La marque Camaïeu relancée en grande pompe, deux ans après sa liquidation – 29/08/2024 à 17:53
L’espace « be Camaïeu » du centre commercial Euralille, à Lille, le 29 août 2024, pour l’inauguration du nouveau logo après le rachat de l’enseigne par le groupe Celio (AFP / DENIS CHARLET)
Deux ans après sa déroute, qui en a fait le symbole du déclin du prêt-à-porter, Camaïeu est de retour jeudi dans les vitrines de Lille et dans onze autres magasins, relancés par Celio, qui a repris l’enseigne mais pas les salariés.
Avec son nouveau logo « be camaïeu » placardé à l’entrée du centre commercial Euralille où se déroule l’inauguration, le groupe Celio se dote ainsi d’une ligne féminine, destinée notamment à être vendue dans ses magasins agrandis.
« Nous sommes très fiers, car nous avions beaucoup d’affection, depuis 40 ans Camaïeu est une marque (…) qui se développe en parallèle, Célio étant le leader pour les hommes, Camaïeu étant le leader pour les femmes », a indiqué le président de Celio Sébastien Bismuth, venu pour l’occasion à Lille, près de Roubaix, berceau de la marque relancée.
Au total, 100 personnes ont été recrutées, dont dix anciens salariés de Camaïeu. La marque, qui comptait auparavant plus de 500 magasins, est présente jeudi dans 12 boutiques en France et en Belgique (Bruxelles). Deux magasins sont dédiés uniquement à « être camaïeu », les autres sont intégrés dans des boutiques Celio, parfois agrandies.
Le nouveau logo « be camaïeu » visible sur l’une des 700 pièces créées, au centre commercial Euralille, le 29 août 2024 (AFP / Denis Charlet)
Le magasin d’Euralille, avec ses 1 200 m2, est le plus grand qu’ait jamais eu le groupe, qui souhaite ainsi évoluer vers des « standards internationaux ».
« C’est la plus grande étape pour nous depuis que nous avons créé l’entreprise », s’est réjoui avec émotion Marc Grosman, cofondateur de Celio. Le groupe, qui avait évoqué en juin l’objectif de présenter la marque dans une cinquantaine de magasins d’ici « trois ou quatre ans », n’a pas souhaité communiquer sur ses investissements pour « être camaïeu ».
Côté produits, « nous avons créé 700 références, pour un prix moyen de 30 euros », revendique Mikaella Abittan, directrice générale adjointe de « be camaïeu ». Derrière elle, les portants présentent des vêtements simples, déclinés en plusieurs coloris.
« Ça a changé, c’est plus classique qu’avant », constate Danielle, une retraitée qui fut autrefois une cliente fidèle de Camaïeu. Sa petite-fille Louane a trouvé son bonheur avec un haut rayé et un pantalon noir : « la coupe est bonne », souligne la collégienne.
« Je n’ai pas l’impression d’être chez Camaïeu », remarque Clémence, trentenaire venue avec son compagnon, fidèle client de Celio. « On se croirait plutôt chez Uniqlo avec ces t-shirts unis ! »
– « Camaïeu s’est disloqué » –
Autrefois fleuron du prêt-à-porter féminin en France, Camaïeu, secoué par la crise sanitaire et une coûteuse cyberattaque, a été placé en redressement judiciaire en septembre 2022, deux ans après son rachat par l’homme d’affaires Michel Ohayon.
La fermeture soudaine des 500 magasins a laissé plus de 2 000 personnes sans abri, provoquant l’indignation du monde de la mode et de la politique.
En décembre 2022, Celio rachète la marque Camaïeu aux enchères pour 1,8 million d’euros, sans reprendre ni le personnel ni les locaux de l’entreprise.
L’affiche invitant à retrouver « be camaïeu » dans la boutique Celio agrandie pour l’occasion au centre commercial Euralille, le 29 août 2024 (AFP / Denis Charlet)
« Une bonne moitié des salariés avaient retrouvé un emploi en février 2024 », explique à l’AFP un ancien élu du CSE de Camaïeu, sous couvert d’anonymat. L’avocat Fiodor Rilov, qui dit défendre plus de 200 salariés licenciés de Camaïeu, rapporte que « presque tous sont dans une situation précaire, avec un emploi temporaire ou à durée déterminée ».
« C’est énervant, frustrant, on dit que Camaïeu recommence mais ce n’est pas ça, Camaïeu n’existe plus, Camaïeu a été dissous, on a tous été virés ! », se souvient Sandra Sarrouy, une ancienne syndicaliste CFDT qui a travaillé 31 ans chez Camaïeu, jointe par téléphone par l’AFP. « Je trouve ça irrespectueux par rapport à ce qu’on a vécu ».
Mais pour le président de Celio, « c’est le développement, c’est le recrutement, c’est une entreprise française, c’est tout l’écosystème qui nous entoure que l’on fait fonctionner en France ».
La plupart des vêtements sont fabriqués à l’étranger, mais la marque présente des marinières produites en France. « Nous ne sommes pas responsables du passé, nous sommes responsables du futur », souligne-t-il.
Selon Fiodor Rilov, 22 procédures prud’homales sont en cours contre Camaïeu et d’autres sociétés dont Michel Ohayon, propriétaire de la marque au moment de la faillite, est l’actionnaire majoritaire.