le rêve, ou le mirage, d’un avenir spatial pour l’humanité
Histoire d’un concept. Le 8 septembre, le directeur de la société aérospatiale SpaceX, Elon Musk, a annoncé que ses modèles de fusées Starship seraient prêts à effectuer leurs premiers vols vers la planète Mars en 2026. « Rendre la vie multiplanétaire est fondamentalement une question de coût de transport de tonnes de matériaux vers Mars »a précisé l’homme d’affaires sur le réseau social X, dont il est propriétaire. En avril, lors d’un discours depuis sa base de production à Boca Chica, au Texas, il a réaffirmé son désir d’y envoyer « mille navires » d’ici vingt ans. Derrière le projet grandiose de colonisation de la Planète rouge, c’est la réussite industrielle de son lanceur spatial qui est en jeu, et à travers lui l’avenir du nouvel espace.
Ce terme, introduit à la fin des années 2000, s’est imposé dans les années 2010 pour désigner de nouvelles formes d’économie spatiale. Appelé aussi « espace 2.0 » ou « espace entrepreneurial », il désigne une filière astronautique encore en devenir. Là où les anciennes agences spatiales de la guerre froide poursuivaient des objectifs essentiellement politiques ou militaires, celle-ci serait sur le point de donner naissance à un secteur privé économiquement rentable. Organisé autour de nouveaux modes industriels de fabrication de satellites et de fusées réutilisables, il ouvrirait la voie de l’avenir à l’humanité.
Si l’on peut douter que le tourisme spatial, et ses coûteux voyages orbitaux, se généralise un jour, en revanche, le projet d’envoyer en orbite basse (à moins de 2 000 kilomètres d’altitude) des dizaines de milliers de satellites d’observation ou de télécommunications et les nanosatellites pourraient bientôt toucher une grande partie des habitants de la planète. Elle commence aussi à se concrétiser sous nos yeux : Starlink, premier fournisseur d’accès à Internet depuis l’espace, déploie déjà d’imposants trains de satellites facilement discernables à l’œil nu.
« Astrocapitalisme »
Certains chercheurs en sciences sociales travaillant sur ces phénomènes, observés principalement aux États-Unis, contestent néanmoins la pertinence de la notion de nouvel espace. Plutôt que d’utiliser ce terme inventé non sans complaisance par ses acteurs eux-mêmes, ils préfèrent utiliser le terme plus critique d’« astrocapitalisme ». Les technologies de conquête spatiale ont en effet toujours lié l’innovation industrielle à une forme d’organisation institutionnelle associant étroitement intérêts économiques et politiques.
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