot arrive à 9 heures, elle ralentit devant les journalistes, les accueille calmement avec le sourire.

A 10h06, le septuagénaire prend la parole. Digne, c’est vrai. Elle parle sans hésitation, d’une voix soutenue, sans inflexion.

« Je viens d’entendre le dernier coaccusé, j’avoue que depuis le début, j’ai entendu beaucoup de choses inaudibles, inacceptables pour moi. En renonçant au huis clos, je savais à quoi je m’exposais.

« La fatigue se fait sentircontinue-t-elle. J’ai vu des gens défiler au bar. (…) J’ai envie de dire, et je suis poli : À quel moment, lorsque vous entrez dans cette pièce, vous dites-vous qu’elle vous a donné son consentement ? Quand on voit un corps inerte, il y a quelque chose d’anormal. À quel moment ne sortez-vous pas immédiatement pour signaler ce qui arrive à la police ?

 » Ce que j’ai entendu : ‘J’ai été drogué, j’ai pris du zolpidem…’ J’ai tout entendu.  » Mon cerveau était télécommandé, je ne comprenais pas ce qui se passait…  » C’est intéressant… Quand n’ont-ils pas frappé ?  » »dit Gisèle Pelicot, l’air fatiguée.

« Pour moi, c’est le procès de la lâcheté. Il n’y a pas d’autres mots. Le procès de Gisèle Pélicot est le procès de la lâcheté. »

Elle répète cette phrase. « Je pense que j’ai tout dit. » et ajoute enfin : « Il est grand temps que, dans cette société machiste et patriarcale, nous changions notre regard sur le viol. »

Après sa déclaration de cinq minutes, plusieurs avocats de la défense sont venus à la barre. Et d’abord Maître El Bouroumi, qui défend deux accusés, et arrivé tardivement dans la salle d’audience. Le ton monte pour la première fois ce matin. « Vous n’avez jamais exprimé de position très claire sur M. Pelicot »dit l’avocat. « La seule fois où tu as pleuré, c’était quand nous parlions d’enfance. »

Face à ces questions posées sur un ton particulièrement incisif, la salle, jusque-là silencieuse, s’est légèrement agitée. Gisèle Pelicot garde son calme et sa douceur. Elle n’élève pas la voix. Un flegme qui contraste avec l’attitude de l’avocat.

Me Nadia El Bouroumi interroge la notion de « manutention » dont Gisèle Pelicot aurait pu souffrir « dans la vie de tous les jours » de son ex-mari.

« Pensez-vous que je serais resté 50 ans avec quelqu’un qui m’aurait manipulé au quotidien ? »répond la victime.

Caroline Darian, la fille de Dominique Pelicot et quitte la salle, visiblement furieuse après ces questions. Elle reviendra quelques minutes plus tard.

Plusieurs autres avocats se relaient face à Gisèle Pelicot. Elle revient sur l’attitude de son ex-mari lors de leur vie commune : « Il a toujours été prévenant et gentil avec moi. L’influence que j’ai pu avoir sur lui était l’influence chimique. Il ne m’a jamais rien interdit. J’ai fait ce que je voulais. Je n’ai rien détecté d’inhabituel chez lui. »

Elle continue : « M. Pelicot avait beaucoup de fantasmes. Il était très frustré. Ce qu’il voulait, c’était Madame Pelicot, pas une autre personne. Il a trouvé la solution parce que je n’acceptais pas d’aller dans les clubs échangistes. »

J’ai perdu 10 ans de ma vie que je ne retrouverai jamais. La cicatrice ne guérira jamais.

Gisèle Pélicot

France 3 Provence-Alpes

Elle évoque enfin les années d’errance médicale, « grande souffrance« . « Chaque individu recherche une thérapie. Pour moi, c’était la marche, la musique, le chocolat.

Me El Bouroumi reprend la parole. Elle s’intéresse particulièrement au jour où Gisèle Pelicot s’est rendue au commissariat avec son mari. Lui avait-il tout avoué avant qu’elle ne découvre ce qui s’était passé ? « Non, il avait un visage normal. »

Les questions continuent, le ton monte à nouveau. Me Babonneau, l’avocat de la victime, intervient alors. – Vous tourmentez madame Pélicot !dit-il. Les deux avocats échangent avec véhémence avant que le président ne coupe court : « Maître Babonneau, votre remarque est particulièrement déplacée et indigne ». La pièce s’agite à nouveau.

