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« En invitant Yassine Belattar au Maroc, Emmanuel Macron porte atteinte à l’image de la France »

FIGAROVOX/TRIBUNE- Le journaliste et essayiste critique la présence de l’humoriste controversé aux côtés du président de la République lors de son voyage diplomatique au Maroc. Comme Dieudonné, Yassine Belattar se livre à l’entrisme islamique sous couvert de plaisanterie, explique-t-elle.

Noémie Halioua est journaliste. Elle a co-écrit Le nouvel antisémitisme en France (éd. Albin Michel, 2018), écrit L’affaire Sarah Halimi (éd. du Cerf, 2018) et Les uns contre les autres – Sarcelles, du vivre ensemble au vivre séparé (éd. du Cerf). Sa dernière tentative : La terreur juste sous nos draps (éd. Plon, 2024).


Yassine Belattar ne figurait pas dans la liste de la délégation officielle fournie par l’Élysée. Contrairement aux ministres et patrons d’industries, intellectuels et artistes dûment nommés, celui du « comédien » est passé sous silence. Un oubli, sans doute, à moins qu’il y ait eu une légère difficulté à accepter la présence de ce personnage plus que controversé aux côtés du président de la République pour sa visite d’État au Maroc. Il faut dire que son CV est excellent. Connu pour ses débordements et ses condamnations judiciaires – notamment pour menaces de mort, Yassine Belattar a trouvé sa place dans l’univers médiatique en maniant insultes en public et intimidations en privé, ce qui lui a permis de se constituer une liste d’ennemis solide et à distance. De Jean-Michel Blanquer à Eric Naulleau, d’Alain Finkielkraut à Pascal Praud, Belattar profitait de chaque micro étendu pour menacer furieusement des personnalités publiques dont les idées ne lui appartenaient pas. Tout récemment, il a appelé ses réseaux sociaux pour comédiens à boycotter le groupe Canal+, qu’il considère comme « d’extrême droite », et a ponctué une de ses phrases de jurons particulièrement fleuris comme « Au diable le cinéma de sa mère, on ne le fera jamais de toute façon. »

Belattar a fait de la victimisation sa spécialité, le rire moqueur étant son fonds de commerce. Comme Dieudonné, il se présente comme un amuseur public pour mieux atomiser ses adversaires ; Il se livre à l’entrisme islamique sous couvert de plaisanterie, pour brouiller les pistes et éviter d’avoir à rendre des comptes. Celui qui s’autoproclame « la voix des jeunes de banlieue », affirme qu’il n’est past « ni Charlie, ni Nice »en référence aux slogans de soutien aux victimes de ces attentats islamistes. En 2015, il a été maître de cérémonie du gala et de la soirée bénéfice du CCIF. A l’heure de la défaite de l’État islamique, il a suggéré« va et récupère » LE « Des djihadistes français »auquel il a comparé « des enfants font des dégâts lors d’une fête d’anniversaire ». Belattar poursuit ses provocations ces dernières années, s’estimant intouchable, sans doute grâce à la protection que lui accorde le chef de l’Etat malgré les polémiques incessantes. Chaque année, le président légitime son conseiller fantôme en faisant appel à ses services. En 2018, il le nomme membre du Conseil présidentiel des villes. En 2023, l’Élysée l’a invité à le consulter : il aurait suggéré au président de ne pas aller à la marche contre l’antisémitisme, pour ne pas « provoquer » les banlieues, dans le contexte de guerre entre Israël et le Hamas. Aujourd’hui, Belattar apparaît tout sourire à la sortie de l’avion aux côtés du ministre des Armées, Sébastien Lecornu et fait partie de la représentation française accompagnant ce voyage diplomatique au Maroc.


Belattar n’a pas perdu le contrôle de sa vie, mais peut-être celui de son GPS, en se rendant à ce voyage diplomatique au Maroc comme s’il allait faire ses courses chez l’épicier du coin.

Noémie Halioua

Une chance du destin, un honneur inattendu pour l’intéressé qui n’a pourtant pas saisi l’occasion de rendre hommage à l’image de la France à l’international. Bien au contraire : les vidéos filmées par les caméras à la sortie de l’avion témoignent de la manière dont l’humoriste a choisi de s’habiller pour l’occasion. Il semblerait que pour serrer la main du roi du Maroc, Belattar s’est présenté vêtu d’un pantalon dégoulinant semblable à un pantalon de jogging et d’une paire de baskets Nike. Le jogging, ce fameux pantalon hautement significatif auquel Karl Lagarfeld comparait un signe de défaite. « Vous avez perdu le contrôle de votre vie, alors vous faites du jogging »argumentait le créateur avec son sens toujours aiguisé de la formule. Belattar n’a pas perdu le contrôle de sa vie, mais peut-être celui de son GPS, en se rendant à ce voyage diplomatique au Maroc comme s’il allait faire ses courses chez l’épicier du coin. Comprenons-le : ce choix vestimentaire n’est pas qu’une faute de goût, il en dit long sur la considération accordée à l’événement. Si l’on estime, comme l’esthète Hugo Jacomet, que l’habillement est un geste politique et la cravate une forme de respect, on comprend que Belattar ait fait preuve de peu de considération pour la France comme pour le Maroc en se présentant ainsi. Pas de cravate, pas de veste, pas de chaussures de ville pour sa sortie de l’avion : pas étonnant que le ministre Lecornu l’ait confondu avec « un technicien » en pratique, selon une communication du ministère des Armées.

Cet invité surprise a ainsi largement retenu l’attention des observateurs et focalisé les critiques des oppositions, alors que tant de sujets fondamentaux sont au programme de ces trois jours de visite d’Etat. Ces derniers ont compris que cet épiphénomène parle, plus encore que la percée d’un comédien, de la perte du sens de la diplomatie et de la représentation nationale au plus haut niveau de l’Etat. Dans l’Ancien Testament, le Livre des Rois raconte les montagnes de cadeaux que la reine de Sabbah emportait avec elle à Jérusalem pour rencontrer le roi Salomon. Des chameaux transportant des épices, beaucoup d’or et autant de pierres précieuses : de quoi arrêter le roi d’Israël qui l’accueillit sous les meilleurs auspices. Au XXIe siècle, le président de la République est accompagné dans son déplacement par un comique, condamné, en pantalon affaissé. Et il n’est pas certain que nous gagnions à ce changement.


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Cammile Bussière

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