« 60 euros pour un guetteur », « 150 pour un vendeur »… La Cour des comptes révèle les salaires des trafiquants de drogue à Marseille
Dans son rapport explosif sur l’action policière à Marseille, notamment dans la lutte contre le trafic de drogue, les magistrats de la Cour des comptes ont tenté d’élaborer une grille salariale propre aux réseaux très structurés de la ville phocéenne.
Le Figaro Marseille
Certaines annonces publiées sur les réseaux sociaux il y a plusieurs mois avaient déjà révélé les pratiques salariales des réseaux de trafic de drogue à Marseille. Lors de sa longue enquête sur la police à Marseille et le trafic de drogue qui gangrène la ville, les magistrats de la Cour des comptes ont révélé les rémunérations parfois avantageuses proposées aux « petites mains » de la cité phocéenne par ces mêmes réseaux.
Dans son rapport explosif, la Cour des comptes constate que, dans ces réseaux très structurés et pyramidaux, le salaire de chacun « varie selon leur place dans la hiérarchie. ». Ainsi, selon la rue Cambon, les réseaux proposent « environ 30 euros par jour pour le coursier qui apporte à manger et à boire aux trafiquants, 60 euros pour un guetteur, 150 euros pour un vendeur, 1 500 euros par mois pour une nounou. » Les prix pratiqués sont plus élevés pour ceux qui se situent au sommet de la pyramide. « Le gérant du point de deal, qui assure l’approvisionnement et la gestion du stock et organise les déplacements des vendeurs, serait rémunéré entre 4 000 et 5 000 euros par mois. »
Selon le porte-parole national du syndicat de police Alliance, Rudy Manna, « Les salaires à Marseille sont plus élevés qu’en région parisienne. » La cause ? Des guetteurs en première ligne face désormais aux narchomicides et aux victimes d’abus parfois très violents. Il y a deux semaines, un adolescent appartenant à un réseau de drogue était brûlé vif à Marseille après avoir été poignardé.
« Une forme d’esclavage »
« La rémunération dépend du réseau et du contexte, explique Mohamed Benmeddour, éducateur spécialisé dans les quartiers nord de Marseille. S’il y a régulièrement des fusillades ou des descentes de police, le gérant augmentera le prix pour attirer la main d’œuvre. Mais aucun d’entre eux ne s’en sortira. Soit ils seront arrêtés, soit ils seront tués. Mais financièrement, ils ne s’en sortiront jamais.
Les « petites mains » de ces réseaux, souvent mineures et socialement perturbées, sont parfois mobilisées « après avoir contracté des dettes – parfois fictives »note le rapport. « Pour forcer cette main-d’œuvre à continuer à travailler à son profit, les réseaux créent des dettes à leur profit, par exemple en reprochant aux guetteurs d’avoir tardé à donner l’alerte ou d’avoir été saisis de biens ou d’argent »écrivent les magistrats.
«C’est une forme d’esclavage, alerte le vice-président du tribunal des mineurs de Marseille, Éric Mangin. Dernièrement, j’ai un enfant qui jouait aux cartes d’argent au collège. Ils se sont arrangés pour qu’il perde, puis lui ont demandé d’aller faire un guetteur sur le trottoir. Nous essayons de les piéger de plusieurs manières. En 2023, 62 % des tueurs ou auteurs de tentatives d’assassinat dans le cadre du trafic de drogue avaient moins de 21 ans.