Réalité ou légende urbaine, les rhumatismes sont-ils vraiment plus douloureux par temps humide ? – Edition du soir Ouest-France
vendredi 15 novembre 2024
Nos aînés jouent parfois le rôle de station météo ! Grâce à leurs douleurs articulaires, ils peuvent prédire quel temps il fera dans la journée. Mais qu’est-ce que c’est réellement ?
Les rhumatismes regroupent environ 200 maladies qui touchent les composantes des articulations, à savoir l’os et le cartilage articulaire. Ils affectent également leurs parties molles, comme les ligaments des os ou les tendons reliant les muscles aux os. Ils sont classés selon leur origine, en rhumatismes non inflammatoires et inflammatoires. Les premiers comprennent l’arthrose et l’ostéoporose, touchant particulièrement les personnes âgées, les troubles musculo-squelettiques ou encore la fibromyalgie. Les rhumatismes inflammatoires comprennent des formes d’arthrite, telles que la spondylarthrite ankylosante et la polyarthrite rhumatoïde, deux maladies auto-immunes. Aujourd’hui, plus de 16 millions de Français souffrent de rhumatismes.
Pluie ou humidité ?
En 2019, une équipe de l’université de Manchester a étudié les symptômes de plus de 2 500 patients pendant quinze mois. Plusieurs pathologies étaient représentées, comme l’arthrose, la polyarthrite rhumatoïde et la fibromyalgie. Les symptômes ont été collectés via une application pour smartphone, avec des informations telles que la météo, l’humeur ou l’activité physique. Il s’agit de l’une des premières expériences de science citoyenne à utiliser une application.
Les auteurs suggèrent que ce type de dispositif puisse être proposé aux patients pour prédire leur douleur. Ils ont constaté que c’est l’humidité relative, c’est-à-dire la saturation de l’air en vapeur d’eau, et la pression atmosphérique, qui sont les plus corrélées aux douleurs articulaires.
Cette corrélation, bien que significative, reste modeste. Par exemple, la modification simultanée des deux variables météorologiques n’entraîne qu’une légère augmentation de la douleur. Trois ans plus tard, une équipe de la même université décide de réanalyser les mêmes données. Ils ont déterminé qu’il existe bien un lien entre climat et douleurs articulaires, mais que cela concerne environ 4% des volontaires. Ces chercheurs expliquent que la douleur est subjective et codée par le cerveau. La réaction varie donc selon les patients et dépend des différences interindividuelles d’activation nerveuse.
Le joint est un baromètre
Le lien entre douleurs articulaires et météo fait l’objet de vifs débats parmi les scientifiques ! En 2017, une collaboration internationale, dirigée par le Dr Jena, a permis d’analyser les symptômes d’environ 1,5 million d’Américains de plus de 65 ans. Leur conclusion est qu’il n’y a pas de corrélation entre les douleurs articulaires et les jours de pluie. Quatre jours plus tard, la réponse à cet article scientifique ne se fait pas attendre ! Voici comment le Dr Bamji, rhumatologue à la retraite, commence sa réponse : « La raison pour laquelle le Dr Jena et ses collègues n’ont pas réussi à établir un lien entre les douleurs articulaires et la pluie est simple. Ils se sont trompés de variable – et à ma connaissance, personne n’a pris en compte la bonne. »
Comment la pluie ou l’humidité relative peuvent-elles influencer la douleur des patients… Alors que notre corps n’a aucun moyen de détecter les fluctuations d’humidité ? Le Dr Bamji précise que l’articulation est une structure permettant la proprioception ou une sensibilité profonde. Il s’agit de la capacité, consciente ou inconsciente, de percevoir la position des parties du corps sans utiliser la vision. Dans les tendons sont logés des « propriocepteurs », récepteurs sensibles à la pression induite par la contraction musculaire. Les propriocepteurs sont également sensibles aux changements de pression atmosphérique.
La pression atmosphérique suit en effet les variations de l’humidité relative. Quant aux propriocepteurs, ils transmettent leurs signaux aux nerfs sensoriels qui transitent jusqu’au cerveau.
Les douleurs articulaires sont directement liées à la pression atmosphérique, et indirectement à l’humidité relative. Chaque patient se sent dépendant de son propre système nerveux central. Le plus important est d’être à l’écoute de sa douleur, par exemple en tenant un journal quotidien de ses symptômes !
La version originale de cet article a été publiée dans La conversation.