« EZ », « GRV » ou « CDT » et « ASAP » ? Les abréviations de petits et grands décryptées
Le mot « vieux » est souvent considéré comme indélicat. Mais c’est la maladie du temps qui nous fait croire cela, celle qui veut qu’on utilise euphémismes ne pas nommer les choses telles qu’elles sont. Avant, on parlait simplement des aînés ou des personnes âgées. Ensuite, nous avons commencé à parler des « personnes âgées », comme si cela leur enlevait un peu du poids de l’âge, comme si c’était plus respectueux, comme si cela les rendait moins vieux, puis nous avons trouvé plus élégant de parler des « troisièmes ». âge », et même les « quatrièmes », puis les « seniors »…
L’une des dernières inventions vient des as du marketing qui ont développé l’idée de « génération argent » – « la génération argent », « l’argent » ne faisant pas référence à leur prétendue richesse mais à la couleur de leurs cheveux. Bien que… le marketing s’intéresse à la génération d’argent… pour son argent, évidemment.
Donc c’est vrai que l’âge est relatif. Une enquête Ipsos de mars 2019 révèle que, pour les Français, en moyenne, les gens sont âgés à partir de 69 ans. L’Organisation mondiale de la santé utilise la limite de 60 ans pour définir les « personnes âgées ». Et une étude américano-allemande révèle une chose assez évidente, au fond : plus on vieillit, plus on estime que « vieux » c’est un peu plus tard. Les personnes interrogées de 74 ans jugeaient par exemple que nous étions vieux à 77 ans.
Pourquoi parler de cette expression aujourd’hui ? C’est ce que j’ai reçu le magazine Vieux – un magazine très jeune puisqu’il n’en est qu’à son numéro deux. Vieux« le magazine que nous finirons tous par lire », proclame le sous-titre. Ce qui a retenu mon attention en couverture de ce numéro, c’est un dossier intitulé « Parlez-vous les jeunes ? avec le sous-titre « Pourquoi le langage finit toujours par nous rendre vieux et stupides ». Tout un programme ! Mais c’est assez vrai – eh bien, pour le deuxième adjectif, ce n’est probablement pas nécessaire.
Comme l’écrit la linguiste Julie Neveux dans son article : « Si nous avons de jeunes enfants ou petits-enfants, il est difficile de ne pas se rendre à l’évidence que (nous ne parlons) pas des jeunes d’aujourd’hui… mais des jeunes d’hier. Il est également difficile de ne pas être offensé.»
JSS signifie « je suis »
J’ai un fils d’une trentaine d’années, donc plus considéré comme très jeune, et un petit-fils qui ne prononce pas encore très bien les consonnes… Je ne me rendais pas compte à quel point je parlais bien vieux. Alors effectivement, j’ai appris, dans ce numéro de Vieux. Surtout lorsqu’il s’agit d’abréviations dans les SMS.
Petit glossaire SMS pour les personnes âgées comme moi. Tu sais ce que ça veut dire DSLamis des mots ? « Désolé. » JSSc’est « je suis ». GRVc’est « sérieux » (sérieux au sens de plusieurs, comme dans « Je t’aime sérieusement »). EZon y lit i-zi, en anglais : on le qualifiait d’ostentatoire, en tant que jeune des années 1980.
On peut critiquer ces usages générationnels, mais, comme le souligne judicieusement Gérald Arno dans son article, nos mails professionnels à nous, les anciens, sont pleins de dès que possible qui signifie « le plus tôt possible » et se termine par CDT ce qui veut dire cordialement, et même les petits bouts de papier que l’on laisse sur la table de la cuisine avec la liste de courses commencent souvent par un S’IL TE PLAÎT parce que nous étions trop paresseux pour écrire « s’il vous plaît » en entier. Bref, ce ne sont pas les jeunes d’aujourd’hui qui inventent des raccourcis. Et, qu’ils le veuillent ou non, ils deviendront bientôt des vieillards à qui le langage des jeunes échappe un peu. Car une chose est sûre, vieux, nous devenons tous vieux. Comme je ne me souviens plus qui a dit : « Vieillir reste le meilleur moyen que nous ayons trouvé pour éviter de mourir jeune ».