Avec la crise économique, les femmes pakistanaises investissent dans le marché du travail
Gantée et casquée sur sa moto rugissante dans la mégalopole de Karachi, Amina Sohail attire l’attention : au Pakistan, avec la crise économique, de plus en plus de femmes entrent sur le marché du travail.
Avec son taxi-moto recouvert de tissu camouflage, cette Pakistanaise de 28 ans est la première femme de sa famille à travailler.
« Je me fiche de ce que les gens pensent, je ne parle à personne et j’ignore ceux qui me sifflent, je fais juste mon travail »raconte-t-elle à l’AFP.
Avant, quand son père devait arrêter de travailler parce qu’il était tombé malade, « nous avions faim »elle a dit. « L’ambiance à la maison était pénible »elle se souvient, pour la famille qui a dû demander de l’aide à des proches.
« C’est à ce moment-là que je me suis dit qu’il fallait que je travaille. »elle continue. Et, depuis lors, « Nous arrivons à manger deux à trois repas par jour ».
Un défi au Pakistan en plein chaos politique, où l’économie survit grâce au soutien du Fonds monétaire international (FMI) et aux prêts de pays amis.
L’inflation, qui a récemment atteint des niveaux records, a officiellement augmenté le prix des produits alimentaires de 100% et les factures d’électricité et de gaz de 300% en un an.
En rejoignant le marché du travail, Mme Sohail a changé ses revenus mais aussi, dit-elle, son « point de vue ». « Ma vision du monde s’est élargie »elle assure.
« Marie-la »
Selon l’ONU, seulement 21 % des femmes pakistanaises travaillent – la plupart dans le secteur informel et la moitié en aidant leur famille dans les champs.
Mais l’écart reste grand entre les symboles et la réalité sur le terrain : en 1988, le Pakistan est devenu le premier pays musulman de l’ère moderne à être dirigé par une femme.
Aujourd’hui, les femmes entrepreneures pakistanaises sont régulièrement citées dans les listes Forbes des personnes les plus influentes, et l’armée et la police comptent plusieurs femmes entrepreneures de haut rang.
Mais dans de nombreux foyers, le conservatisme règne encore.
« Je suis la première femme de ma famille à travailler, tant du côté de mon père que de mon père. »« C’est une grande joie », souligne fièrement Hina Saleem, 24 ans, opératrice de standard dans une usine de maroquinerie à Karachi, le centre industriel du Pakistan.
Mais alors que sa mère l’a soutenue après la mort de son père, les membres de la famille élargie ont tenté de décourager son jeune frère.
« Mes oncles lui ont dit : « épouse-la ». »raconte-t-elle à l’AFP. « Ma mère subissait beaucoup de pression »Elle ajoute que ses proches craignent qu’elle ne s’engage dans une relation amoureuse en quittant souvent la maison plutôt que d’accepter un mariage arrangé.
Anum Shahzadi, 19 ans, qui travaille dans la même usine, a été encouragée à travailler par ses parents après le lycée.
« Pourquoi obtenir un diplôme si on ne peut pas être indépendant ? »indique celle qui assure désormais le revenu du ménage aux côtés de son frère.
Bushra Khaliq, de l’ONG Women In Struggle for Empowerment (WISE), voit « un tournant » dans les droits politiques et économiques des femmes au Pakistan, principalement dans la classe moyenne urbaine. » opportunité « dans la crise économique actuelle.
« Jusqu’à présent, la société leur a dit que se marier et prendre soin de leur foyer étaient leur objectif principal dans la vie. »a-t-elle déclaré à l’AFP.
« Nous sommes partenaires »
Alors qu’Anum Shahzadi a commencé à travailler à 19 ans, Farzana Augustine a reçu son premier salaire l’année dernière à 43 ans lorsque son mari a perdu son emploi à cause du Covid-19.
« Ma femme a dû prendre le relais »dit ce dernier, Augustin Saddique. « Il n’y a rien de triste là-dedans : nous sommes partenaires et nous entretenons cette maison ensemble. »dit le chrétien de 45 ans.
Leurs enfants, en revanche, « Ne dites à personne que leur mère travaille, ils n’aiment pas ça »explique Farzana Augustine.
Karachi, qui compte officiellement 20 millions d’habitants, mais probablement plus en réalité, son port et sa vaste zone industrielle attirent des migrants et des entrepreneurs de tout le pays dans l’espoir qu’un emploi les aidera à gravir l’échelle sociale.
Zahra Afzal, 19 ans, a emménagé chez son oncle il y a quatre ans.
Ses parents venaient de mourir et elle a quitté leur village au cœur des régions agricoles du Pakistan pour s’occuper des enfants des familles de Karachi.
« Si d’autres membres de la famille avaient accueilli Zahra, elle serait déjà mariée »assure, non sans fierté, son oncle Kamran Aziz.
Lui, au contraire, a « a décidé avec sa femme d’aller à contre-courant et d’élever leurs filles pour qu’elles apprennent à se débrouiller seules avant de se marier ».
Zahra Afzal, de son côté, est fière d’une chose : aujourd’hui, sa sœur et sa cousine la considèrent comme un modèle.
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