Les fantômes de Cazeneuve et Mélenchon planent sur le PS
Ils ne sont pas là. Mais c’est tant mieux. A Blois (Loir-et-Cher), où se tenaient de jeudi à samedi leurs traditionnelles universités d’été, les socialistes (et les journalistes) n’ont que ces noms sur les lèvres : Bernard Cazeneuve et Jean-Luc Mélenchon. Deux fantômes du passé d’un parti qu’ils ont quitté depuis longtemps, de retour au centre des discussions. Leur ombre plane plus que jamais. Parce que le premier est pressenti pour être nommé à Matignon par Emmanuel Macron cherchant à fracturer le Nouveau Front populaire (NFP). Parce que le second sert d’épouvantail à l’aile sociale-libérale du PS, nostalgique de son hégémonie, qui accuse la direction actuelle d’être inféodée au leader insoumis et à ses ambitions présidentielles.
Les années passent mais les remontées politiques des socialistes se ressemblent. Alors que la gauche unie prétend gouverner, le PS se livre au spectacle de la division sur fond de congrès larvé. « C’est très cynique. Et même si la diversité des points de vue au sein du parti est nécessaire, ce n’est pas le moment », fustige Maxime, un militant alsacien.
« Au bord de la rupture » ?
Les tensions, au moins en apparence, sont légion. Faut-il continuer à discuter avec Emmanuel Macron ? Faut-il rompre avec La France Insoumise ? Quelle place pour la social-démocratie au PFN ? Lucie Castets doit-elle rester la candidate commune à Matignon même si elle n’est pas désignée ? Comment réagir à la potentielle nomination de Bernard Cazeneuve ? Et c’est bien Blois, et sa médiatisation conséquente, que l’aile droite du PS a choisi de mener l’offensive et d’afficher ses désaccords avec le leadership d’Olivier Faure. Parfois en toute mauvaise foi.
Selon Hélène Geoffroy, chef de file de ce qui reste du hollandisme, le « vieille maison » de Blum et Mitterrand serait « sur le point de se briser » en raison des orientations stratégiques de son premier secrétaire. « Sommes-nous un parti d’agit-prop, comme le disent les militants d’extrême gauche, qui joue la rue contre les institutions ? » fait semblant de s’interroger le maire de Vaulx-en-Velin. A écouter la troupe des derniers éléphants, le numéro un du PS se ferait lobotomiser par « le bruit et la fureur » de Jean-Luc Mélenchon, au point que les courants minoritaires – qui prétendent peser 51% du parti – réclament un nouveau congrès, où ils iront unis pour le faire tomber. « équipe de rêve » autoproclamé qui va de Carole Delga à Stéphane Le Foll, en passant par Patrick Kanner, Jean-Christophe Cambadélis, Nicolas Mayer-Rossignol, Patrick Mennucci et même Karim Bouamrane, maire de Saint-Ouen un jour cité pour Matignon et présenté comme une prise de guerre.
Lucie Castets ou Bernard Cazeneuve ?
« La haine de Faure et de Mélenchon ne fait pas un projet » s’amuse un cadre socialiste. « Jean-Luc Mélenchon est un problème. Nous ne le soutiendrons pas à l’élection présidentielle. Nous l’avons déjà dit et nous pouvons le répéter encore et encore », a-t-il ajouté. rappelle Laurent Baumel, député proche du premier secrétaire qui estime que les opposants cherchent « Raisons de prendre parti. »
Pour l’aile droite du PS, Lucie Castets, candidate désignée à Matignon par les quatre partis du NFP, n’est quasiment plus un enjeu puisqu’Emmanuel Macron l’a déjà recalée. « Une succession de censures pourrait aboutir à Lucie Castets, qui reste notre candidate tant que nous n’aurons pas de Premier ministre. Mais est-elle légitime pour incarner le destin de la gauche ? Les militants ont-ils voté ? Cela mérite un débat », a-t-il ajouté. s’interroge Patrick Kanner, président du groupe socialiste au Sénat. D’autres, à Blois ou à Paris, sont plus directs et ne cachent pas qu’ils envisagent l’option Bernard Cazeneuve, « un homme d’État (…) au service de l’idéal de gauche », selon Carole Delga, présidente de la région Occitanie. Une hypothèse « crédible et sérieux » pour Anne Hidalgo, la maire de Paris. Tous assurent tout de même qu’ils souhaitent une « cohabitation » avec Emmanuel Macron et jure qu’ils ne seront pas ses « suppléments » : « Il a perdu. Par exemple, il faut changer les choses sur les retraites », s’interroge Michaël Delafosse, maire de Montpellier.
