pourquoi la classe ouvrière américaine a abandonné Kamala Harris et les démocrates
Et d’ajouter que l’hémorragie de « la classe ouvrière blanche », qui avait assommé lors de la première victoire du milliardaire en 2016 contre Hillary Clinton, s’est étendue en 2024 aux « travailleurs latino-américains et noirs américains ». Un sondage d’Edison Research révèle que le président élu a remporté plus de 56 % des « non-diplômés universitaires », contre 42 % pour Kamala Harris. Soit six points de plus pour le Républicain par rapport à 2020.
« Condescendance »
Le vice-président sortant a au contraire recueilli 55 % d’électeurs « diplômés de l’université », contre 42 % pour Donald Trump, soit un point de moins qu’il y a quatre ans pour la tribune. Dans cette vaste enquête de sociologie électorale, 57 % des électeurs américains se déclarent « sans diplôme universitaire », contre 59 % en 2020. Les experts notent que le magnat new-yorkais, héritier d’une fortune immobilière, a réussi l’exploit de convaincre un bonne partie des classes populaires blanches et des classes moyennes inférieures – mais aussi hispaniques, arabes et noirs – qu’il comprenait mieux leurs préoccupations socio-économiques et sécuritaires.
« Harris n’a pas su répondre » aux « femmes blanches et hispaniques » ayant du mal à joindre les deux bouts, dans une Amérique aux inégalités abyssales, déplore Sylvie Laurent, enseignante à Sciences Po Paris. Ils « s’occupent du budget familial, font les courses et préparent les repas. Les prix alimentaires ont augmenté de plus de 30 % depuis 2020. Dans un pays à bas salaires, où les soins de santé et le logement sont plus difficiles qu’il y a dix ans, c’est insupportable », explique le chercheur. Comme d’autres membres du Parti démocrate, qui s’étend du centre droit au centre gauche, Marie Gluesenkamp Perez appelle à un examen de conscience.
Tout juste réélue au Congrès, dans une circonscription rurale et traditionnellement conservatrice de l’État de Washington (nord-ouest), cette trentenaire dénonce une forme de « condescendance » de ses camarades démocrates à l’égard des classes populaires. « De nombreux élus sont durs et cyniques, avec des formes d’irrespect envers les gens », affirme Marie Gluesenkamp Perez, dans un entretien vendredi au New York Times. Un directeur d’un « centre départemental de gynécologie et d’accouchement m’a dit que 40% des bébés ont au moins un parent souffrant d’addiction au fentanyl », a déclaré au journal la jeune parlementaire.
« Les uns contre les autres »
Le fentanyl, un opiacé de synthèse très addictif, a causé ces dernières années des centaines de milliers de morts aux États-Unis et fait l’objet d’un trafic de drogue lucratif, notamment en provenance du Mexique. « Comment faire preuve d’empathie ? En leur disant que c’est leur problème ou en prenant en compte la sécurité des frontières ? », demande-t-elle. Immigration, sécurité, inflation : autant de sujets qui se sont placés en tête des préoccupations des électeurs trumpistes.
Dans le Michigan, État charnière du nord industriel retombé aux mains de Donald Trump, les syndicats ont choisi Kamala Harris. Mais les jeunes ouvriers étaient courtisés par le républicain. Isaiah Goddard, un employé du constructeur Ford, a déclaré qu’il voterait pour Trump, ignorant les instructions du puissant syndicat des travailleurs de l’automobile, l’UAW.