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salariés en grève illimitée

Article mis à jour le 26 septembre 2024 à 17h15 (ajout de réaction de Carole Delga).

Créée en 1855, l’usine chimique du Gard existe depuis 169 ans à Salindres… Passée du groupe Pechiney à Saint-Gobain, puis Rhône-Poulenc et enfin Rhodia, elle a été reprise par le groupe belge Solvay en 2011. France, Solvay est présent sur sept sites et emploie plus de 1 300 personnes.

Mais, le 24 septembre 2024, sa direction française a présenté aux représentants du personnel du site de Salindres un projet d’arrêt de son activité de production de TFA (acide trifluoroacétique) et de dérivés fluorés sur ce site. Cela entraînerait la suppression de 68 postes (« dont quatre vacants », précise la direction) sur une période allant de début 2025 à octobre 2025, « selon un planning permettant l’arrêt définitif de la production et la sécurisation du site « . Le groupe pilote – avec la société Axens (fabricant de catalyseurs et d’absorbants pour l’industrie pétrolière) – la plateforme chimique de Salindres à travers un Groupement d’Intérêt Economique (GIE) baptisé « Chimie Salindres ». La direction de Solvay précise que 28 postes ainsi que quatre postes d’interface associés à ce GIE seraient maintenus.

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Une question de concurrence

L’annonce intervient plusieurs mois après une polémique autour de la pollution de l’eau aux PFAS… Et le coup est dur pour les salariés qui s’attendaient à une adaptation du site mais pas à une fermeture. Les syndicats CGT, CFE-CGC et CFDT se préparent aux négociations.

 » C’est un choc, lance Nicolas Lyons, coordinateur CFDT, interrogé par La Tribune. Il ne s’agit pas d’une volonté de délocaliser la production car d’après ce que l’on comprend, Solvay souhaite arrêter de produire cette molécule qui ne serait plus rentable du fait de la concurrence notamment asiatique. On comprend que l’entreprise doit être compétitive mais le groupe réalise un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros et génère de l’ebitda et des dividendes… Nous avons demandé et obtenu les chiffres à Solvay, et nous allons maintenant les faire évaluer. »

Contactée, la direction de Solvay n’a pas souhaité répondre à nos questions, préférant communiquer l’information par email. Elle mentionne « un contexte économique, concurrentiel et réglementaire de plus en plus complexe « ,  » une performance financière du site de Salindres qui se dégrade depuis plusieurs années  » Et  » un durcissement des réglementations européenne et française sur les PFAS « .

La direction indique également que « depuis plusieurs années, des efforts importants ont été consentis en termes de diversification et d’investissements pour tenter de maintenir la compétitivité du site de Salindres, mais ils n’ont pas produit les résultats escomptés et n’ont donc pas suffi à compenser la baisse d’activité, ni à maintenir une position compétitive.

En avril dernier, la fédération France Chimie mettait en garde contre la flambée des prix du gaz, l’incertitude sur les prix de l’électricité, la concurrence de la Chine et des Etats-Unis, la faiblesse de la demande européenne et le renforcement des exigences réglementaires, annonçant une crise « sans précédent » pour le secteur.

Souveraineté de la France

Les syndicats dénoncent l’arrêt d’une production stratégique pour la France et interpellent les pouvoirs publics sur des risques de perte de souveraineté.

 » L’usine Solvay de Salindres est le seul producteur européen de TFA, composant essentiel des traitements contre le cancer et des antiviraux.se souvient Nicolas Lyons. Je me souviens de l’annonce de Rhodia en 2008 concernant la fermeture de son usine de production de paracétamol dans le Roussillon (Isère, NDLR). Au temps du Covid on s’est rendu compte que la France manquait de paracétamol et en 2024, nous relancerons la production. Sauf qu’entre temps, on a perdu des compétences. C’est aussi le risque à Salindres… ».

Les licenciements pourraient débuter en janvier 2025 et durer jusqu’en octobre 2025 », avec le plus grand nombre de départs en avril 2025 », précise Nicolas Lyons, qui indique ne pas disposer encore des données pour mesurer l’impact sur les sous-traitants.

La direction française et les représentants de la direction générale sont présents à Salindres depuis le 24 septembre et la prochaine étape sera l’ouverture des négociations sur les aides sociales le 4 octobre à Lyon, où se trouve le siège français de Solvay. Entre-temps, les salariés du site de Salindres sont en grève illimitée depuis l’annonce de la fermeture.

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Une zone sinistrée

 » Nous avons demandé de décaler le calendrier pour bien faire les choses, nous aimerions que l’usine continue de fonctionner mais il faut examiner toutes les solutions, déclare le syndicaliste. Sur les 68 personnes, la moyenne d’âge est de 43 ans, la plupart sont donc loin de la retraite… Nous examinerons donc les mesures d’accompagnement proposées, qui doivent être dignes d’un grand groupe. ».

Nicolas Lyons prévient également du fait « que l’usine est située dans le bassin alésien qui est dévasté, avec peu d’industrie chimique ».  » Nous avons demandé que toutes les passerelles soient activées, notamment avec le groupe Axens. Mais aussi avec Syensquo (entreprise spécialisée dans la chimie, résultat de la séparation de ses activités par Solvay en décembre 2023, NDLR) mais il n’y a rien à proximité du Gard. Les trois autres usines chimiques du groupe sont situées à La Rochelle, Collonge-au-Mont-d’Or et Dombasles (respectivement en Charente-Maritime, Rhône et Meurthe-et-Moselle, NDLR)… », déplore-t-il.

Et de préciser que« Il y a un peu d’alchimie du côté d’Avignon mais ce n’est pas un grand complexe et c’est à une heure de route ! Nous demanderons également à l’entreprise qui nous accompagnera de mesurer l’écart qu’il existe en matière de compétences en recyclage dans d’autres activités.

Une enveloppe de 50 millions d’euros

Nicolas Lyons dit espérer un dialogue social constructif et évoque un budget accordé par le groupe de 50 millions d’euros pour cette fermeture, avec une question : « Quelle place pour le dialogue social dans ces 50 millions d’euros qui doivent servir aussi à l’arrêt, au nettoyage et à la décontamination du site, classé Seveso seuil haut ? « .

« Solvay imagine une friche industrielle prête à être utilisée pour un nouvel industriel, auquel cas nous demanderions une priorité de réembauche mais cela pourrait prendre du temps. » il note.

La présidente (PS) de la Région Occitanie, Carole Delga, a réagi le 26 septembre :  » La décision brutale prise par la direction du groupe Solvay d’arrêter la production chimique sur le site de Salindres est un véritable coup dur pour la région et ses habitants. (…) Mes équipes ont pris contact et rencontré mardi le président du groupe Solvay, François Pontais, afin d’étudier les raisons de cette fermeture et demander des garanties pour l’avenir des salariés et du site, ainsi que la garantie qu’elle n’aura aucun impact sur le groupe. Nous restons vigilants et engagés aux côtés des salariés, de leurs représentants et des élus locaux, afin de limiter l’impact de cette décision sur le territoire. Mes deux vice-présidents Jean-Luc Gibelin et Jalil Benabdillah iront à leur rencontre dimanche. (…) L’État doit prendre ses responsabilités et se tenir aux côtés des collectivités territoriales pour défendre l’emploi industriel.»

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