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La chute du Liban, le paradis devenu enfer

Depuis plusieurs jours, les bombardements au Sud-Liban contre le Hezbollah remettent sur le devant de la scène un pays effondré, exsangue, apatride et dominé politiquement et militairement par la milice chiite, que beaucoup considèrent aujourd’hui comme l’organisation terroriste la plus sérieuse. le plus fort, le plus organisé et le plus riche du monde. Le Liban n’a plus de président, une classe politique discréditée et corrompue par les guerres internes des clans, un système bancaire détruit et une population prise entre un pouvoir impuissant, une milice surpuissante et un ennemi prêt à y mettre fin. .

Pourtant, il y a moins d’un demi-siècle, le Liban était un « paradis », considéré comme la Suisse du Moyen-Orient. Déjà dans la Bible, ce pays historiquement chrétien était présenté comme la terre d’abondance, une terre bénie des dieux, riche en lait et en miel. De l’époque du renouveau arabe, la « Nahda » du XIXème siècle, jusqu’aux années 1950, le Liban rime avec développement, modernité, laïcité, profusion, richesse et douceur de vivre.

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De nombreux artistes libanais, en exil, ne sont que les ambassadeurs d’un monde disparu

Chanté et loué par des artistes légendaires comme Fairuz, des poètes comme Khalil Gibran, des écrivains contemporains comme Amin Maalouf, le Liban s’incarne aussi aujourd’hui à l’international par de nombreuses personnalités du monde des arts, de la culture et des médias. Beaucoup ne sont malheureusement plus là et ne sont plus que les ambassadeurs d’un monde disparu.

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En 2024, le pays n’en est presque plus un, ravagé par les guerres civiles, les luttes politiques, les influences étrangères, les crises bancaires, les vagues successives d’immigration et de réfugiés en provenance des pays voisins. L’explosion du port de Beyrouth, géré par le Hezbollah, le 4 août 2020, a été le symbole de l’implosion définitive de ce pays.
Poudrière démographique s’il en est, le Liban est démographiquement saturé. D’une superficie de 10 452 kilomètres carrés, le pays du Cèdre est passé de 1,83 millions d’habitants à 5,85 millions. Des réfugiés palestiniens puis syriens par millions. Il a largement donné à la cause palestinienne ; beaucoup disent « Stop ! »  » Aujourd’hui.

Le Hezbollah, né du chaos

Cette puissance qu’est devenu aujourd’hui le Hezbollah trouve ses racines dans le chaos de l’époque ; il est né en 1982 pour lutter contre l’occupation du Sud-Liban par Israël. Aujourd’hui, son fief se situe dans la même région et au sud de Beyrouth (ainsi qu’à Baalbek, vers la frontière syrienne). Depuis vingt ans, la Syrie et Israël se sont retirés du Liban et le Hezbollah a comblé le vide, intensifiant la menace contre l’État juif, tout comme le Hamas l’a fait à Gaza. Son principal sponsor est l’Iran, l’ennemi numéro un de Tel-Aviv.

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Le Liban a été créé par la Société des Nations en 1920, après le démantèlement de l’Empire ottoman. Le système politique libanais est un héritage du mandat français qui a duré de 1920 à 1943. Afin de respecter les équilibres communautaires et démographiques de ce tissu social multiethnique, nous proposons un modèle de vivre ensemble qui fonctionnera année après année jusqu’au arrivée des premières vagues de réfugiés – Palestiniens, en 1948.

Effondrement économique et crise politique

Rapidement, le pays s’enlise dans des divisions communautaires qui explosent et conduisent à la guerre civile de 1975. Le confessionnalisme demeure aujourd’hui mais le système est plus paralysé que jamais. Depuis 2022, les parlementaires libanais ne peuvent plus élire de nouveau président, dont le poste reste vacant. Depuis, le gouvernement continue de fonctionner comme d’habitude. Les politiques sont sous influence étrangère. Pour beaucoup, le pays devrait s’affranchir d’un cadre institutionnel qui ne correspond plus à la réalité du pays et rappelle l’époque du mandat français.

