Michel Barnier prend ses marques avant l’annonce d’un nouveau gouvernement
Le nouveau Premier ministre poursuit les consultations pour constituer son équipe. La droite envisage une participation sous certaines conditions.
Pour son deuxième jour à Matignon, Michel Barnier s’est installé méthodiquement dans son nouveau rôle de Premier ministre en s’adressant aux Français vendredi soir au « Journal de 20 heures » de TF1. Construire un gouvernement crédible et conforme à ses propres annonces, affirmer son indépendance, construire librement son cabinet, définir la nature de sa gouvernance et sa relation avec l’Élysée, faire le point sur la situation du pays… Comme prévu, les urgences étaient là.
Dès sa prise de fonction jeudi, il avait esquissé les contours de son projet avec une maestria appréciée par la droite, qui ne cachait pas son plaisir à écouter ses messages teintés de fermeté régalienne et d’ambition décentralisatrice. Voyant aussi cette incarnation de l’expérience politique sermonner amicalement le jeune Premier ministre sortant.
Vendredi matin, Gabriel Attal a été le premier à être consulté par Michel Barnier en tant que président du groupe macroniste à l’Assemblée. « Michel l’apprécie beaucoup »a déclaré un proche du Premier ministre pour taire toute rumeur d’animosité entre les deux hommes. A l’issue de la rencontre, le groupe macroniste a annoncé qu’il n’aurait » ni volonté de blocage ni soutien inconditionnel « .
Incarner une rupture
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La part des macronistes dans le prochain gouvernement Barnier fait déjà débat. Même s’il a renoncé à Matignon, le camp présidentiel estime qu’un certain nombre de ministères devraient lui revenir. D’abord parce que le groupe Renaissance à l’Assemblée nationale « constitue, de loin, le groupe le plus important en nombre » parmi ceux qui sont autorisés à se rassembler autour de Michel Barnier, a rappelé vendredi Gabriel Attal.
De nombreux ministres sortants espèrent rester au gouvernement, mais le nouveau Premier ministre, qui n’est pas pressé de finaliser cette équipe, a à cœur d’incarner une rupture. Le domaine réservé de l’Élysée (Affaires étrangères, Armées…) concentre les attentions, même si l’entourage d’Emmanuel Macron n’a pas exprimé publiquement ses exigences. Très proches du chef de l’État, les actuels titulaires de ces portefeuilles, Stéphane Séjourné et Sébastien Lecornu, peuvent espérer rester. A moins que Gérald Darmanin, qui juge opportun de quitter Beauvau sur le succès des JO, ne parvienne à s’affirmer. Son intérêt pour le Quai d’Orsay a déjà été évoqué par le passé.
Le nom d’Eric Dupond-Moretti (Justice) revient dans les discussions. Si son entourage assure qu’il n’est pas « candidat pour rien »Il n’est pas lassé de la vie gouvernementale. A l’image de Rachida Dati, qui espère rester huit mois dans l’exécutif après un retour inattendu. Michel Barnier devra aussi composer avec le MoDem et Horizons, incontournables au Palais Bourbon. L’accueil mitigé des proches de François Bayrou pourrait être adouci par l’obtention de plusieurs portefeuilles.
