« C’était trop cher et trop risqué »
« Cette rupture de contrat, alors qu’elle est tombée en août 2024, était une double peine. » La dynamique quadragénaire Delphine Le Roy n’est pas du genre à se laisser décourager. Pourtant, depuis un an et le passage de la tempête Ciaran au-dessus de sa maison, cette habitante de Châteaulin (Finistère) peine à faire réparer sa toiture. Notamment du côté des assurances.
La faute à ses 70 m² de toiture en zinc et ardoise et un peu de toiture, laissés par les vents du Ciaran, qui soufflaient localement à plus de 160 km/h. « Notre maison est aussi vieille que la Tour Eiffel, dit Delphine Le Roy. C’est l’un des plus anciens du centre de Châteaulin. »
« On a préféré faire les vitres de devant »
Elle a acheté cette vieille bâtisse en 2016. Avec son compagnon et beaucoup d’huile de coude, ils l’ont rénové pièce par pièce. « Nous avons réalisé une réfection de toiture en 2021 mais c’est tellement énorme quand il s’agit de construction… Nous avons préféré faire les fenêtres en premier. » Patatras. Ciaran est venu tout bouleverser.
Si Delphine Le Roy a eu la visite d’un couvreur au lendemain de la tempête, le 3 novembre 2023, qui s’est chargé de poser une bâche provisoire dans les quatre jours suivants, le ciel s’est vite assombri. « L’artisan a coûté le projet entre 40 000 et 50 000 €, dit-elle. Pour l’assureur, c’était trop cher. »
Un expert vient le 20 décembre 2023 pour constater par lui-même. Il est reproché à la victime de n’avoir qu’une seule estimation à présenter. « Les autres artisans n’ont pas répondu » qui rappelle la Châteaulinoise. Et pour cause, les couvreurs du secteur sont tous débordés, sans téléphone ni même les deux.
« Quand ça souffle, je ne dors pas »
Son assurance lui notifie, en avril 2024, l’octroi de 17 000 € pour un futur projet. « C’est plutôt bien, reconnaît Delphine. Mais pas assez pour démarrer les travaux. »
Fatiguée de la paperasse, des appels téléphoniques et des longs délais qui nous empêchent de planifier l’avenir, cette mère de famille et employée d’une entreprise de solutions numériques pour le monde agricole tente de souffler et d’oublier le traumatisme de l’été. Parce que « Dès qu’il y a un coup de vent, on a peur, dit-elle. Quand ça souffle, je ne dors pas. Je fais souvent des cauchemars où le toit s’envole. Tout l’hiver nous avons réchauffé les courants d’air. Nous avons encore des seaux dans trois pièces et, depuis juillet, la bâche prend l’eau. »
« J’avais peur d’être enregistrée »
Le grand coup tombe en août 2024, lorsqu’un courrier de son assureur, chez qui elle est cliente depuis quatorze ans, l’informe qu’ils mettent fin à leur contrat le 1er novembre 2024. « J’ai appelé, ils m’ont dit qu’il y avait quelques clients comme ça, dit Delphine Le Roy. Les assurés ayant subi un sinistre important. J’étais dégoûté. J’avais peur d’être enregistré. »
Deux options s’offrent alors à elle. Soit elle voit sa cotisation annuelle doubler, soit elle trouve autre chose, ailleurs. Son assureur devient alors courtier et lui trouve une autre entreprise, spécialisée dans les biens anciens. Cela coûtera quelques euros de plus par mois. « Il a bien fait le travail » » concède Delphine Le Roy qui a relancé la démarche et cite.
Grâce au soutien de ses proches, Delphine espère voir sa toiture achevée d’ici fin 2025.
« Les assureurs ne sont pas obligés de couvrir l’ensemble du territoire »
Pour Arnaud Chneiweiss, Médiateur des assurances depuis 2020, la situation de Delphine Le Roy n’est pas un cas isolé. « Il n’y a pas de statistiques pour le moment mais c’est un sujet. »
Pour ce professionnel, comme la Châteaulinoise, il n’y a rien d’illégal à résilier un contrat. « Lorsque les assurés trouvent cela trop cher, ils rivalisent et quittent leur assureur. Là, c’est pareil. » D’autant plus que« au nom de la liberté contractuelle, les assureurs ne sont pas obligés de couvrir l’intégralité du territoire », souligne Arnaud Chneiweiss.
« On trouve toujours de quoi être sûr »
Au cours des douze derniers mois, lui et ses équipes ont été contactés pour 36 000 dossiers litigieux. « C’est beaucoup mais quand on regarde le nombre de dossiers qui aboutissent à la centrale de tarification, pour ceux qui ne peuvent pas obtenir d’assurance, on n’a que quelques dizaines de dossiers par an. Cela donne le sentiment qu’on trouve toujours de quoi être assuré. »
Les assureurs face au défi climatique
Co-auteur d’un article publié en 2020 pour Foundation for Political Innovation, intitulé Les assureurs face au défi climatiqueArnaud Chneiweiss explique que « Depuis 30 ans, il existe une corrélation entre le coût croissant des catastrophes naturelles et le prix de l’assurance. » Et il n’exclut pas la possibilité d’un avenir fait de « Moins de choix et plus cher ».
Mais lorsque certaines mutuelles réclament des incitations de l’État pour rester présentes sur l’ensemble du territoire, l’enjeu pour le Médiateur des Assurances est avant tout de « sensibiliser aux risques, prévenir et éduquer, suivre les catastrophes précédentes et faire preuve de bon sens pour les constructions futures, qui doivent être plus résilientes. »