sur la piste de l’espoir, le combat du petit Sacha
Assis, entouré de Spiderman, Ironman et de l’Incroyable Hulk, Sacha joue avec son super-héros préféré, Captain America. Leurs histoires sont similaires. À l’origine faible et faible, Captain America se transforme en combattant invincible après qu’un médecin lui ait inoculé un fluide magique. Sacha, atteint de dystrophie musculaire de Duchenne, a également reçu le « sérum du super-soldat », comme le surnomment Hélène et Édouard Villemin, ses parents. Un médicament de thérapie génique, développé dans le cadre d’un protocole par Généthon. L’opération a eu lieu le 7 décembre 2022, Sacha avait 6 ans. Deux ans plus tard, l’enfant grimpe aux arbres, sautille, grimpe, a réalisé son premier kata en karaté… et grandit sans signes cliniques de sa pathologie. « Ce traitement est l’un des meilleurs espoirs pour guérir la maladie de Duchenne, explique Frédéric Revah, directeur général de Généthon, même si, scientifiquement, il faut rester prudent. »
Le destin de la famille Villemin a basculé le 29 août 2018. Ce jour-là, Sacha fêtait ses 2 ans. Après avoir joué avec des amis, l’enfant ne se sent pas bien. « Il était tremblant et livide, se souvient Hélène, comme s’il faisait une crise d’épilepsie. » Aux urgences de l’hôpital de Strasbourg, une prise de sang révèle un taux élevé de CPK (créatine phosphokinase). Signe que les muscles, le cœur ou les méninges souffrent. «Pour identifier la cause, le professeur Vincent Laugel, chef du service de neurologie pédiatrique, nous a proposé une analyse génétique», raconte la maman. Nous sommes rentrés inquiets. » Quelques jours plus tard, le diagnostic tombe comme un coup : la dystrophie musculaire de Duchenne, une maladie dégénérative, due à une anomalie du gène DMD, découverte en 1986. Ce dernier est responsable de la production d’une protéine, la dystrophine, nécessaire au bon fonctionnement des fibres musculaires. Chez Duchenne, cela n’est pas produit du tout. Sans cela, les muscles s’abîment à chaque contraction et finissent par être détruits. Aucun d’entre eux n’est épargné : ni ceux qui respirent, ni le cœur.
Les symptômes sont terribles. « Les enfants sont en fauteuil roulant avant 12 ans, explique Frédéric Revah. Ils ont besoin d’une assistance respiratoire avant 20 ans et nous quittent entre 20 et 30 ans. » Le sol glisse sous les pieds d’Hélène et d’Édouard : « Notre fils souffrait d’une maladie extrêmement invalidante, sans aucun traitement et mortelle », se souvient Hélène. Nous avons été dévastés. » Leur quotidien devient un combat acharné.
Traitements lourds dès l’âge de 3 ans
Dès l’âge de 3 ans, Sacha a dû prendre des corticoïdes et suivre des séances de kinésithérapie pour limiter la perte de force musculaire et les déformations orthopédiques. Chaque nuit, il porte des attelles aux jambes. Tous les six mois, il effectue des contrôles auprès du professeur Laugel. Hélène en profite pour discuter avec la neuropédiatre des protocoles dont pourrait bénéficier son fils. Ce dernier leur indique qu’un essai a montré son efficacité sur des chiens mais qu’il faudra encore quelques années avant de pouvoir l’administrer à l’homme.
Comment pouvons-nous être patients en cas d’urgence ? « Depuis des décennies, grâce au courage de parents d’enfants malades et de donneurs, nous avons lancé le Téléthon et créé notre laboratoire, le Généthon, avec ses propres équipes de recherche », explique Laurence Tiennot-Herment, présidente de l’AFM. -Téléthon. Nous avons fait le choix stratégique de nous tourner vers les thérapies géniques. » Cette option consiste à doter les organes atteints d’une version « saine » du gène qui compensera les effets délétères du gène déficient. Pour l’introduire dans les cellules, il lui faut un transporteur. Cependant, la nature dispose déjà d’un outil qui lui permet d’infiltrer les organismes : les virus. Cela pourrait être aussi simple que cela. La seule chose est que le gène DMD est le plus long du génome humain. Aucun virus ne peut le contenir dans son intégralité. « Il a fallu recréer une version raccourcie, qui conserve toutes les fonctionnalités », explique Frédéric Revah. Le fruit de plusieurs décennies de recherche. »
Le Téléthon, « une bouée à laquelle s’accrocher »
Pour les familles concernées, « le Téléthon est une bouée à laquelle on s’accroche », explique Hélène. Une façon de garder la tête hors de l’eau. La création, en 1987, de cet événement télévisuel, grâce à la volonté farouche des parents, a ouvert le champ des possibles. Jusqu’alors, aucun laboratoire ne s’intéressait à la maladie de Duchenne. L’ampleur des dons donne de l’espoir. « Sur les plateaux, nos enfants ont tous cette force incroyable à exprimer : « Peut-être que pour moi c’est trop tard mais je me bats pour les autres. Un jour, nous gagnerons. Alors donnez ! » », souligne Laurence Tiennot-Herment, mère de Charles-Henri, décédé en 2003.