L’apaisement, je ne l’aurai jamais. Il y aura toujours 51 personnes qui m’auront souillé. Je vais devoir vivre avec ça pour le reste de ma vie.

Sur une question d’un autre avocat sur la différence entre les prévenus qui reconnaissent et les autres, Gisèle Pelicot ne tremble pas : « Pour moi, ils sont tous coupables. Je ne fais pas de distinction. Mais pour moi, ils ont tous commis le même crime : violer une femme inconsciente qui n’a pas donné son consentement. C’est tout, je ne veux pas. ne dis plus rien. »

Après une suspension de l’audience, demandée par le tribunal et non par Gisèle Pelicot, prête à poursuivre, les questions des avocats ont repris. La victime est notamment invitée à s’exprimer sur le nom, « Pélicot », qu’elle a choisi de conserver.

« Je veux que mes petits-enfants soient fiers de leur grand-mère. C’est pourquoi. Je suis connu dans le monde entier, je n’avais pas du tout estimé l’ampleur que allait prendre ce procès. Je veux qu’ils n’aient pas honte de ce nom. Nous Je me souviendrai de Gisèle Pélicot.

La journée d’audience a débuté à 9 heures, avec un ultime interrogatoire, celui de Philippe Leleu, 62 ans, accusé d’avoir violé Gisèle Pelicot le 7 juin 2018. Plus de six ans plus tard, il est à la barre du tribunal correctionnel du Vaucluse. Jean bleu clair et pull beige. Gisèle Pelicot est à sa droite, assise. À sa gauche, le box des accusés, où se trouve Dominique Pelicot.

« Je venais parler jardinage, tailler les haies, voir des vidéos et de la lingerie. » Philippe Leleu déclare d’emblée que ce scénario faisait partie d’une « entente » au sein du couple. « Je n’ai pas commis de viol »il maintient. Philippe Leleu a été contacté par Dominique Pelicot sur le site coco.org

M. Leleu a déclaré qu’il n’était pas au courant de l’état de Gisèle Pélicot avant la rencontre et qu’il était certain qu’elle « parfaitement conscient« .

Le jour du rendez-vous chez Mazan, les deux hommes se retrouvent d’abord dans le salon. « On parle de tout et de rien. Mon travail. Il me propose un café. Il me montre des vidéos sur son ordinateur. « Je peux vous montrer les vidéos de ma femme, mes vidéos de couple. »

Dans ces vidéos, Leleu ne voit que « la moitié » du visage de Gisèle Pelicot. « Dès qu’il me montrait des vidéos d’autres hommes avec, ça défilait très vite ». « Elle était comme un chien de chasse, elle ne bougeait pas« , décrit-il.

Le président lui demande alors pourquoi il n’a pas « tilté ». « C’est bizarre, mais je n’ai pas cherché plus loin. »

Dans la chambre, il retrouve Madame Pélicot « comme un coup de feu, nu. » « Il me dit : elle a pris ses cachets, ses somnifères, elle dort, c’est un accord entre nous, c’est pour me faire plaisir. » Puis il touche et pénètre Gisèle Pelicot avec ses doigts.

« J’étais sous les ordres de M. Pelicot, je ne pense plus »précise M. Leleu. Pendant tout l’interrogatoire, elle reste silencieuse, elle le regarde parler.

Les questions du président se poursuivent. Après l’acte, Philippe Leleu quitte la salle, Dominique Pelicot reste avec lui.

« Par politesse, j’ai attendu Dominique Pelicot dans le jardin pour lui dire au revoir. Il m’a dit : ‘Tu reviendras tailler les haies’ ».

« Une manière bien curieuse de concevoir la politesse »réagit l’avocat de Gisèle Pelicot, Maître Stéphane Babonneau, après l’interrogatoire. C’est elle-même qui lui dit cette phrase.

Domic Pelicot, en sweat gris et écharpe blanche, confirme « dans l’ensemble » Déclaration de M. Leleu. « Je n’ai pas trouvé cela inconfortable. »note-t-il cependant. Cela confirme la pénétration du numérique.

Cammile Bussière

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