Du côté de la direction socialiste, l’option Cazeneuve n’en est pas une. Comme du côté des insoumis, des communistes et des écologistes. « Si ce n’est pas Lucie Castets à Matignon mais une autre personnalité de gauche, nous n’avons aucune raison de penser qu’elle mènera une politique de gauche », a-t-il ajouté. affirme Stéphane Troussel, président du conseil départemental de Seine-Saint-Denis. « Nous sommes tous d’accord sur le fait que nous ne voulons pas le faire », assure Chloé, 24 ans et militante aux Jeunes Socialistes. « On pourrait dire que c’est le retour de l’aile sociale-libérale si Cazeneuve est nommé, qu’il fait des annonces de second ordre et que ses camarades restés au PS le soutiennent », a-t-il ajouté. pense Laurent Baumel.
« En réalité, nous craignons tous un Premier ministre qui nous divise. Ce qui est en jeu, c’est notre unité », a-t-il ajouté. propose un cadre qui, comme ses camarades de tous les courants, pose « lignes rouges » :augmentation des salaires, fiscalité plus juste, abrogation de la réforme des retraites, défense des services publics, planification écologique.
« Si vous allez avec la droite, vous serez la droite »
Malgré les dissensions, les roses ont réservé un accueil de rock star au candidat du NFP pour un meeting improvisé, avec Olivier Faure, l’écologiste Marine Tondelier, l’insoumis Éric Coquerel, le communiste Léon Deffontaines et l’ex-FI Clémentine Autain. L’occasion d’envoyer un avertissement à la droite. « La gauche ne pourra peser que si elle est unie. Et ce que je dis vaut aussi pour le PS. Ceux qui pensent que c’est impossible sont priés de ne pas déranger ceux qui essaient. » Marine Tondelier s’adresse aux éléphants, qui ont globalement boycotté l’événement NFP. « Si nous voulons que la gauche puisse aller à la rencontre des classes populaires, des ouvriers, qu’ils vivent en métropole ou dans les zones rurales, il faut une orientation claire. » Léon Deffontaines les glisse, avec en prime un clin d’œil à un effet Raphaël Glucksmann. Et Lucie Castets prévient : « Restons unis pour que l’espoir suscité le 7 juillet ne s’effondre pas et pour que nous puissions changer des vies. Si vous allez avec la droite, vous gouvernerez avec la droite et vous serez la droite. » résume Olivier Faure à la tribune.
« La première chose qu’on nous reproche depuis toujours, ce sont ces jeux de rôle permanents, à l’approche de chaque congrès, où chacun essaie de se compter, de se diviser parfois artificiellement, j’ai soutenu le premier secrétaire, samedi, lors de la clôture de l’université d’été. Il y a quelque chose qui devrait nous unir : redonner une place centrale au PS. Comment pourrions-nous imaginer un seul instant que nous pourrions redevenir cette force si nous sommes les briseurs de la gauche ? Mais si Olivier Faure reste un syndicaliste convaincu, il estime que seul son parti peut « propulser la gauche ». Il ne veut pas non plus que « la boule d’égo » reprendre, sinon, prévient-il, « Nous partirons seuls. »
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