Le dilemme existentiel de Boeing
EEn avril, le Congrès américain a lancé une enquête publique sur la « culture de sécurité défaillante » (culture de sécurité brisée) de Boeing. Après les catastrophes de 2018 et 2019 qui ont coûté la vie à 346 personnes, l’entreprise avait reconnu sa responsabilité dans une grave erreur de conception du modèle 737 Max. Depuis, Boeing semblait avoir tiré les leçons de ces tragédies et tentait de regagner la confiance des autorités et du public dans cet appareil.
Mais l’explosion en vol d’une porte de sécurité en janvier – qui n’a fait aucune victime mais aurait pu avoir de terribles conséquences – a jeté le doute sur les efforts de l’entreprise. Tout récemment, une révision des sièges des pilotes a été demandée. Sans attendre les conclusions des services techniques, le Congrès américain a donc choisi de s’intéresser directement à la culture de sécurité de l’avionneur.
En signe de défiance, un sous-comité du Sénat a entendu « lanceurs d’alerte » Devant les responsables. Un ingénieur qualité, un ancien responsable et un responsable de l’organisme public de certification ont décrit leurs difficultés à maintenir des procédures de contrôle et de qualité suffisantes. Ils ont également dénoncé les pressions qu’ils subissaient lorsqu’ils signalaient ces manquements. Faisant écho à leurs déclarations, des enquêtes techniques ont déjà confirmé que l’accident de la porte de sécurité était dû à une erreur de montage chez un important fournisseur. Passée inaperçue, cette anomalie révélait un manque de traçabilité de certaines opérations de vérification.
Le 18 juin, c’était le tour de David Calhoun, le PDG démissionnaire de Boeing. Nommé en 2020, il n’était pas responsable des catastrophes du 737 Max, mais, interrogé sur son action en faveur de la sécurité, il n’a pu que réaffirmer l’exigence des procédures de Boeing, tout en concédant qu’il n’avait pas entendu lui-même les lanceurs d’alerte et n’avait pas vérifié si leurs témoignages avaient été étudiés par ses services. Son audition s’est rapidement transformée en réquisitoire.
Pour une nouvelle culture de la sécurité
Comment en est-on arrivé là ? Sénateurs et observateurs reconnaissent aujourd’hui que la course à la rentabilité actionnariale entamée vers 2014, l’externalisation massive des activités et la réduction des inspections ont mis à mal la culture de sécurité de Boeing. L’éloignement des dirigeants par rapport à la réalité des usines et des bureaux techniques est également pointé du doigt. Cet éloignement contraste avec l’attitude légendaire de William Boeing, le fondateur qui était souvent présent dans les ateliers et ne tolérait aucune défaillance. Mais pourquoi les nouveaux dirigeants échapperaient-ils plus que leurs prédécesseurs aux pressions financières ?
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