À cela s’ajoute la crise économique sans fin que traverse le Liban.
Une faillite bancaire sans précédent et l’arrestation récente de Riad Salamé, l’ancien gouverneur de la Banque du Liban, corrompu jusqu’à l’âme. Désormais, les capitaux ont fui principalement vers les Émirats arabes unis, et les Libanais ne peuvent plus retirer d’argent de leurs comptes bancaires. On se souvient l’année dernière des scènes de violences de simples Libanais venus avec des armes pour tenter de récupérer une partie de leur argent à la banque.

Un pays menacé d’une crise sans fin, selon le FMI

Les caisses de l’État sont vides et le pays est menacé, selon le FMI, d’une crise sans fin. Le désengagement de l’État dans les dépenses souveraines et essentielles devance jour après jour les conditions de vie des Libanais. Et le Hezbollah a comblé le vide de l’État avec ses richesses… d’où une certaine popularité ! Selon les services secrets américains, la fortune du leader Hassan Nasrallah s’élève à près de 250 millions de dollars.

Soutenu par la Syrie et surtout par l’Iran, le Hezbollah est l’entreprise la plus rentable du pays. En 2021, Nasrallah estimait à 100 000 le nombre de combattants de son organisation alors que l’armée libanaise comptait péniblement 60 000 soldats. Il tient donc les rênes du pays, sous couvert de « résistance » à l’État hébreu. Face à une classe politique totalement discréditée, corrompue et impuissante, le mouvement a néanmoins gagné en popularité ces derniers mois. Il crée des emplois, lutte contre l’ennemi israélien, soutient les réfugiés. Et il protège une grande partie de la population libanaise, contrairement à l’État ! Le réseau de soutien régional, qui s’étend de la Syrie et de l’Iran chiite au Hamas sunnite, en passant par les Houthis du Yémen et les milices pro-iraniennes en Irak, le rend encore plus fort.

Bruit de bottes et odeur de poudre

Le Liban est donc devenu une coquille vide, livrée aux appétits et aux intérêts de ses voisins. La moitié de Beyrouth porte encore les cicatrices de l’explosion du port et le sud du Liban subit les bombardements quotidiens de l’armée israélienne qui entend rétablir la sécurité dans le nord d’Israël d’où ont fui 60 000 Israéliens. La stratégie de Netanyahu après avoir tenté d’en finir avec le Hamas est d’espérer y mettre un terme, au moins affaiblir suffisamment le Hezbollah, mais l’engrenage régional n’est-il pas aux portes de toute la région ? Il existe trois scénarios de sortie de crise qui permettraient de revenir au « statu quo », la moins mauvaise solution dans la région depuis des décennies, en l’absence d’un accord définitif sur quoi que ce soit et avec qui que ce soit.

Soit Israël parvient à affaiblir durablement le Hezbollah, ce qui permettrait aux Israéliens de retourner dans le nord de l’Etat hébreu et de vivre un peu moins sous le tapis des roquettes lancées quotidiennement depuis le sud du Liban depuis des mois, et les choses reviennent à la « normale ». Soit Netanyahou décide d’aller plus loin et intervient sur le terrain au Sud-Liban, rappelant des épisodes sombres de l’histoire régionale en 1982 et 2006 notamment, avec un champ de mines que la milice connaît bien et qu’elle rêve de transformer en cimetière de la sécurité perdue d’Israël. des illusions.

Soit la communauté internationale, dont on peine aujourd’hui à comprendre l’influence et l’efficacité, s’active cette semaine à New York pour parvenir à un cessez-le-feu. Elle n’a pas réussi à Gaza en 11 mois, pourquoi réussirait-elle au Sud-Liban ? Comme si rien de durable ne pouvait exister au Moyen-Orient à part le bruit des bottes et l’odeur de la poudre à canon.


* Sébastien Boussois est docteur en sciences politiques, chercheur en monde arabe et géopolitique, enseignant en relations internationales à l’IHECS (Bruxelles), collaborateur scientifique au Cnam Paris (Defense Security Team), au Nordic Center For Conflict Transformation (NCCT Stockholm) et à l’Observatoire stratégique de Genève.

Gérard Truchon

An experienced journalist in internal and global political affairs, she tackles political issues from all sides
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