comment sa chanson « Non, je ne regrette rien » écrite « dans la colère » est devenue une « révélation » pour Edith Piaf
Le titre permettra à la Môme de faire un retour triomphal sur scène le 29 décembre 1960 à l’Olympia. On pensait la chanteuse en fin de carrière, mais les compositions de Charles Dumont ont relancé sa carrière et lui ont même donné un second souffle.
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Cette chanson a littéralement changé la vie de son compositeur, Charles Dumont, décédé dans la nuit du 17 au 18 novembre, et celle de son interprète, Edith Piaf. Ce n’est pas au théâtre mais à la télévision que les Français ont entendu pour la première fois Non, je ne regrette rien. 2 décembre 1960, en exclusivité pour le spectacle Cinq colonnes en première page, Edith Piaf apparaît petite et frêle dans son éternelle robe noire. Dès qu’elle chante le premier couplet, l’artiste est transformée, comme transcendée.
« Quand Michel Vaucaire (le parolier) et Charles Dumont (le compositeur) m’a apporté la première fois Non, je ne regrette rienc’était comme une sorte de révélation en moi, c’est à dire que j’ai senti que je devais tout effacer, que je recommence tout, que je me renouvelle complètement. »a-t-elle confié. Charles Dumont avait alors 31 ans et ne croyait guère en ses chances, Édith Piaf lui ayant déjà refusé plusieurs titres. « J’étais dans de sérieuses difficultés financières. J’ai écrit cette chanson avec colère« , disait-il en 2013. C’est le parolier Michel Vaucaire, le mari de la chanteuse Cora Vaucaire, qui a tenu à présenter cette chanson à Edith Piaf.
Un rendez-vous est pris le 20 octobre 1960. La secrétaire d’Edith Piaf appelle pour annuler, la chanteuse ne se sent pas bien, mais les deux hommes ne reçoivent pas le message et se présentent à 17 heures à l’adresse de Piaf, 67 boulevard Lannes à Paris. Le secrétaire s’apprête à les renvoyer lorsqu’ils entendent la voix de Piaf crier : « Amenez-les puisqu’ils sont là« .
Elle les accueille en robe de chambre, chaussons aux pieds. Charles Dumont s’assoit au piano et joue. Elle lui demande alors de recommencer, une, deux fois, trois fois… « Quand il aimait une chanson, a expliqué le compositeur, elle l’a joué à tous ses amis. J’ai vu tout le monde défiler. J’ai commencé à cinq heures jusqu’à deux heures du matin (…) Je me couche, le téléphone sonne et elle me dit : ‘Tu ne peux pas revenir et me jouer la chanson ? Je me suis levé et je suis revenu boulevard Lannes !
Victime de graves problèmes de santé et d’addictions, la chanteuse avait quitté la scène un an plus tôt, épuisée. Avec Non, je ne regrette rienelle fait son grand retour et sauve l’Olympia, alors au bord de la faillite. Le 29 décembre 1960, tout Paris s’y presse, ravi de la retrouver. Le journaliste et écrivain Jacques Pessis déclare : «Elle monte sur scène, se dirige vers le micro et il va y avoir 16 minutes d’applaudissements debout. Du jamais vu dans l’histoire du music-hall.
Edith Piaf chante de nouveaux titres composés pour elle par Charles Dumont, dont Non, je ne regrette rien et a fait un triomphe. Pour Jacques Pessis, « Piaf avait un sens des chansons, des paroles et de la musique qui touchaient le public car elle est née dans la rue, elle y a grandi. Elle a tout de suite compris que dans cette chanson, il y avait une idée, une mélodie qu’elle pouvait chanter. C’est pourquoi elle l’a totalement fait sienne. Elle restera en tête du hit-parade de l’époque, le « marché des stars », pendant 48 semaines. C’est l’une des chansons d’Edith Piaf les plus célèbres au monde avec La vie en rose.
Chanson mythique
On a parfois dit et écrit que le petit Piaf avait consacré Non, je ne regrette rien à la Légion étrangère. Le journaliste Jacques Pessis veut corriger : «C’est la Légion qui a repris cette chanson pour en faire un hymne car elle correspondait à ce que pensent les soldats, ils ne regrettent jamais rien au combat. » On ne compte plus le nombre d’artistes qui ont un jour repris cette chanson mythique : Dalida, Johnny Halliday, Mireille Mathieu, Nicolas Peyrac, Patricia Kaas, Tina Arena… et bien sûr Charles Dumont !
La petite Piaf la chanta jusqu’à la fin de sa vie en 1963. Et Jacques Pessis de conclure : «Piaf n’a jamais rien regretté et surtout pas son retour sur scène en 1960 alors que tout le monde pensait qu’elle ne parviendrait pas à se lever du lit. Grâce aux trois années qui ont suivi sur scène, elle a prolongé sa vie, elle n’a vécu que pour la scène. »