l’histoire d’une jeune agricultrice prête à tout pour lancer sa ferme de plantes aromatiques
En 2012, Marion Gervais a filmé Anaïs, une jeune agricultrice de 24 ans, pleine de passion et de détermination. Dans ce premier documentaire de 46 minutes, Anaïs part à la guerre, sorti en 2014, le réalisateur a suivi la jeune femme dans son combat pour s’installer en Bretagne, envers et contre tout, entre une administration tatillonne et un milieu agricole misogyne. Dix ans plus tard, le réalisateur revient nous donner des nouvelles de cette jeune femme passionnée par son métier, la culture de plantes aromatiques, qui cette fois-ci « pars pour aimer ». Ces deux points forts sont réunis dans Anaïs, 2 chapitres, à voir en salles le 11 septembre 2024.
Au début du film, Anaïs est accroupie dans ses champs, arrachant furieusement les mauvaises herbes et maudissant l’administration. « Herbe »comme elle le dira plus tard, c’est « se détendre ». La jeune femme vit dans une caravane, sans eau ni électricité. Elle rêve de lancer sa propre production de plantes aromatiques. Et pour cela, elle devra faire face aux contraintes administratives et aux remarques sexistes du monde agricole (« une jolie fille n’a pas sa place dans les champs ») et le climat breton. « D’ailleurs, quelle bonne idée de vouloir faire des tisanes en Bretagne… »la jeune femme plaisante.
Anaïs a besoin d’une réserve d’eau et de fonds pour investir dans un séchoir pour ses plantes, mais elle se heurte à la bureaucratie. Pleine de doutes mais jamais complètement découragée, la jeune femme écoute patiemment (même si elle n’en pense pas moins) les conseils des autres. Elle trouve alors une petite maison et un bout de terrain où faire pousser ses plantes. L’aventure peut commencer.
« Ce qui me fait peur, c’est de ne pas y arriver, dit la jeune femme, toujours en actionparce que si je n’y parviens pas, je ne sais pas ce que je ferai de ma vie. Anaïs travaille 12 heures par jour et ne gagne pratiquement rien grâce à son travail. Mais elle ne baisse pas les bras :« Je préfère travailler 60 heures par semaine dans mon domaine que 35 heures à l’usine »dit-elle avec un sourire.
Elle laboure, sème, récolte, toute seule, et à la main. Et elle s’accroche, les mots de certains lui apportant parfois du réconfort, notamment ceux du chef étoilé Roellinger installé à Cancale, connu pour sa cuisine herbacée. « Si vos plantes sont belles, c’est peut-être parce que vous en avez pris particulièrement soin. » lui dit-il.
Avec son corps élancé de danseuse et ses mains de paysanne, Anaïs travaille sans relâche sa terre, comme dans une chorégraphie, portée par un mélange de force et de grâce.
Lorsque le premier chapitre se referme, il reste encore du travail mais rien ne semble pouvoir arrêter la jeune femme, qui au fil des semaines et des rencontres a retrouvé une forme de confiance. « Je ne suis pas du tout sûr que cela va fonctionner, mais je suis sûr que j’y parviendrai. »elle assure.
Dix ans plus tard, chapitre 2, on retrouve Anaïs, même passion, même langage fleuri, une pointe de gravité en plus dans le regard, elle est toujours près du sol, tirant l’herbe d’une main tandis que l’autre tient le téléphone. À l’autre bout du fil, les services de la préfecture. Elle a trouvé une nouvelle raison de pester contre l’administration : elle doit obtenir un visa pour son mari Seydou, originaire du Sénégal, avec qui elle désire ardemment partager son petit paradis de plantes odorantes, dont elle a besoin pour vivre. « Traiter comme des princesses ».
Ce deuxième chapitre est exclusivement consacré à l’amour. Nous n’aurons que très peu de détails sur l’évolution de l’exploitation et de la vente des tisanes d’Anaïs, si ce n’est par ce qui est montré en image, et tout indique que le projet a bien prospéré.
Question amour, la vie n’est pourtant pas un long fleuve tranquille. Une fois les tracas administratifs réglés et Seydou installé avec Anaïs, les choses ne se passent pas sans mal. Si Seydou fait sa part des travaux aux champs et à la maison, il a du mal à s’adapter, et la tension monte entre Anaïs et son mari.
Mais comme dans le chapitre 1, Anaïs n’est pas prête à lâcher prise. Petit à petit Seydou s’acclimate et le couple retrouve ses marques. « La vie quotidienne est la même, mais à deux, et ça change tout »Anaïs dit, tandis qu’une nouvelle pousse pousse dans son ventre.
Construit en deux parties, comme l’indique le titre, le film dresse avant tout le portrait d’une femme qui, comme elle le dit elle-même, « ne fait rien comme les autres. » Une femme déterminée, sensible, sans compromis, capable de transformer sa colère en énergie pour réaliser ses rêves.
Dans une mise en scène sobre et modeste, la caméra reste attachée à son personnage, le film rythmé par des plans qui reviennent à intervalles réguliers, comme pour marquer le temps qui passe : les pas d’Anaïs dans l’herbe, ou ce plan fixe de la jeune agricultrice, de dos, le regard tourné vers l’horizon qui s’élargit peu à peu.
Témoin d’une belle tranche de vie, ce film est traversé par toutes sortes de questions sur la société, du travail à la féminité, en passant par l’amour, l’immigration et la tolérance.
Anaïs, 2 chapitres est aussi traversé de questionnements plus intimes, propres à la personnalité hors du commun d’Anaïs, qui nous fait partager à la fois sa passion et ses convictions, ses doutes et son extraordinaire force de vie, et aussi celle de Seydou, son amant au parcours chaotique, et ses silences qui en disent long.
Genre : Documentaire
Directeur: Marion Gervais
Pays : France
Durée : 1h 44min
Sortie : 11 septembre 2024
Distributeur : La distribution de la vingt-cinquième heure
Synopsis : Anaïs, 24 ans, s’installe comme agricultrice en Bretagne. Rien ne l’arrête. Ni l’administration, ni les professeurs misogynes, ni le tracteur en panne, ni les aléas de la météo… 10 ans plus tard, Anaïs est désormais mariée à un jeune Sénégalais, Seydou. La dure loi des frontières compliquant tout, ils vont devoir retrousser leurs manches… Ensemble.
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