Pourquoi les smartphones devraient être interdits aux moins de 15 ans
LE FIGARO ETUDIANT – Pourquoi ne faut-il pas avoir de smartphone avant 15 ans ?
Marie-Alix LE ROY-Ne pas utiliser de smartphone avant 15 ans est une mesure de bon sens, comme interdire à un enfant d’aller en boîte de nuit. Les enfants à qui l’on donne un téléphone seront exposés au harcèlement en ligne, à la pornographie et à la violence. Aujourd’hui, les contrôles parentaux sont trop complexes à mettre en place et peuvent être facilement contournés.
Et puis, avoir un smartphone est une catastrophe pour la scolarité. J’ai deux enfants de 13 et 15 ans. Pour ma fille aînée qui a désormais un smartphone, j’ai vérifié les bénéfices du contrôle parental au bout de 15 ans : sa moyenne a augmenté de deux points en un trimestre. De plus, je constate que, quand vient le moment d’intégrer une classe préparatoire, beaucoup de jeunes suppriment les applications de réseaux sociaux pour rester plus concentrés. C’est un problème majeur : les professionnels de santé disent que trois à quatre générations vont être sacrifiées.
Les familles et les jeunes vous suivent-ils dans votre mouvement ?
Le groupe Facebook « Parents unis contre les smartphones avant 15 ans », que j’ai créé il y a cinq ans, compte plus de 20 000 membres. J’enregistre 7 à 8 demandes par jour, et parfois jusqu’à 30 voire 40. J’ai beaucoup de remerciements car les parents qui s’inscrivent se sentent soutenus. Mais malheureusement, les familles subissent beaucoup de pression.
Qu’est-ce qui pousse exactement les parents à offrir un smartphone à leurs enfants ?
Ils subissent la pression de leurs enfants qui leur réclament un téléphone, parfois dès l’école primaire. Certains parents me disent aussi que les écoles ne jouent pas le jeu : même si les téléphones sont interdits au collège, certains enseignants demandent de prendre des photos avec le smartphone, ou de scanner des QR codes. Je constate aussi que de nombreux parents sont en conflit à cause du téléphone de leurs enfants. Un père divorcé m’a avoué qu’il avait cédé car sinon ses enfants ne viendraient plus chez lui.
Certains parents demandent à leur enfant de leur envoyer un SMS à son arrivée au collège ou au lycée. Et si l’enfant oublie de le faire, ils appellent la secrétaire en panique.
Marie-Alix Leroy
Le téléphone portable peut-il pour autant rassurer certains parents ?
Un téléphone n’est pas une arme, il ne protège pas. Alors que ne pas avoir de smartphone va obliger le jeune à se débrouiller, à trouver son chemin seul par exemple. Mon fils de 13 ans s’est perdu une fois à Villeurbanne. Il a dû se débrouiller, a pris un bus, et a finalement retrouvé son chemin jusqu’à mon bureau. Quand il est arrivé, il était très fier.
Mais certains parents ont du mal à lâcher prise. Certains demandent à leur enfant de leur envoyer un SMS à son arrivée au collège ou au lycée. Et si l’enfant oublie de le faire, ils paniquent et appellent le secrétariat de l’école. Beaucoup de parents souhaitent aussi que leur enfant ait un téléphone pour pouvoir le géolocaliser, parfois à 16-17 ans. Les parents sont devenus trop craintifs pour leurs enfants, et c’est dommage.
On peut espérer qu’un renversement s’organisera même si les professionnels de santé affirment qu’il y aura 3 à 4 générations sacrifiées.
Marie-Alix Le Roy
Pensez-vous qu’il y a une prise de conscience ?
Oui, et la mobilisation grandit. Par exemple, Éducation numérique raisonnée est un nouveau collectif créé par un groupe d’enseignants qui se mobilisent contre la surexposition des élèves aux écrans. Certaines grandes écoles réfléchissent aussi à revenir au « tout papier » pour éviter aux enseignants d’avoir un mur d’ordinateurs devant eux en classe. Par ailleurs, la commission Écrans créée par Emmanuel Macron donne une lueur d’espoir, si elle est mise en œuvre.