Chez les Villemin, malgré l’attente insupportable, la vie continue comme elle continue. Au moment du diagnostic de Sacha, ils souhaitaient un deuxième enfant. « Au début, on a abandonné, se souvient Hélène, avant de se dire qu’il ne fallait pas que la maladie nous enlève tout. » L’équation est délicate. S’ils donnent naissance à un garçon, il a 1 chance sur 10 d’être porteur du gène défectueux mais cela peut être détecté par amniocentèse. S’il s’agit d’une fille, elle sera probablement épargnée : la maladie ne les touche guère. En leur âme et leur conscience, Hélène et Édouard suivent leur désir. A un mois de grossesse, l’échographie révèle le sexe du bébé : féminin ! Albane, la sœur de Sacha, a aujourd’hui 4 ans et demi.
« J’ai 35 ans. Je n’étais même pas née lorsque les chercheurs travaillaient déjà pour sauver la vie de mon enfant. »
En 2021, le protocole identifié par le professeur Laugel pourra enfin être appliqué aux jeunes patients : un premier petit enfant français reçoit une dose de thérapie génique. Mais les effets secondaires sont évidents, l’essai est suspendu le temps d’adapter le protocole. Le 14 novembre 2022, le téléphone sonne enfin à la maison Villemin. » Bonjour. C’est le professeur Laugel. J’ai une très bonne nouvelle… » Sacha, qui coche les quarante critères de sélection, se joint au processus. Le 7 décembre, dans une salle stérile, entouré de ses parents, le garçon est connecté à un IV. « Un moment fort de sens, se souvient Hélène, qui se rend compte : je n’ai pas encore 35 ans alors que les chercheurs travaillaient déjà pour sauver la vie de mon enfant. » Sacha est l’héritier d’un combat. sa poche à perfusion concentre quarante années de recherche. «Es-tu prête», demande sa mère. «Oui, et même mon ange gardien», répond le garçon. Ensemble, ils attendent que le «sérum de super-soldat» coule à travers le sien. veines, goutte à goutte. Quatre heures et demie plus tard, l’opération terminée, le petit combattant saute de son lit médicalisé et court vers la porte de la chambre » Qu’est-ce que tu fais ? » se demande sa mère. – Je vérifie si le traitement fonctionne ! » répond-il.
Quatre semaines après l’injection, le professeur Laugel réalise des tests de contrôle. Hélène raconte : « Je ne vois ses yeux qu’à cause du masque chirurgical mais son regard en dit long quand il me dit : « Je trouve que ses mollets sont plus souples… » » Un mois et demi plus tard, c’était l’heure du coucher. Ash se dirige vers les escaliers pour monter dans sa chambre. Un acte qui, jusque-là, nécessitait un effort surhumain : aidé par ses bras accrochés à la rambarde, il se hissait d’une marche à l’autre. « Je le vois monter d’un seul coup en alternant pied droit et pied gauche », s’étonne Hélène. Puis il se tourne vers moi avec un grand sourire. » Pour être sûre qu’elle n’avait pas rêvé, elle demanda à son fils de redescendre et de recommencer. Et cette fois, elle le filme. La vidéo fera le tour du monde scientifique. Ce geste, aussi banal soit-il, démontre que la maladie ne gagne plus de terrain, voire qu’elle en perd ! Non seulement Sacha va mieux, mais il récupère sa motricité et progresse.
En 2024, il participe aux Olympiades organisées dans la ville d’Obernai, où réside la famille. Course à pied, saut en longueur, lancer du poids… Il a aussi couru du cross-country avec sa classe. « J’ai fait vingt tours dans la cour d’école », raconte-t-il. Il aime les jeux d’enfants comme n’importe quel enfant de son âge : toboggan, échelle de corde, pont suspendu, tyrolienne… Certes, sa vie est rythmée par « une rigueur presque militaire », décrit son père. La maladie ne fait pas de répit. Alors nous non plus. Prise de corticoïdes le matin et de médicaments le soir pour contrer les effets secondaires des premiers : ostéoporose, prise de poids, sautes d’humeur, forte émotivité, croissance limitée, etc. Séance d’étirements quotidienne, kinésithérapie une fois par semaine en alternance avec hippothérapie. Assis sur Filou, un grand poney blanc, Sacha travaille sa posture, sa force et son endurance musculaires ainsi que ses fonctions motrices globales.
« Ces résultats déclenchent un véritable tsunami émotionnel chez les parents d’enfants atteints de la maladie de Duchenne », reconnaît Laurence Tiennot-Herment. C’est une victoire symbolique, un moment charnière pour ceux qui ont la mort aux trousses. D’où l’importance de faire un don pour qu’un parent ne subisse plus jamais la mort de son enfant ! » Ces avancées thérapeutiques doivent désormais être consolidées sur plusieurs années et chez des dizaines de patients avant de pouvoir être développées à grande échelle. L’argent est le nerf de la guerre. Car si l’histoire de Sacha ressemble à un miracle, elle est loin d’en être un.