la désalcoolisation du vin est instaurée en France
Jusqu’à présent, les exploitants étaient obligés d’envoyer leurs vins à l’étranger pour les désalcooliser : pas très écologique, ni très « terroir ». Mais cela est en train de changer, car des unités de désalcoolisation ouvrent en France.
Le marché des boissons non alcoolisées est en plein essor en France (environ 15 % de la population ne consomme pas d’alcool). De plus en plus de marques établies proposent des millésimes 0%, des marques entièrement dédiées aux produits sans alcool et les cavistes où l’éthanol est interdit poussent comme des champignons. Il existe plusieurs manières de produire une boisson avec très peu ou pas d’alcool : fermentation non alcoolique, distillation non alcoolique, infusion, macération… et désalcoolisation. C’est cette dernière qui se développe le plus dans la filière des jus de raisin. Il s’agit en fait d’un impératif légal, car l’appellation vin n’est pas une catégorie reconnue, contrairement au « vin désalcoolisé ».
Trois techniques de désalcoolisation
Pour faire du vin désalcoolisé, il faut d’abord faire du vin. Au départ, le processus est donc très similaire à la production de vrai vin. Vendanges (souvent sur raisins sous-maturés), fermentation alcoolique, soutirage… et parfois même élevage. Une fois le vin obtenu, le producteur doit le désalcooliser, c’est-à-dire lui retirer 100 % de l’alcool qu’il contient. Trois technologies de désalcoolisation permettant de produire de gros volumes sont principalement utilisées : l’osmose inverse, la colonne à cône rotatif et l’évaporation (ou distillation) sous vide. « Nous avons choisi la distillation sous vide car elle donnait de meilleurs résultats aromatiques et était plus efficace, explique Sébastien Thomas, l’un des fondateurs de la marque de vins désalcoolisés Moderato. Notre partenaire Vivadour, qui a de l’expérience dans la distillation dearmagnac nous a soutenu dans ce choix. Avec cette méthode, le vin est distillé sous vide, ce qui permet à l’alcool (qui s’évapore moins que l’eau) de se volatiliser à 35 ou 40° au lieu de 78°. Cela permet d’économiser de l’énergie, mais réduit également les tracas liés au produit. En quelques heures l’alcool concentré à 75 ou 80% est récupéré d’un côté, tandis que le vin est désalcoolisé à 0,0% de l’autre. Ce procédé permet également la rectification, c’est-à-dire la réinjection d’une fraction alcool aromatique.
Il existe une autre technique industrielle de désalcoolisation qui utilise également la distillation sous vide, mais utilisant une machine spécifique : la colonne à cône tournant ou centrifuge. C’est par exemple la solution choisie par la marque Pierre Chavin pour sa cuvée Pierre Zéro. La technique de l’osmose inverse consiste à faire passer le vin à travers une série de membranes filtrantes. Pour simplifier, à chaque passage, un peu d’alcool est retiré du vin (appelé aussi nanofiltration), et au final il n’en reste plus du tout. Il a l’avantage d’être moins industriel et de pouvoir se déplacer d’une région à l’autre, mais il est plus consommateur d’eau et d’énergie. A la base, il est utilisé par les vignerons qui souhaitent baisser de quelques degrés le titre alcoométrique de leur vin. Une pratique croissante en période de réchauffement climatique.
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Mais dans les trois cas, on constate une perte de matière et d’arômes pour le vin désalcoolisé. Des caractéristiques que les producteurs s’efforceront de réintroduire à travers diverses techniques… mais c’est une autre histoire.
Unités de désalcoolisation des vins en France
La désalcoolisation est une opération lourde, qui nécessite des équipements dont la plupart des régions ne disposent pas. Or, jusqu’à récemment, il n’existait pas d’unités de désalcoolisation en France. « Les vins étaient expédiés soit en Belgique et en Allemagne (c’était notre cas), soit en Espagne.explique Sébastien Thomas. Cela posait un problème écologique, car ils devaient faire de nombreux déplacements. C’est encore le cas pour certains opérateurs, mais cela est en train de changer. Ainsi, en mars dernier, Bordeaux Families et B&S Tech ont ouvert une unité de désalcoolisation à Sauveterre-de-Guyenne (près de Bordeaux). Et dans les prochaines semaines, Moderato et la coopérative viticole gasconne Vivadour lanceront le Chai Sobre, basé à Vic-Fezensac. Les deux sites utilisent la technique de distillation sous vide (ou évaporation) et proposeront également des services de désalcoolisation des vins pour le compte de tiers.