Éleveur laitier dans la Manche, « je gagne bien mieux ma vie qu’avec Lactalis »
« J’ai quitté Lactalis en 2019 et je gagne bien mieux ma vie aujourd’hui. » Basé à Notre-Dame-de-Cenilly, près de Saint-Lô (Manche), Jérôme Chapon a rejoint, il y a cinq ans, la Laiterie de Saint-Denis-de-l’Hôtel (LSDH), un industriel basé dans le Loiret. Un choix inédit, à l’époque, pour un producteur laitier de la Manche, département où se concentrent de nombreux acteurs de la transformation laitière.
Mais LSDH, spécialiste du lait UHT pour marques distributeurs (MDD), est l’un des transformateurs laitiers français qui rémunère le mieux ses producteurs. « En moyenne, 483 € la tonne de lait, soit plus de 500 € avec bonus » , confie Jérôme Chapon, l’un des quatre associés de la SCEA de Lillay.
Sur 330 hectares, dont 40 de pâturages autour de l’écurie, les 300 vaches de l’exploitation produisent 3 millions de litres par an. Du lait transformé en briques de la marque grand public « C’qui le boss ? ! » (sans OGM et accès au pâturage) à Varennes-sur-Fouzon (Indre) et Cholet (Maine-et-Loire).
LSDH apparaît comme un iconoclaste en jouant la transparence sur les prix. « Nous sommes à « Egalim 15 », nous ! » sourit Jérôme Chapon, en référence à la loi Alimentation, censée protéger les coûts de production agricole mais qui aura besoin d’une quatrième version (Egalim 4). « LSDH nous accompagne dans les négociations contractuelles tripartites et même dans les appels d’offres auprès de la grande distribution. Carrefour, Lidl, Auchan, Système U, Leclerc prennent en compte les matières premières agricoles (MPA) en toute transparence , souligne l’éleveur de 43 ans, élu au printemps président de l’APLBC, l’association des producteurs de lait pour le bien collectif. Nous n’avons pas l’impression d’être de simples pions. »
« La liste d’attente est longue comme un bras »
L’organisation des producteurs regroupe 760 exploitations agricoles réparties dans vingt-huit départements (au 1euh janvier 2024) et livre 400 millions de litres à LSDH mais aussi, depuis cette année, 200 millions de litres à Novandie, filiale du groupe Andros, qui produit des yaourts et desserts lactés sous la marque Mamie Nova. « Ce sont les mêmes prix payés aux producteurs. »
UN leitmotiv ? La répartition équitable de la valeur. « Un auditeur vérifie chaque mois que les prix pratiqués sont conformes aux négociations commerciales. » Et une visibilité garantie pour les producteurs : « Nous connaissons le prix du lait pour les six prochains mois. » Ce modèle « équitable » séduirait les distributeurs, selon le président de l’APLBC. « Ils viennent dans nos fermes une fois par an. » Signe des temps, « la liste d’attente des éleveurs qui souhaitent nous rejoindre est longue comme un bras ».
Dans la Manche, trois autres producteurs de la région de Saint-Lô ont rejoint l’APLBC à l’été 2023 et livrent désormais leur lait à la LSDH. Environ 7,5 millions de litres de lait au total quittent le centre de la Manche vers le Loiret. Grâce à l’ouverture de nouvelles lignes de conditionnement de briques de lait, dans l’usine LSDH près de Cholet (lait de consommation, boissons gazeuses), « 100 millions de litres de lait supplémentaires sont en préparation. » De quoi accueillir de nouveaux producteurs d’ici deux ans. Emmanuel Vasseneix, le président de l’entreprise familiale, a annoncé le 13 octobre qu’elle pourrait reprendre une centaine de producteurs abandonnés par Lactalis.