La croissance française affaiblie par la chute de la consommation
L’économie française pourrait finalement se porter mieux que prévu. Contre toute attente, la Banque de France a révisé à la hausse (+0,3 point) sa prévision de croissance du PIB pour 2024 à 1,1%, contre 0,8% en juin dernier. Pour 2025, les économistes ont maintenu leur projection à 1,2%. La Banque de France s’aligne ainsi sur les prévisions de croissance du dernier point de conjoncture de l’Insee (1,1%) et se rapproche de celles du gouvernement (1%). En pleine crise budgétaire, cette légère amélioration est une bonne nouvelle pour le Premier ministre Michel Barnier, toujours en discussions pour former un gouvernement.
Mais l’annonce fracassante de la dissolution en juin dernier et l’imbroglio politique de l’été ne laissaient pas entrevoir de perspectives favorables sur le front de la croissance économique. De plus, les récentes enquêtes de conjoncture de la Banque de France et celles de l’Insee indiquaient que les ménages et les entreprises français étaient plongés dans un épais brouillard. En l’absence de gouvernement, de nombreux dirigeants expliquaient avoir mis un frein aux embauches et à l’investissement.
Une révision favorable des comptes nationaux
Comment expliquer une telle révision ? La Banque de France rappelle qu’au printemps dernier, l’Insee a révisé le calcul des comptes nationaux pour 2023 et début 2024. Ce qui a augmenté « mécaniquement » la croissance attendue en moyenne annuelle. Derrière cette révision à la hausse, » Les perspectives de croissance restent incertaines. Le renforcement de la croissance reste à confirmer. La révision est principalement due aux effets de report de croissance des trimestres précédents « , a déclaré le directeur général de la banque centrale, Olivier Garnier, lors d’un point de presse.
Dans le détail, c’est surtout le commerce extérieur qui tire l’activité en France au premier semestre 2024. Le ralentissement des prix de l’énergie et la normalisation des chaînes commerciales mondiales ont permis aux entreprises françaises de gagner des parts de marché à l’étranger après plusieurs années de turbulences. A cela s’ajoute le rebond de l’industrie aéronautique. Les Jeux olympiques ont également dopé l’activité dans les services au cours du troisième trimestre, mais l’impact de cet événement reste limité, selon la plupart des évaluations.
Consommation : la grande panne
En revanche, la demande intérieure marque le pas. Frappée de plein fouet par l’inflation, la consommation des ménages reste atone cette année (+0,6%). A cela s’ajoute la morosité des indicateurs d’investissement (-1,5%). Chez les Français, les investissements devraient même chuter fortement (-6,2%).
C’est la troisième année de baisse chez les ménages. Quant à l’investissement des entreprises, il est en territoire négatif (-0,7%). Seul l’investissement public tire la demande (1,9%). Concernant 2025, « la consommation redeviendrait le moteur de l’activité »prédit Olivier Garnier.
Frein de gonflage
Sur le front de l’inflation, les indicateurs ébranlés par la guerre en Ukraine et la crise énergétique montrent des signes d’amélioration. L’indice des prix à la consommation harmonisé (IPCH), utilisé pour établir les comparaisons dans la zone euro, devrait atteindre 2,5% en 2024 et 1,5% en 2025. Cette baisse a été favorisée par une moindre hausse des prix des denrées alimentaires et des produits manufacturés, qui se sont établis respectivement à +1,4%.
et +0,5% en juillet 2024 « , souligne la Banque de France. Ce ralentissement de l’inflation devrait inciter la Banque centrale européenne (BCE) à accélérer la baisse des taux. Après plusieurs hausses brutales et inédites en 2022 et 2023, l’institution de Francfort a commencé à baisser ses taux en juin dernier.
Et a poursuivi cette politique monétaire plus accommodante la semaine dernière en annonçant une baisse de 25 points de base de son taux directeur, de 3,75% à 3,50%. Cela devrait donner un coup de pouce aux entreprises et aux ménages. Chez les économistes, un tel resserrement de la politique monétaire a parfois laissé perplexe. La politique monétaire n’est pas suffisamment accommodante « , juge Christopher Dembick, économiste chez Pictet Asset Management. » Dans un monde idéal, il faudrait aller beaucoup plus vite et beaucoup plus fort. » en termes d’assouplissement monétaire. Compte tenu des délais de transmission des décisions de politique monétaire à l’économie, les effets de la première baisse des taux ne devraient pas se produire avant 2025.
Le chômage devrait augmenter
Concernant le chômage, les nuages s’amoncellent à l’horizon. La Banque de France prévoit une légère hausse du taux de chômage en 2024 à 7,4% puis 7,6% en 2025 contre 7,3% en 2023. Le rythme de création nette d’emplois a nettement ralenti depuis 2022, passant de 708 000 à 113 000 en 2024. L’économie française pourrait même détruire des emplois dès l’année prochaine (-13 000). La fin du « quoi qu’il en coûte » et la réduction des aides à l’apprentissage ont pesé sur les décisions d’embauche des entreprises.
Compte tenu du contexte budgétaire serré, le prochain ministre de l’Economie pourrait être tenté de réduire les aides à l’apprentissage, estimées à 25 milliards d’euros par an selon une récente note de l’économiste Bruno Coquet révélée par La Tribune. Une option qui alimente déjà les craintes dans certains milieux économiques.