Une amende de 38 millions d’euros infligée à E. Leclerc : pourquoi le groupe a été sanctionné
L’Autorité de répression des fraudes vient d’infliger une lourde amende de 38 millions d’euros au premier distributeur alimentaire français, E.Leclerc. Le groupe est accusé d’avoir dépassé le délai de négociation avec ses fournisseurs.
Michel-Edouard Leclerc avait dit s’y attendre, et c’est arrivé : l’Agence de Répression des Fraudes sévit et a infligé une lourde amende au groupe E.Leclerc, mercredi 14 août. Le premier distributeur alimentaire français a été sanctionné pour ne pas avoir respecté le délai imposé pour négocier avec les fournisseurs.
Une amende record
Le groupe, via sa centrale d’achat européenne Eurelec, s’est vu infliger mercredi une amende d’un peu plus de 38 millions d’euros – la plus élevée jamais infligée dans ce type de dossier – pour ne pas avoir respecté les délais de négociations avec 62 de ses fournisseurs.
En septembre 2020, la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) avait déjà infligé une amende de 6,34 millions d’euros à Eurelec pour « non-respect présumé de la réglementation française relative aux formalités de négociations entre fournisseurs et distributeurs ».
Contactée par l’AFP, cette marque leader du secteur n’a pas souhaité faire de commentaire.
Mais son porte-parole Michel-Edouard Leclerc s’était exprimé en février, disant s’attendre à des convocations et des sanctions à l’issue des négociations commerciales, estimant même être visé « personnellement » par un « groupe de députés » de la majorité.
Des délais de négociation plus serrés
Car cette année, les règles du jeu commercial ont changé. Habituellement, industriels et distributeurs ont jusqu’au 1er mars pour s’entendre sur les conditions de vente d’une grande partie des produits vendus en supermarchés le reste de l’année. Mais le gouvernement avait exceptionnellement avancé l’échéance de ces négociations, dans l’espoir d’un impact plus rapide en magasin des baisses de prix de certaines denrées alimentaires, après une période de forte inflation.
Les échéances ont donc été avancées au 15 janvier pour les fournisseurs dont le chiffre d’affaires est inférieur à 350 millions d’euros, et au 31 janvier au plus tard pour les plus gros fournisseurs.
Les contrôles menés par la DGCCRF avaient été renforcés pour apaiser la crise agricole. En effet, en début d’année, des agriculteurs avaient mené des actions et bloqué des routes pour réclamer un « revenu décent ».
Les lois Egalim dans le collimateur
Cette révolte avait mis au jour les lois Egalim, censées protéger la rémunération des agriculteurs, alors que près d’un ménage agricole sur cinq vit sous le seuil de pauvreté (contre 13% au niveau national).
La loi Egalim 1, promulguée en 2018, est ainsi censée avoir « inversé la construction des prix » lors des négociations commerciales, en partant des coûts de production. Egalim 2, promulguée en 2021, a généralisé les contrats écrits d’une durée minimale de trois ans entre l’agriculteur et l’entreprise qui transformera ses produits, ainsi que rendu illégales les négociations sur le coût des matières premières agricoles (viande, lait, etc.) et instauré un mécanisme de révision automatique des prix.
La loi dite Descrozaille, du nom du parlementaire (Renaissance) qui a fait adopter ce texte en 2023, a étendu cette mesure aux produits de marques de distributeurs appartenant aux grandes surfaces (Reflets de France, Marque Repère, etc.).
Les blocages d’autoroutes par des agriculteurs désireux de gagner mieux leur vie ont mis un Egalim 4 sur les rails.
Mi-février, au plus fort de la crise agricole, le gouvernement avait donc confié aux députés de la majorité Anne-Laure Babault et Alexis Izard la mission de formuler, avant l’été, des pistes pour faire évoluer les règles qui régissent les négociations entre agriculteurs et industriels d’une part, industriels et distributeurs d’autre part.
Mais ce projet de texte a été suspendu par la dissolution de l’Assemblée nationale.