plein d’idées pour l’abroger sans vider les caisses – Libération
Abroger la réforme des retraites de 2023 ? Financièrement, ce ne serait pas si dangereux, estime l’économiste Michaël Zemmour, maître de conférences à l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne. Selon lui, il suffirait, pour compenser le déficit financier (environ 0,6 point de PIB en 2032), d’augmenter les cotisations vieillesse, prélevées sur les salaires, de 0,15 point par an pendant sept ans. « Ce n’est pas rien, mais ce n’est pas beaucoup. A aucun moment cela ne constitue un ordre de grandeur qui justifie de l’exclure du champ des possibles. » a-t-il expliqué ce lundi 21 octobre, lors d’une conférence organisée par Eric Coquerel et Charles de Courson, respectivement président et rapporteur général de la commission des Finances de l’Assemblée nationale.
Les deux députés La France insoumise et Liot, unis par leur opposition au report de l’âge d’entrée à 64 ans, avaient invité des représentants syndicaux et patronaux, mais aussi plusieurs économistes, à phosphorer toute une matinée dans une salle au sous-sol du Palais. -Bourbon. C’est ça, explique Eric Coquerel, «Nous n’en avons pas fini avec la réforme des retraites, qui souffre d’une illégitimité de fait : il n’a jamais été voté dans cette Assemblée« . Et dans les semaines à venir, une large majorité de députés pourrait voter son abrogation, via deux projets de loi. Celui du Rassemblement national sera examiné le 31 octobre. Un autre, porté par LFI, le sera le 28 novembre. Ce dernier bénéficie d’un calendrier parlementaire favorable, puisqu’il pourrait être examiné au Sénat le 23 janvier dans une niche parlementaire communiste, et retour à l’Assemblée le 6 février dans un créneau écologiste.
Le camp de l’honnêteté
Avec cette sorte de « conférence de financement » officieuse, Eric Coquerel et Charles de Courson ont exaucé un vœu syndical. Avant même l’examen de la dernière réforme, les organisations de salariés réclamaient du gouvernement une telle initiative, qui leur aurait permis de présenter leurs propositions de financement alternatives, royalement ignorées par le gouvernement Borne. Fait marquant de l’événement : lors de sa présentation introductive, le nouveau président du Conseil d’orientation des retraites (COR), Gilbert Cet, a justifié la réforme non par ses effets financiers sur le système des retraites – et pour cause, elle ne suffira pas, comme le gouvernement l’a répété à plusieurs reprises, pour rétablir son équilibre, un déficit de 0,4% du PIB étant toujours attendu en 2030 -, mais pour son « un effet très significatif sur les finances publiques considérées globalement ». « Nous trouvons particulièrement surprenant d’avoir aujourd’hui une justification inversée de la réforme, consistant à dire qu’il s’agissait de rééquilibrer les comptes publics et non de rééquilibrer les systèmes de retraite », a ironisé Yvan Ricordeau, numéro 2 de la CFDT. Manière de dire que le camp de l’honnêteté a toujours été celui des opposants au relèvement de l’âge légal.
Ainsi, pour les syndicats, l’événement de ce lundi constituait l’occasion de rejouer le match. Les propositions, parfois communes comme sur l’emploi des seniors, ont été nombreuses. La secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, a aligné 40 milliards d’euros de recettes potentielles, qui passeraient entre autres par l’apport de primes, d’intéressement et de participation (2,2 milliards d’euros) ou la socialisation des revenus financiers des entreprises au même niveau que les salaires (24 milliards). François Hommeril, président de la CFE-CGC, a souligné « la croissance incontrôlée du recours au statut de microentrepreneur, notamment les travailleurs des plateformesce qui (…) prive le retraité de cotisations et donc de ressources ». La vice-présidente de la CFTC, Pascale Coton, a plaidé pour une réelle égalité salariale entre hommes et femmes : « Arrêtons de dire que nous allons « tendre vers » !»
En face, le patronat, représenté par le Medef et la CPME, a défendu l’instauration d’une part de capitalisation dans le régime. Idée folle de l’ancien président du COR, Pierre-Louis Bras : « Je ne comprends pas comment on peut y penser, à moins de travailler chez Axa. » Mais ce dernier a également souligné le « fiction » consistant à dire qu’on pourrait faire payer aux employeurs une augmentation de cotisations : « Tous les travaux montrent que lorsqu’on augmente les cotisations patronales, notamment pour les retraites, cela se traduit ensuite par des augmentations du salaire brut. Il faut donc mettre un terme à cette fiction selon laquelle les entreprises financent les retraites.» Parce qu’au bout du compte, « Ce sont les salariés qui paient. » Reste à leur laisser le choix de la manière qu’ils préfèrent.