La Russie a trop de gaz et ne peut plus l’exporter
C’est une catastrophe. La Russie est désormais contrainte de stocker le méthane de son projet phare de gaz naturel liquéfié de 21 milliards de dollars (environ 19,1 milliards d’euros), Arctic LNG 2, au lieu de l’exporter. En raison des multiples sanctions américaines la visant, depuis son entrée en fonction en août, seuls trois méthaniers ont chargé du gaz naturel liquéfié (GNL) depuis la péninsule de Gydan (nord de la Russie) pour le livrer ailleurs, faute de clients, révèle le quotidien britannique Financial Times.
« L’un des navires, l’Everest Energy, semble avoir déchargé son chargement à Saam FSU, une unité de stockage flottante ancrée dans une baie de la région de Mourmansk, dans le nord de la Russie. Les deux autres cargaisons sont également restées dans les eaux russes ou européennes et n’ont pas été livrées à un acheteur. »rapporte le journal économique et financier, en s’appuyant sur des images satellite et sur les mouvements des navires transmis par leurs balises du système d’identification automatique (AIS).
« Mon essence est bonne, elle est bonne, qui veut mon essence ? »
Le premier navire à charger du gaz d’Arctic LNG 2, le Pioneer, l’a transféré sur un autre navire dans le port de Port-Saïd (nord-est de l’Égypte), mais les deux navires ne semblent pas avoir bougé depuis. Un autre navire, l’Asya Energy, était en route vers la Norvège, mais semble également avoir pris la direction de la plateforme flottante de stockage Saam FSU dans les eaux russes. Cependant, ces navires manipulent leurs balises AIS pour masquer leurs véritables positions – qui restent visibles par les satellites.
Une fois son pic d’extraction atteint en 2030, Arctic LNG 2 devait générer un cinquième des 100 millions de tonnes de GNL que Moscou ambitionnait de produire. Pour le mettre en place, le producteur russe de gaz naturel Novatek s’était associé à des entreprises chinoises et japonaises ainsi qu’à TotalEnergies, qui a depuis pris ses distances avec le projet en raison des sanctions américaines. On ne parle pas encore d’un fiasco, mais pas loin.
Certes, l’économie russe se porte bien, artificiellement boostée par la guerre en Ukraine et les dépenses militaires, mais cette embellie cache une fragilité croissante et Vladimir Poutine a tout intérêt à prolonger le conflit pour ne pas voir tout s’effondrer. Paradoxalement, plus les combats durent, plus le pays subit une fuite des cerveaux qui pénalisera à terme… son économie. Et voilà, les sanctions – dont on a pu penser un temps qu’elles étaient insuffisantes – pourraient en fait se révéler efficaces.
« L’intérêt que les acheteurs pouvaient avoir avant (les dernières sanctions américaines) a désormais disparu. »déclare Kjell Eikland, PDG d’Eikland Energy, un cabinet de conseil en énergie norvégien basé à Oslo. C’est bon pour l’Ukraine et pour la planète.