Ces civils qui protègent l’Amazonie française
Lorsque Margo Traimond se promène dans la forêt qui borde le zoo-refuge de Guyane, couteau à la ceinture et bottes vert fougère aux pieds, elle aperçoit parfois, parmi les feuillages, la fourrure noire d’un singe-araignée à l’allure familière. Pour l’éthologue (spécialiste du comportement animal), directrice animalière de ce site de douze hectares de nature luxuriante à l’ouest de Cayenne, cette vision fugace signe la réussite d’un travail de longue haleine.
Car son zoo n’accueille pas seulement le public venu admirer la faune amazonienne, jaguars, toucans, caïmans… Il abrite également un centre de soins qui recueille des animaux en détresse trouvés dans la jungle guyanaise, dont des orphelins dont les mères ont été victimes du braconnage ou de la déforestation. Ces derniers grandissent en captivité, puis se déshabituent progressivement à l’homme, avant d’être relâchés dans la nature, parfois non loin du zoo.
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Ce territoire français regorge de biodiversité
Lorsqu’elle les croise à nouveau par hasard, Margo Traimond est rassurée : cela signifie qu’ils vont bien et que leur réintroduction a fonctionné. Elle, qui a grandi à proximité dans la cité spatiale de Kourou, contribue ainsi à sa manière à la préservation de l’Amazonie guyanaise. Recouvert à plus de 90 % de forêt primaire, le territoire français regorge de biodiversité : on y trouve par exemple autant d’espèces de vertébrés que dans toute l’Europe. Mais son équilibre naturel est de plus en plus affecté par l’activité humaine. Orpaillage et chasse illégaux, croissance démographique, urbanisation galopante… Sans compter les effets du changement climatique. Margo Traimond voit parfois arriver des caïmans sauvages, souffrant de la sécheresse, venus chercher refuge dans les étangs du zoo. Face à ces pressions, les Guyanais, sauveteurs de la faune sauvage comme Margo, mais aussi botanistes, biologistes et travailleurs associatifs, se mobilisent en nombre pour préserver leur trésor forestier.
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Marc-Alexandre Tareau et Clarisse Ansoe-Tareau, 38 et 29 ans, ont choisi l’enseignement. Lui est ethnobotaniste au CNRS – il étudie les liens entre les plantes et les humains. Elle est interprète et médiatrice culturelle, spécialisée dans les langues et les traditions du peuple Bushinengue, descendants d’esclaves africains du Suriname qui ont fui les plantations aux XVIIe et XVIIIe siècles. Ensemble, le couple dirige Mélisse, une association de promotion des plantes médicinales locales. Leurs balades ethnobotaniques autour de Cayenne affichent toujours complet.
Ce jour-là, ils guident un groupe de touristes et de familles de la région. Marc-Alexandre, alias « Docteur Feuilles », s’arrête près d’un petit arbuste aux fleurs rouges allongées, appelé couachi ou quinine de Cayenne (Quassia amara L.). Cette plante au goût amer, explique-t-il, est utilisée dans la pharmacopée créole contre le paludisme. « Chez nous, les Bushinengués, le couachi est plus généralement utilisé pour soigner la fièvre », ajoute Clarisse, qui a appris ces leçons de son grand-père, guérisseur.
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Benoît deThoisy se bat pour l’environnement depuis plus de trente ans. Dans les années 1990, ce vétérinaire et chercheur a participé au sauvetage de la faune sauvage du site de Petit-Saut, une immense zone de forêt primaire inondée pour la construction d’un barrage hydroélectrique, à 100 km de Cayenne. Coincés sur des îlots, les animaux de la zone devaient alors être ramenés un à un sur la terre ferme. « Nous avons récupéré des singes affamés qui mouraient en hauteur dans les arbres, se souvient-il. Au total, environ 50 000 animaux ont été capturés, soignés et relâchés dans les zones adjacentes. »
Dans la foulée, le scientifique, qui travaille également pour l’Institut Pasteur, a cofondé Kwata, une importante association locale de protection de la nature qui étudie la biodiversité, est consulté sur les projets d’infrastructures et surveille la ponte des tortues marines. « Sur le plan environnemental, les choses s’améliorent petit à petit », constate-t-il. « Tout le monde est plus attentif, les comportements changent… »
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Un projet minier d’arbres submergés menace l’écosystème
Mais Benoît de Thoisy s’inquiète aussi de la recrudescence des menaces. Aujourd’hui, le site de Petit-Saut fait l’objet d’un projet d’exploitation des arbres submergés par une entreprise franco-canadienne, pour vendre le précieux bois et alimenter une centrale biomasse (qui produit de l’électricité en brûlant de la matière organique). « Cela va détruire l’écosystème, craint le chercheur. Je ne veux pas revivre la même chose qu’il y a trente ans. »
Pour l’heure, les faucons oranges continuent de se poser sur les troncs morts émergeant du réservoir, ce qui rend le lieu captivant et prisé des ornithologues amateurs, qui viennent oublier un instant les menaces qui pèsent sur la partie française du poumon vert de la planète.
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➤ Article publié dans le Magazine GEO n°546, Le Québec prend la vie du bon côté, dès août 2024.
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