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l’autorisation d’utiliser des missiles à longue portée n’est pas un « tournant militaire » mais « extrêmement symbolique », selon un spécialiste

Ulrich Bounat, géopolitologue, spécialiste de l’Europe centrale et orientale, décrypte pour franceinfo l’autorisation donnée par Washington à Kiev d’utiliser des missiles américains à longue portée pour frapper la Russie.

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Le président ukrainien Volodymyr Zelensky, le président du Conseil européen Charles Michel et le président de la Commission européenne, le 17 octobre 2024 à Bruxelles (Belgique). (BENOIT DOPPAGNE / BELGA MAG / AFP)

Ce n’est pas un « un tournant d’un point de vue militaire, par contre d’un point de vue politique, c’est extrêmement symbolique »explique lundi 18 novembre sur franceinfo Ulrich Bounat, géopolitologue, spécialiste de l’Europe centrale et orientale alors que le président des Etats-Unis, Joe Biden, autorise l’Ukraine à utiliser des missiles à longue portée en Russie.

« Il est probable que les Russes s’y préparent depuis des mois. Cela n’aura pas l’effet stratégique qu’il aurait pu avoir il y a quelques mois« , relativise le spécialiste. Il s’agit d’un changement stratégique crucial de la part des Etats-Unis à quelques semaines de l’arrivée au pouvoir de Donald Trump. »Cette décision vise à aider un peu l’Ukraine à se retrouver dans une position pas trop délicate si des négociations doivent s’ouvrir.« , explique Ulrich Bounat.

franceinfo : que va réellement changer l’usage des missiles à longue portée dans ce conflit ?

Ulrich Bounat : Il est probable que les Russes s’y préparent depuis des mois. On a vu qu’une partie des bases aériennes russes situées à portée de ces missiles, soit 300 kilomètres, ont été vidées de leurs principaux bombardiers stratégiques qui ont été éloignés plus loin. Cela permettra de toucher les dépôts de munitions et les groupements de troupes. Mais en réalité, cela n’aura pas l’effet stratégique qu’il aurait pu avoir il y a quelques mois. Je ne pense pas qu’on puisse parler de tournant d’un point de vue militaire. En revanche, d’un point de vue politique, c’est extrêmement symbolique. En fait, c’était l’une des dernières lignes rouges fixées par la Maison Blanche.

Quelle est la position de Donald Trump sur l’utilisation par Kiev de missiles à longue portée ?

L’équipe de Donald Trump est résolument en faveur de la paix le plus rapidement possible, ce qui signifie, à terme, forcer l’Ukraine à accepter des concessions territoriales. Dans ce contexte, cette décision vise à aider un peu l’Ukraine à se retrouver dans une position pas trop délicate si des négociations doivent s’ouvrir. Rhétoriquement, les Russes feront probablement des déclarations tonitruantes, accusant une nouvelle fois l’OTAN d’être belliqueuse. Mais il faut toujours faire une différence entre le déclaratif et le terrain.

« Sur le terrain, nous voyons la Russie se préparer à cela depuis des semaines et des mois. Je pense même qu’il s’attendait à cette décision plus tôt.

Ulrich Bounat

sur franceinfo

Au-delà de l’escalade rhétorique. Il ne faut pas non plus s’attendre à ce que la Russie exerce des représailles directes contre les pays de l’OTAN. Sur le terrain en Ukraine, les Russes sont déjà au maximum de ce qu’ils peuvent faire.

La France est-elle susceptible d’autoriser à son tour des frappes sur le territoire russe ?

Très clairement. Ce n’est pas que les Américains s’attendaient à ce que les Français et les Anglais emboîtent le pas, c’est plutôt que les Français et les Anglais voulaient le faire, mais qu’il y avait un veto américain puisqu’il y a des composants américains dans les missiles Scalp et Storm Shadow. Par conséquent, si les Américains autorisent leur utilisation sur le territoire russe, les Anglais et les Français le feront immédiatement.

Est-il possible que ce type de missile puisse être utilisé contre des cibles civiles ?

Il est très probable que le ciblage soit limité. Sur le pont du détroit de Kertch, en Crimée, c’est effectivement symbolique. Je ne sais pas s’il fera partie des cibles autorisées. En revanche, on peut s’attendre à ce que toutes les raffineries soient exclues de l’utilisation de ce type d’équipement. Les Américains ont toujours refusé et ont toujours été réticents à permettre aux Ukrainiens de frapper quoi que ce soit en rapport avec le champ pétrolier russe. En effet, le pont de Kertch est une cible de choix, c’est une cible extrêmement symbolique. Reste à savoir si les Américains donneront leur autorisation ou non. Pour autant, les Américains n’ont pas non plus les mains libres. Il est probable qu’il y aura une validation du type de cible qui pourrait être frappée par les Ukrainiens.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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