XV de France – Nouvelle-Zélande – « La fureur de vivre » : la grande histoire de l’exploit des Bleus face aux Noirs
Longtemps dominés par des Néo-Zélandais énergiques et pétillants, Antoine Dupont et ses coéquipiers ont néanmoins réussi, grâce à un incroyable instinct de survie, à renverser le cours d’un match longtemps très difficile. C’est tellement bon…
J’ai compris que TF1 attendait de voir ce que ferait ce France-Nouvelle-Zélande, avant de décider si l’« Ahead », comme l’appelaient autrefois nos grands-mères, s’attaquerait ou non à la toute-puissance historique. de France Télévisions sur le Tournoi des 6 Nations. J’en déduis, à la lumière du prodigieux heure de grande écoute samedi soir, que la bataille à venir entre les deux grandes chaînes du PAF sur l’ancien Tournoi est susceptible d’augmenter considérablement la valeur monétaire de la compétition. Car le 17 novembre, il y avait déjà cinq fois plus de spectateurs à Saint-Denis et quatre fois moins de CRS que lors de l’épreuve France Israël qui l’avait précédée deux jours plus tôt. L’audience, si elle n’a pas atteint les sommets propres à une Coupe du monde ou à une cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques, a néanmoins été agréable, 8,5 millions de téléspectateurs – moins Jalibert et consorts – s’étant rassemblés samedi soir devant leurs écrans. De quoi monétiser sereinement la coupure publicitaire précédant le Haka et celle, concomitante au coup de sifflet final, coupant brutalement Thomas Lombard et Stefan Etcheverry, les animateurs* de l’automne. De quoi piétiner, également, le finaliste de la soirée (« Meurtres à Amiens »), dont on ne sait s’il attire autant de monde car il incarne une promesse de sang, de bière Picon ou les deux…
« LBB », l’odeur d’un chien drogué
En vérité, peu nous importe où nous regarderons les prochains matchs du XV de France. On sait en revanche qu’on continuera à les apprécier pour la richesse esthétique et le chaos narratif qu’ils procurent, la plupart du temps. Nous avons tout aimé de ce France – Nouvelle-Zélande. La Marseillaise a cappella, poussée par ces 80 000 fadas généralement indifférents au froid misérable qui entourait la plaine de Saint-Denis samedi soir. Le Kapa o Pango isolé par un jeu de lumière, sublime préambule auquel les Tricolores, par respect d’une tradition séculaire ou par noble peur d’en prendre trente, n’ont finalement opposé qu’un alignement scolaire. La fureur et le bruit que seuls les très grands matchs de rugby, pour ce qu’ils contiennent d’angoisse, de suspense et de violence, peuvent déclencher dans notre noble royaume…
Car il y avait finalement tout ce qu’il y a de plus beau dans ce sport, dans cette seule rencontre: une guerre de conquête directe si longtemps dominée par les Kiwis, les courses folles d’Ardie Savea, les timbres saisissants de Manny Meafou, les restarts de Will Jordan, la manière généreuse et désordonnée dont Paul Boudehent a secoué les Tout Noirs pour prouver qu’il était au niveau, le bordel gaulois qui a fait de Peato Mavaka un troisième rang et d’Antoine Dupont un ouvreur ou ces tentatives se répondant, ici aplaties par Cameron Roigard, là marqué par Louis Bielle-Biarrey. Lui ? Plus rapide que n’importe quel autre joueur du circuit international, il semble utiliser avant tout, sur les contre-attaques qu’il améliore coûte que coûte, le flair insurmontable d’un chien drogué. Nous avons adoré, mille ports. Nous sommes même allés si loin que nous aurions volontiers demandé aux Springboks de remettre leur titre en jeu demain. Tout le bonheur de l’homme se retrouvant finalement dans l’imaginaire, on s’est même furtivement persuadé que le XV de France serait champion du monde avant que le tennis ne trouve un successeur en la personne de Yannick Noah et le cyclisme un héritier en la personne de Bernard Hinault.
Galthié : « Ces joueurs sont des gars spéciaux »
Une fois la transe passée, on n’est évidemment pas dupe de la réalité des faits. Nous sommes conscients avec vous que cette victoire d’un petit point à l’Altradico est un miracle et que ces All Blacks, aussi mauvais au jeu au pied que brillants ballon en main, ont perdu à eux seuls le fil de ce match. que les Français ont eu tant de mal à gagner. Nous avons remarqué comme vous que Gabin Villière et Yoram Moefana essayaient de faire ce que Caleb Clarke et Rieko Ioane faisaient si souvent mieux qu’eux. On a enfin constaté que les vice-champions du monde avaient globalement plané sur les données, battu deux fois plus de défenseurs que les Tricolores, cassé deux fois plus de plaquages, réalisé plus de passes que leurs adversaires et naturellement produit plus de jeu. Alors de son côté, Fabien Galthié peut dire que tout « ça ne veut rien dire »que ce ne sont pas « des statistiques qui comptent au niveau international » et ça « le plus important c’est l’efficacité »nous craignons des nôtres que cette Nouvelle-Zélande en reconstruction sera décidément injouable, le jour où elle comprendra queau rugby, tous les ballons ne sont pas faits pour jouer avec…
Et quand même ? On aime aussi le ballon ovale pour ce qu’il offre un espace au dévouement quasi sacrificiel que ce XV de France, déchiré huit fois dans son antre, a mis samedi soir dans la reconstruction immédiate de sa ligne défensive, réalisant alors 208 plaquages, sonnant insubordination et criant au public furieux du Stade de France qu’il ne lâcherait rien. « Ces joueurs sont des gars spéciaux »a déclaré Galthié dans les entrailles du Stade de France. « En tant que Français, nous avons un supplément d’âme »Paul Boudehent le rejoint aussitôt, aussi emphatique qu’on peut l’être le soir d’un grand match. Alors quoi ? Si la récente victoire contre les All Blacks ne fait évidemment pas des Bleus les maîtres du monde, elle a au moins le mérite de dissiper les quelques doutes nés des derniers affrontements entre la France et la Nouvelle-Zélande. Non pas que la bande Galthié, invaincue contre le Tour Noir depuis 2020, ait rien volé à l’automne 2021 ou deux ans plus tard, lors du match d’ouverture de la Coupe du monde. Cependant, ces deux événements dégageaient un parfum d’inachevé, d’une part parce que les Kiwis, conscients qu’ils verraient les quarts de finale quoi qu’il arrive contre le pays hôte, avaient banalisé l’ouverture* de la Coupe du mondeque parce que la Nouvelle-Zélande paraissait très mal, le jour où elle s’est présentée à Saint-Denis en 2021, au crépuscule d’une tournée de trois mois et avec l’ailier George Bridge ou le pilier droit à leur place Nepo Laulala, dont les récentes apparitions au Top 14 ont confirmé ce qu’on pensait d’eux à l’époque, à savoir qu’ils n’avaient pas le niveau international. Ces graves malentendus désormais dissipés, on ne pourra que regretter que le XV de France, qui rejoindra la Nouvelle-Zélande cet été sans ses meilleurs joueurs, prive ces All Blacks généreux, intrépides et parfois sublimes de la revanche qu’ils auraient indéniablement méritée. .
*Les animateurs
** L’ouverture