Après avoir pris ses distances avec les macronistes, Édouard Philippe estime que son parti a bien résisté aux législatives anticipées. Son groupe s’est renforcé d’un siège, ce qui pourrait l’inciter à réclamer le même nombre de ministres que dans l’équipe sortante (deux). Reste à savoir si l’équipe sortante sera conservée. Le maire du Havre rencontrera dimanche Michel Barnier. L’entourage du Premier ministre ne confirme aucune de ces possibilités mais précise : « Ce qui est important pour lui, c’est de pouvoir s’appuyer sur des ministres compétents, efficaces et prêts à rejoindre un collectif. Il veut des gens expérimentés. »
Première intervention très appréciée à droite
Verra-t-on bientôt des ministres de droite rejoindre ce gouvernement ? En coulisses, les demandes ne manquent pas. Les proches de Michel Barnier sont courtisés et certains n’imaginent pas, à ce stade, que les LR puissent rester à l’écart. D’autant que la première intervention du nouveau Premier ministre a été très appréciée à droite. La vice-présidente de l’Assemblée, Annie Genevard, l’a jugée « impérial » lorsqu’il a pris ses fonctions. « Il s’agissait manifestement du profil idéal. Il inspire un grand soulagement, avec sa personnalité rassurante et le ton d’un homme calme, armé d’une autorité naturelle. »
Sur l’immigration, j’ai senti que Michel Barnier voulait aller le plus loin possible
Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat
Egalement reçus à Matignon vendredi matin, Laurent Wauquiez, Bruno Retailleau et Gérard Larcher sont repartis en saluant le « détermination » affiché par Michel Barnier. Il est encore trop tôt pour annoncer l’implication de la droite dans le futur gouvernement, mais les trois invités ont relevé quelques points positifs.
Laurent Wauquiez, président du groupe Droite républicaine à l’Assemblée, espère que la nouvelle équipe saura « répondre aux préoccupations des Français » et attend toujours des garanties sur les orientations politiques qui devront être en phase avec les priorités du pacte législatif proposé par la droite. « Sur l’immigration, j’ai senti que Michel Barnier voulait aller le plus loin possible »juge Bruno Retailleau. Au cours de l’entretien, le sénateur a également souligné le risque d’une « grave crise financière ».
Les LR voulaient savoir si Michel Barnier se voyait « en tant que Premier ministre collaborateur de l’Élysée ou en plein exercice ». « Il y aura d’autres réunions mais C’est un bon échange qui va dans le bon sens. C’est prudent mais on sentait une volonté de grande liberté et de grande indépendance par rapport à l’Élysée, pour aller vers un fonctionnement plus conforme à la lettre du Vet République « , Bruno Retailleau l’a expliqué au Figaro. De son côté, Gérard Larcher a insisté sur l’article 20 de la Constitution, selon lequel seule la « le gouvernement détermine et conduit la politique de la nation », « a l’administration et la force armée »assume alors la responsabilité « devant le Parlement ».
Avant de rejoindre l’Élysée vendredi, Michel Barnier s’est dit satisfait de ses premières consultations. « plein d’énergie »Il compte poursuivre les échanges tout au long du week-end, notamment avec Élisabeth Borne et Yaël Braun-Pivet samedi.
« Cohabitation avec le RN »
Personne n’imagine que le nouveau patron de Matignon puisse apaiser l’hémicycle du Palais Bourbon d’un simple coup de baguette magique. D’ailleurs, les critiques hostiles ont également fleuri. « Aucune personnalité du PS ne sera dans son gouvernement, je n’en doute pas. »a assuré le socialiste Olivier Faure, confirmant que la gauche déposerait une motion de censure. Lucie Castets, ancienne candidate de la gauche à Matignon, a accusé le président de la République de se mettre en position de force. « cohabitation avec le RN ». De leur côté, les soldats parlementaires de Marine Le Pen n’iront pas au gouvernement mais ne voteront pas a priori la censure. A moins que la politique menée ne s’éloigne « terriblement » de leurs attentes.
En attendant, les républicains croisent les doigts pour que le chef de l’État quitte le pouvoir. « gouvernement gouverner »comme il l’a promis à deux reprises, promettant de s’en tenir à son rôle de « garant de la stabilité institutionnelle » du pays, assure Annie Genevard. Mais la promesse a pris un léger coup jeudi, lorsque l’Élysée a évoqué « exiger la coexistence ». « Nous ne savons pas ce que cela signifie.soupire un dirigeant de LR. Avec Emmanuel Macron, on n’est jamais loin du même moment »Un point sensible que Michel Barnier devra sans doute éclaircir avec ses amis politiques.
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