Vosges. L’eau de Vittel pourrait être contaminée à l’arsenic, selon un rapport interne et confidentiel
Ce jeudi matin, le pure player Médiapart a publié un article intitulé « Un rapport confidentiel de Nestlé révèle un « risque élevé » d’arsenic dans les eaux de Vittel ». Après le scandale du traitement illicite des eaux minérales, l’arsenic est désormais de la partie. Ce qui n’est pas tout à fait anodin.
Car dans la culture populaire, ce métalloïde représente le poison par excellence, celui que l’on associe spontanément aux romans d’Agatha Christie ou de la famille Borgia. Dans notre cas, il s’agit d’arsénites, d’oxydes d’arsenic. Leur présence dans l’eau est tout à fait naturelle et est très rarement d’origine anthropique. Ici, le responsable du colis est plutôt… la géologie.
Seuil maximum fixé à 10 microgrammes par litre
Au niveau international, pour que l’eau soit considérée comme potable, le seuil maximum pour cet élément a été fixé à 10 microgrammes par litre.
Cette limite pose déjà question, puisque la valeur toxicologique de référence, permettant de quantifier le risque pour la santé humaine, est pour l’arsenic à 0,3 microgramme par kilogramme et par jour. Ce qui devrait logiquement abaisser le seuil à 1 microgramme par litre. Quoi qu’il en soit, un fait demeure : il est parfaitement légal d’utiliser de l’eau minérale déarsénique.
Mais de quoi parle-t-on dans cette enquête de Pascale Pascariello ? Eh bien, d’un audit interne datant de juin 2022 et rédigé en anglais à destination des dirigeants de Nestlé Waters, qui distingue 20 défaillances liées à l’activité dans les Vosges. Parmi eux, la concentration en arsenic qui peut parfois atteindre 12-13 microgrammes pour l’eau du gisement hydrominéral C, connu sous le nom de grès du Trias inférieur. Un produit qui n’est pas commercialisé en France comme eau minérale.
Or, dans ce cas, le n°1 mondial de l’industrie agroalimentaire utilise des filtres, légaux comme nous l’avons dit, au dioxyde de manganèse. Seul problème, le résultat est ensuite dilué, tout aussi légalement, dans de l’eau non traitée pour atteindre ce fameux seuil de 10 microgrammes. C’est ce liquide brut qui pose problème. Alors que sa densité en arsenic est censée être de 24 microgrammes, elle peut parfois monter jusqu’à 30. Une augmentation qui pourrait provoquer une surdose ponctuelle.
Conditionnel ou pas
Du côté de la direction de Nestlé Waters, on affirmait qu’il n’y avait aucun sujet : « Il n’y a jamais eu d’arsenic dans nos eaux en bouteille au-delà du seuil réglementaire. Notre procédé de filtration dédié, autorisé pour les eaux minérales, nous permet de toujours rester bien en dessous de ce seuil. Tous nos tests quotidiens confirment ces résultats. »
Et le rapport mentionné ? Une base de travail simple : « Le document sur lequel Médiapart s’appuie sur un audit technique interne, qui vise notamment à identifier et anticiper les risques potentiels. Les éléments évoqués à propos de l’arsenic ne correspondent en aucun cas à une situation réelle. »
Le groupe suisse en veut pour preuve la mention en début de paragraphe de l’expression : « En cas de… », dans le cas où… Sauf que l’on dépasse largement le domaine des hypothèses, selon l’auteur de l’article auquel nous avons pu accéder. Elle nous assure, dans le rapport qu’elle s’est procuré, nous ne sommes pas dans le conditionnel !
« Le continuum de la tromperie »
Le genre de situation qui inspire forcément Bernard Schmitt du collectif Eau 88. Un militant qui évoque depuis des années cet agent cancérigène dans ses interventions : « Nous sommes dans le continuum de la tromperie. Nous pensons que nous buvons de l’eau potable. Lors du congrès judiciaire, le procureur a déclaré : « La santé de la population n’est pas en danger ». C’est faux. Aujourd’hui, c’est l’arsenic qui en est la cause. Mais fin 2023, lorsque Nestlé annonçait avoir arrêté son système de filtration, l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail) précisait que cela signifiait que la population qui boit cette eau s’expose à un risque viral. »
Un nouveau dossier convoquant la notion de poison qui risque de ternir encore davantage l’image d’une industrie minière qui n’en avait pas forcément besoin.