Travailleurs étrangers temporaires : la Cour supérieure examinera la constitutionnalité des permis de travail fermés
La Cour supérieure a accepté d’examiner la constitutionnalité des permis de travail fermés, une première victoire juridique pour ceux qui contestent l’interdiction de changer d’employeur pour certains travailleurs étrangers temporaires.
« C’est une victoire à 100 % », a déclaré Eugénie Depatie-Pelletier, de l’Association pour les droits des travailleurs domestiques et agricoles (DTMF), qui dénonce depuis plusieurs mois le système de permis de travail temporaire mis en place par le gouvernement fédéral, qui oblige plusieurs personnes à travailler uniquement pour un « employeur précis ».
L’organisation a déposé un recours collectif plus tôt cette année pour tenter de faire reconnaître cette restriction comme une violation des droits fondamentaux des travailleurs migrants, dont le droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne, et la Cour supérieure du Québec a statué vendredi que le recours était recevable.
« Nous avons la preuve de violations des droits fondamentaux par le Canada depuis 60 ans », a ajouté M.moi Depatie-Pelletier : Maintenant, enfin, on a la possibilité d’aller déposer tout ça devant les tribunaux. On a des dizaines de professeurs d’université qui n’attendent que ça.
Cause discutable
Pour l’avocat qui a travaillé sur ce dossier, Me Jean-Philippe Groleau, la décision du tribunal signifie que la cause de l’Association est défendable. « Le gouvernement fédéral a prétendu qu’il n’y avait pas de cause d’action, ce qui nous a surpris, puisqu’il y a plusieurs documents dans lesquels le gouvernement fédéral reconnaît que ce type de permis met les travailleurs en position de vulnérabilité. »
Selon les documents déposés au tribunal, les requérants demandent à Ottawa de verser des dommages et intérêts à tous les travailleurs migrants qui ont travaillé au Canada depuis 1982, ce qui représente plus de deux millions de personnes.
De son côté, Ottawa a tenté de convaincre le tribunal de rejeter la demande en arguant que le groupe du recours collectif, soit tous les travailleurs migrants ayant travaillé au Canada depuis 1982, était trop large, et qu’il serait impossible de prouver que ces 2 millions de personnes ont subi un préjudice commun.
Dans sa décision, le tribunal a toutefois rejeté cet argument. « Il n’est pas nécessaire que chaque membre d’un groupe soit dans une situation identique ou même similaire par rapport au défendeur ou au préjudice subi, mais seulement qu’ils soient dans une situation suffisamment similaire pour qu’une question commune à laquelle le recours collectif cherche des réponses puisse être identifiée », peut-on lire dans le document, long d’une vingtaine de pages, en anglais.
« Une déclaration selon laquelle (l’interdiction de changer d’employeur) est inconstitutionnelle et/ou constitue une violation de la Charte résoudrait le problème pour tous les membres du groupe », a-t-il ajouté.
Le jugement d’aujourd’hui constitue une première étape dans le processus judiciaire. La question ne sera donc pas tranchée sur le fond avant plusieurs mois.
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