Silence, We Die, un documentaire choc sur un « écocide » en Sicile
François-Xavier Destors et Alfonso Pinto donnent la parole aux habitants, blessés dans leur chair ou impuissants face au drame qui touche leurs proches, d’une région qui a vu le nombre de cancers exploser. « Toxiquement », un cri d’alarme.
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« Franco Giacinto, Morfino Rita, D’Amico Antonio, Cruciano Francesco…. », Le prêtre Don Palmiro énumère les noms, les uns après les autres, pour honorer leur mémoire. Des noms de personnes décédées d’un cancer ou d’une malformation, jeunes et vieux, majoritairement des hommes mais aussi des nouveau-nés. Suivent des témoignages poignants de résidents eux-mêmes atteints du cancer ou de leurs proches. La caméra de François-Xavier Destors se concentre sur ces vies brisées mais résilientes. En salle, le 18 septembre.
Nous sommes en Sicile, au nord de Syracuse, dans des paysages d’une grande beauté. C’est ici que se trouve depuis la fin des années 40 l’un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe. A l’époque, cet établissement représentait une avancée sociale et économique non négligeable. Les ouvriers étaient bien payés. Le revers de la médaille : aucune norme écologique avant la fin des années 80. L’industrie déversait ses déchets dans la mer ou les enfouissait dans la nature. Résultat : des zones entières interdites aux humains et aux animaux. Sans compter les maladies liées à l’environnement pollué.
« Il y a un premier choc visuel : quand on quitte la belle Syracuse, impossible de rater cette gigantesque zone industrielle qui longe la côte. Ceux qui osent s’y arrêter subissent un deuxième choc, olfactif cette fois, car elle devient vite irrespirable. La plupart des gens que l’on croise ont eu un ou plusieurs cancers, les cimetières sont anormalement remplis de jeunes et d’enfants », » témoigne le réalisateur François-Xavier Destors. A l’écran, un père et son fils témoignent. Le second est fier de prendre la place de son père à l’usine. Le père souffre de deux tumeurs. Ce père qui a emporté l’usine avec lui chez lui à cause de l’odeur d’hydrocarbures qui lui collait à la peau.« Les travailleurs n’atteignent pas l’âge de la retraite » un habitant s’alarme.
Les réalisateurs se sont retrouvés face à un mur de silence.L’ampleur du problème est criante, évidente, mais tout le monde détourne le regard ou l’accepte avec une sorte de résignation », observe François-Xavier Destors. Il a fallu du temps et de la patience. »« Il était presque impossible de trouver des personnes atteintes de pathologies prêtes à parler. Sur le plan politique et économique, la mafia a sans aucun doute joué un rôle dans le développement industriel, mais au-delà de l’omerta sicilienne, je pense que le problème principal reste le chantage à l’emploi », a-t-il ajouté. se lamente Alfonso Pinto, auteur.
Le miracle s’est transformé en cauchemar. Quelques habitants ont décidé de se battre contre les pollueurs.« Les gens ont le choix entre le cancer ou la faim », dit l’un d’eux. Principal pourvoyeur d’emplois, l’industrie pétrochimique bénéficie d’une certaine indulgence.
Toxiquement donne la parole à ceux qui en sont privés. Le documentaire a le mérite de mettre en lumière une « écocide », selon l’expression des auteurs, mais cache deux faiblesses : l’absence de chiffres et celle de la parole des industriels et/ou des autorités politiques et sanitaires« Quand on rencontre des spécialistes, on sent qu’ils sont un peu dépassés pour de nombreuses raisons, certaines liées à la mafia et à la politique. C’est aussi pour cela qu’un film d’enquête n’était pas vraiment envisageable. Si nous avons voulu mettre en avant les citoyens, c’est avant tout parce qu’ils sont les seules sentinelles de ce territoire », expliquer François-Xavier Destors. Toxiquement, un cri d’alarme.
Formulaire
Titre : Toxiquement
Durée : 1h18
Langue : italien avec sous-titres français
Auteur-réalisateur : François-Xavier Destors
Auteur : Alphonse Pinto
Sortie en salle : 18 septembre
Synopsis: En Sicile, au nord de Syracuse, l’un des plus grands complexes pétrochimiques d’Europe empoisonne depuis 70 ans l’environnement et les populations. « Mieux vaut mourir d’un cancer que de faim », entend-on sur la plage bordant la raffinerie. Dans un contexte d’omerta et de résignation, le film donne la parole à ceux qui luttent et survivent au cœur d’un territoire sacrifié sur l’autel du progrès et de la mondialisation.
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