Dans un documentaire émouvant, Valérie Donzelli filme les derniers instants de formation de jeunes comédiens en devenir
Valérie Donzelli revient sur les murs d’une institution qui n’a pas voulu d’elle. Sans rancœur, elle filme la ferveur d’une classe de jeunes comédiens, leurs espoirs, leurs doutes, leurs rêves. Présenté dans unavant-première au Festival du Film d’Angoulême, Rue du Conservatoire sort en salles le 18 septembre 2024.
Valérie Donzelli a passé un jour le difficile concours d’entrée au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Elle a échoué, mais cela ne l’a pas empêchée de devenir comédienne et réalisatrice. Bien des années plus tard, elle y est revenue pour donner une masterclass.
C’est là qu’elle rencontre Clémence, et lorsque la jeune fille se lance dans la production d’une adaptation deHamlet Avec les élèves de sa classe, Valérie Donzelli a accepté de filmer l’aventure. Pendant plusieurs semaines, la réalisatrice a accompagné ce projet de sa caméra et de ses encouragements.
Nous assistons ainsi à la naissance d’un spectacle, des premières répétitions jusqu’à la représentation.
Construit comme un journal de bord, le récit de cette aventure filmée en direct, avec une caméra mobile, au présent, s’entremêle avec des séquences plus générales, avec une caméra fixe, où les jeunes acteurs et actrices confient comment ils en sont arrivés là, leur rapport au métier d’acteur, leurs peurs et leurs rêves.
« J’ai compris que l’endroit où je serais le plus libre au monde, c’était sur scène »
Clémence Coullondans la « rue du Conservatoire »
Valérie Donzelli s’empare de cette matière vivante qu’est le théâtre « avec les moyens du bord »mais avec maestria. Aux commandes, une caméra qui accompagne le mouvement sans jamais le heurter, à l’affût de la moindre étincelle, du moindre souffle qui irrigue cet instant de vie extrême, tendu, chargé d’une vitalité débordante.
La réalisatrice filme les acteurs, leur besoin insatiable d’être regardés. Elle sait de quoi elle parle. « Ce que nous recherchons, c’est l’amour. » Elle filme également le travail de groupe, l’énergie de ce « collectif, qui rend si fort ».
Le film fait aussi des allers-retours entre le conservatoire et la sphère privée de la réalisatrice, qui vit une séparation au moment du tournage. Un événement qu’elle raconte discrètement, en arrière-plan, composé d’images fugaces, souvent floues.
Le documentaire capture donc deux moments clés, deux moments de transition, autant pour ceux qui sont devant la caméra que pour celui qui la tient. Dans quelques semaines, les jeunes vont quitter le conservatoire et entamer leur vie. La réalisatrice entame un nouveau chapitre de la sienne.
Des échos se font entendre entre les premiers pas de Clémence dans son travail de réalisatrice (qu’elle maîtrise déjà de manière étonnante) et le regard rétrospectif de Valérie Donzelli sur son propre parcours.
« C’est ça que j’ai voulu montrer. Cette dernière année vue par cette jeune femme. Clémence, une comédienne comme moi, et qui met en scène comme moi », souligne le réalisateur dans la présentation du film.
« Ta passion et ta jeunesse me bouleversent, et en attendant je fête mes 50 ans. »
Valérie Donzellidans la « Rue du Conservatoire »
Dans ce jeu de miroirs et de regards croisés, le réalisateur observe, et Clémence se laisse observer, tout comme ses camarades, qui la suivent et se donnent à fond dans ce projet collectif.
Qui sont ces jeunes acteurs qui feront non seulement le théâtre et le cinéma de demain, mais aussi le monde de demain ? Un monde différent de celui qu’a connu le metteur en scène, différent aussi de celui de Claire Lasne-Darcueil, la directrice du conservatoire, sur le point de partir elle aussi, et dont on sent que l’intelligente bienveillance a joué un rôle dans ce que sont devenus ces jeunes acteurs en passant par cette institution.
Le monde du théâtre a changé. #Metoo est passé par là, mais pas seulement. Une nouvelle génération construit un nouveau monde. Ainsi se noue une conversation entre deux générations, montrant un moment de transmission à l’œuvre, en direct.
Et c’est sans doute, au-delà de l’énergie extrême, la joie, la liberté, la force et la fragilité mêlées des jeunes acteurs, ce qui donne à ce film un souffle extraordinaire, qui nous transporte et nous émeut aux larmes.
Genre : Documentaire
Directeur: Valérie Donzelli
Pays : France
Durée : 1h20
Sortie : 18 septembre 2024
Distributeur : Distribution Diaphana
Synopsis : « En 1996, j’ai passé le concours du conservatoire. J’ai échoué. Il y a un an, on m’a demandé de donner une masterclass sur le jeu d’acteur au cinéma. J’y suis allée. J’ai rencontré une jeunesse vive, joyeuse et passionnée. Parmi mes élèves, il y avait Clémence. L’année suivante, elle m’a demandé de filmer leur dernier spectacle. J’ai senti son urgence et la peur qu’elle avait de quitter ce lieu mythique. Alors, j’ai accepté. En filmant cette jeunesse, j’ai revisité la mienne. » Valérie Donzelli
Grb2