Sahara occidental : le différend diplomatique entre le Maroc et l’Algérie résumé en quatre points clés
Le Sahara occidental revient sur le devant de la scène. Mardi, la Finlande est devenue le premier pays nordique à soutenir le plan d’autonomie du Maroc, qu’elle considère comme une « contribution sérieuse et crédible » à la résolution du conflit entre Rabat et les séparatistes soutenus par l’Algérie.
Une déclaration qui intervient quelques jours après la lettre adressée le 30 juillet par Emmanuel Macron au roi du Maroc, Mohammed VI, dans laquelle il affirme que « le présent et l’avenir du Sahara occidental relèvent de la souveraineté marocaine ». Retour sur la situation ambiguë de cet ancien protectorat espagnol, qui figure toujours sur la liste des « territoires non autonomes » de l’ONU.
· Un conflit territorial vieux de 50 ans
Situé entre le Maroc (au nord), l’Algérie (au nord-est) et la Mauritanie (au sud), le Sahara occidental couvre une superficie de 266 000 km2, soit l’équivalent de celle de la Nouvelle-Zélande. Sous protectorat espagnol de 1884 à 1975, le territoire devait être partagé par le Maroc et la Mauritanie.
Mais en 1976, le Front Polisario, mouvement indépendantiste qui revendiquait la souveraineté sur le Sahara occidental, proclame la République arabe sahraouie démocratique (RASD). Le Maroc décide alors d’annexer une grande partie du territoire, reléguant le Front Polisario à l’est du Sahara occidental. Les autorités marocaines, qui contrôlaient 80 % du territoire, érigent un « mur de sable » de 2 720 km de long, achevé en 1987 et gardé par 100 000 soldats.
· Un affrontement géopolitique entre l’Algérie et le Maroc
Dès 1976, le Front Polisario peut compter sur le soutien de l’Algérie, dont les relations glaciales avec son voisin marocain trouvent leur origine dans un conflit territorial survenu en 1963, la « guerre des sables », au lendemain de l’indépendance algérienne. Si les deux parties finissent par s’entendre sur la démarcation de leur frontière commune en 1964, les ressentiments demeurent profonds et le Sahara occidental devient le théâtre d’expression de la rivalité algéro-marocaine.
Deux conceptions de la souveraineté
Alors que le mouvement indépendantiste, soutenu par Alger, fonde ses revendications sur le droit à l’autodétermination garanti par la Charte des Nations unies, le Maroc invoque ses liens historiques avec les tribus qui peuplaient le Sahara occidental avant la domination espagnole. Une affirmation contestée par la Cour internationale de justice, qui a estimé en 1975 que les éléments fournis par le Maroc « n’établissaient aucun lien de souveraineté territoriale entre cet État et le Sahara occidental », concédant néanmoins l’existence d’un « lien juridique d’allégeance (…) entre le Sultan et certaines, mais certaines seulement, des populations nomades du territoire ».
Après la signature d’un plan de paix entre le roi Hassan II et le Front Polisario, le Conseil de sécurité de l’ONU a adopté à l’unanimité en 1991 une résolution prévoyant l’organisation d’un référendum au Sahara occidental. Faute d’accord sur l’établissement des listes électorales, le projet de référendum est resté lettre morte.
Alors que le Front Polisario, soutenu par l’Algérie, s’accroche à l’idée d’autodétermination, le Maroc défend depuis 2007 un plan d’autonomie qui permettrait au Sahara occidental de rester sous souveraineté marocaine, tout en déléguant des pouvoirs non souverains au gouvernement local.
· Les partisans de la position algérienne sont rares
Selon l’Université de Saint-Jacques-de-Compostelle, 84 États ont reconnu la RASD. Outre l’Algérie, il s’agit principalement de pays africains ou latino-américains.
Au fil des années, leur nombre s’est réduit à peau de chagrin. Pas moins de 30 États ont retiré leur reconnaissance, comme le Congo, le Burkina Faso et le Bénin, tandis que 6 pays l’ont « gelée » ou « suspendue ». Il faut noter qu’aucun des membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (les États-Unis, la Russie, la Chine, le Royaume-Uni et la France) n’a reconnu l’indépendance du Sahara occidental.
· Le Maroc a fait du Sahara occidental la pierre angulaire de sa diplomatie
La pleine souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental n’a été reconnue que par les États-Unis et Israël. En décembre 2020, Donald Trump a fait un pas en direction de Rabat, en échange de la normalisation des relations avec Israël. En 2023, l’État hébreu lui a emboîté le pas, en reconnaissant « la souveraineté du Maroc sur le Sahara occidental ».
Depuis plusieurs années, le royaume chérifien intensifie la pression pour rallier les Etats à son plan d’autonomie. En 2022, l’Espagne a finalement déclaré que ce dernier constituait « la base la plus sérieuse, réaliste et crédible pour la résolution du différend ». Le résultat d’un bras de fer entre le Maroc et l’Espagne, qui avait accueilli le chef du Front Polisario, Brahim Gali, pour le soigner. Le Maroc a répliqué quelques semaines plus tard en relâchant la surveillance à ses frontières, provoquant l’afflux de 8 000 migrants dans l’enclave espagnole de Ceuta.
La même année, les Pays-Bas ont reconnu le plan d’autonomie comme une « contribution sérieuse et crédible au processus mené par l’ONU pour trouver une solution » à la question du Sahara occidental. Il en va de même pour la Serbie, qui a qualifié le plan de « sérieux » et de « crédible ».
Fin juillet, la France, ancienne puissance coloniale, est allée encore plus loin, affirmant que « le présent et l’avenir du Sahara occidental relèvent de la souveraineté marocaine ». Une formule alambiquée, qui reprend l’expression « souveraineté marocaine » sans toutefois prendre la forme juridique d’une reconnaissance. Une concession insuffisante pour l’Algérie, qui a fait connaître son mécontentement en rappelant son ambassadeur en France.
Un territoire propice à la pêche et riche en phosphate
Le Sahara occidental, qui est en grande partie une terre désertique, compte un peu plus de 650 000 habitants. La moitié de la population est concentrée dans la ville de Laâyoune, au nord. Doté d’une large façade maritime, le territoire est idéal pour les activités de pêche. Mais la principale ressource réside dans ses terres riches en phosphate, une substance minérale utilisée comme engrais. Selon l’ONG Western Sahara Watch, qui dénonce l’exploitation de ce minerai par le Maroc, le Sahara occidental aurait exporté 1,6 million de tonnes de phosphate en 2023. Le Maroc représente à lui seul 31 % du marché mondial, selon l’Office chérifien du phosphate.