Noah Lyles, champion olympique du 100 m dans la finale la plus serrée de l’histoire – Libération
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Trêve de plaisanteries. Après un samedi soir où les têtes couronnées ont été ballottées comme un tonneau par gros temps, l’athlétisme mondial a rangé ses intérieurs et tout remis à sa place. Le sprint est resté une affaire américaine. Avec un Jamaïcain pour rompre la monotonie. Les Etats-Unis et la Jamaïque. Un sentiment de déjà-vu. L’impression pas désagréable de revivre l’époque où la discipline se résumait à un bras de fer entre Usain Bolt et Justin Gatlin.
Rien de bien nouveau, donc. Sauf que la finale du 100 m masculin, soulignée d’un trait épais comme l’événement de la soirée, voire de tout le week-end, ne ressemblait que très lointainement à l’idée qu’on s’en faisait. Dans son résultat. Et plus encore dans son déroulement. Le casting, d’abord. Beaucoup plus conforme aux habitudes du sprint mondial que la version féminine, disputée la veille et dominée par un invité surprise, Julien Alfred, un enfant de Sainte-Lucie. Sur la ligne de départ, trois Américains (Noah Lyles, Fred Kerley et Kenneth Bednarek), deux Jamaïcains (Kishane Thompson et Oblique Seville), deux Africains (le Sud-Africain Akani Simbine et le Botswanais Letsile Tebogo), et un Européen (l’Italien Marcell Jacobs). Du classique. Une représentation presque parfaite de la réalité de la discipline.
Un départ hérétique
Alors que les finalistes sont annoncés, le public fait connaître son choix. Noah Lyles. Le champion du monde en titre, certainement le plus bancable sprinteurs de la planète. L’Américain lui rend la pareille. Il joue son rôle : showman. Avec sa coupe de cheveux soignée et ses ongles vernis, il en met plein la vue. Mais tout le monde ne peut pas être Usain Bolt. Son numéro enchante les caméras. Mais la course va bientôt lui rappeler qu’il faut faire preuve de plus de retenue.
Son départ est catastrophique. Une hérésie. Kishane Thompson, lui, sort des plots comme s’ils étaient en feu. Le Jamaïcain, meilleur chrono mondial de l’année (9″77), impose sa puissance. Il frôle la victoire. Mais Noah Lyles revient. Les chiffres sont sans appel : au plus rapide de son effort, sa vitesse était la plus élevée de tous les finalistes. Une pointe à 43,6 km/h. En son temps, Usain Bolt faisait mieux. Mais il était d’un autre monde. Il était foudroyant.
Un clin d’œil
A l’arrivée, le tableau d’affichage hésite. Puis il hésite encore, avant de finalement capituler et de se tourner vers le photo-finisher. Lyles ou Thompson ? Dans la foule, personne ne sait. Sur la piste, pareil. L’image finit par trancher. L’Américain est champion olympique (9″79). Le Jamaïcain est battu, mais avec le même temps. Entre les deux, cinq millièmes de seconde. Un clignement de cil. Fred Kerley, un autre Américain, complète le podium. Seuls douze centièmes séparent le vainqueur du dernier des finalistes. La finale olympique la plus serrée de l’histoire.
Avec Noah Lyles au sommet du sprint mondial, l’athlétisme joue sur du velours. A 27 ans, l’Américain coche toutes les cases de la feuille de route du successeur de la légende Usain Bolt. Grande gueule, il ne s’interdit pas de parler de lui à la troisième personne. « Noah Lyles ne peut pas perdre », assurait-il au début des Jeux. Assez talentueux pour doubler le 100 et le 200 mètres – il détient les deux titres mondiaux – comme Usain Bolt avant lui, il a tracé sa courbe de progression sans impatience, depuis une médaille d’or aux Jeux de la Jeunesse, tuant ainsi dans l’oeuf les soupçons de dopage.
Un artiste la nuit
Surtout, l’Américain né et élevé en Floride sait changer de profil en fonction de la lumière ambiante ou des attentes des photographes. Sportif le jour, artiste la nuit. Il a enregistré un album de rap, produit une série documentaire à sa gloire, réalisé des vidéos et même, activité beaucoup plus improbable, dessiné lui-même les personnages de dessins animés cousus sur ses chaussettes de course. Aux Etats-Unis, les médias raffolent de lui. Le public va craquer à son tour.