« Nous approchons de 2025 avec un marché de la voiture électrique deux fois moins important que ce qu’il devrait être »
Dans un article publié dans le quotidien italien II Sole 24 Ore, le PDG du groupe Renault détaille les faiblesses actuelles de l’industrie automobile européenne, et rappelle ce qu’il faudrait faire pour la mettre rapidement au pas, notamment face à la Chine.
Voici quelques larges extraits de la tribune de Luca de Meo publiée dans le quotidien italien Il Sole 24 Ore (Le Soleil 24 Heures, en italien), rapportés notamment par nos confrères d’autoactu.com.
« Pour que l’Europe sorte la tête haute de la phase délicate dans laquelle elle se trouve, il est temps de travailler en équipe et d’investir dans l’innovation. Voilà, en résumé, le message que je voudrais transmettre. Le premier mérite de ce travail de titan est de prendre en compte l’ampleur et la portée du défi. Je me réjouis de voir l’importance de notre secteur une fois de plus mise en avant : l’industrie automobile reste « l’un des moteurs industriels de l’Europe ». On parle ici de 8 % du PIB de l’UE, d’un tiers des dépenses privées en R&D et de 13 millions d’emplois. Sans l’industrie automobile, par exemple, l’Europe se retrouverait avec une balance commerciale structurellement négative. » . «
Le manque de compétitivité de l’industrie automobile européenne, notamment face à la Chine
« Au cours des dix dernières années, Le centre de gravité du marché automobile mondial s’est déplacé vers la Chine, qui représente à elle seule 30 % du marché mondial et 60 % du marché des véhicules électriques. Notre manque de compétitivité ne tient pas seulement aux coûts de l’énergie et du travail : le système européen investit 2 à 3 fois moins dans l’innovation technologique que nos concurrents, nous le faisons de manière moins coordonnée et moins convergente vers les grands projets. L’absence de marché unique des capitaux nous rend moins attractifs pour les investisseurs et l’argent des Européens part trop souvent vers d’autres places financières. Le rapport Draghi souligne la nécessité d’une approche plus collaborative entre les nations, les secteurs et les entreprises (…) C’est en jouant un sport d’équipe que les États-Unis, lors de la révolution numérique, et la Chine dans cette transition vers la voiture électrique, ont gagné la partie. C’est dans la capacité à créer des écosystèmes que les défis compétitifs, par nature transversaux aux industries et aux géographies, peuvent être relevés. L’Europe doit de toute urgence recommencer à parler de stratégie industriellecomme cela est constamment mentionné dans le rapport Draghi, et le secteur automobile pourrait et devrait être l’un des premiers à en bénéficier (…) À titre d’exemple et d’actualité, j’ai souligné ces derniers mois, en tant que représentant de l’association des constructeurs (ACEA), la prolifération excessive et le caractère parfois punitif des réglementations, qui nous obligent à consacrer jusqu’à 25 % de nos ressources à la R&D pour nous y conformer. Nous ne pouvons que saluer la proposition de Mario Draghi de simplifier et de vérifier la cohérence de toutes les réglementations affectant le secteur automobile, selon un calendrier pertinent. »
L’épée de Damoclès suspendue au-dessus de l’industrie automobile européenne
« Je vous assure qu’aucun de mes collègues à la tête des entreprises automobiles ne remet en cause l’objectif de décarbonation des transports : la meilleure preuve en est que nous investissons 250 milliards d’euros d’ici 2030 dans la transition écologique. Mais il faut aussi reconnaître que l’Europe dans son ensemble n’a pas encore trouvé le moyen de mettre la main sur l’approvisionnement en matières premières et rares nécessaires, que nous n’avons pas encore la capacité de les raffiner sur place, que les projets de Gigafactory tardent à se concrétiser, tout comme l’installation d’infrastructures de recharge. Tout cela sans même pouvoir compter sur certaines incitations publiques à l’achat, puisque nous sommes dans une période où les gouvernements devront prioriser l’équilibre des comptes. Nous abordons 2025 avec un marché de la voiture électrique deux fois moins important que ce qu’il devrait être, et ce sans visibilité sur les mesures de stimulation de la demande, et surtout avec l’épée de Damoclès d’amendes de plusieurs milliards.« Alors que nous, l’industrie automobile, nous nous apprêtons à lancer pas moins de 86 nouveaux modèles de voitures électriques en 24 mois. C’est un cas concret où l’Europe pourrait donner un signal de pragmatisme et montrer sa capacité à accompagner la transition en regardant l’objectif, et non l’échéance. »
La délocalisation de certaines usines européennes
« Si nous voulons réduire l’impact des transports, il ne faudra pas seulement se déplacer en véhicules électriques, hybrides ou à hydrogène, il faudra choisir de se déplacer dans des véhicules plus compacts et plus légers. Le segment des petites voitures est celui qui a le plus souffert de la réglementation, à tel point queIl est devenu très difficile pour nous de produire des véhicules compacts de manière rentable. L’offre et le segment se réduisent, le prix d’entrée sur le marché du neuf a augmenté de 60% en 10 ans. Ce phénomène explique en grande partie la délocalisation de certaines usines au sud de la Méditerranée et vers l’Europe de l’Est, et explique aussi pourquoi la France, l’Italie et l’Espagne, autrefois gros producteurs automobiles, se sont vidés… »
Journaliste automobile numérique depuis de nombreuses années, j’ai également un goût prononcé pour les sports mécaniques.
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Publié le 26/09/2024 à 07h00