Le Roumain David Popovici remporte son premier titre du 200 m nage libre
La dernière fois qu’on a vu un physique semblable à celui du Roumain David Popovici, vainqueur du 200 m nage libre lundi 29 juillet, c’était dans un tableau de Toulouse-Lautrec. Il représentait Valentin le Désossé, danseur et contorsionniste du Moulin Rouge. Mince, presque émacié, le Roumain semble, à l’image du personnage longiligne du peintre, un être sans squelette, fait d’une matière aussi indécise que souple, presque caoutchouteuse, un spécimen qu’on hésite à classer parmi les vertébrés.
David Popovici aura 20 ans le 15 septembre. Sur terre, son corps apparaît imparfait, comme celui d’un adolescent en pleine croissance, d’un rustre dont le pantalon a besoin de refaire les ourlets. Sa démarche est gauche, son visage émacié. Sur le plot de départ de la Paris La Défense Arena, il semblait une anomalie, ce corps d’1m90, 79 kg trempé, 2m05 d’envergure, tout émacié à côté des autres concurrents en V. On se croirait dans ces vieilles publicités caricaturales pour les machines de musculation, où l’on montre les gens avant et après les avoir utilisées.
Mais une fois dans l’eau, soumis à une poussée d’en bas égale au poids du volume déplacé, le même corps devenait un modèle d’élégance. Il fendait la vague en un crawl soyeux. Il glissait dans l’eau sans déranger une seule particule à la surface. Au point que ses voisins du couloir, dans leur battement tempétueux, pouvaient douter de sa présence. David Popovici n’éclaboussait la concurrence que par son talent.
Scoliose précoce
Sa morphologie est en passe de changer, voire de révolutionner la natation de vitesse. Jusqu’ici, le sprint vénérait les bodybuilders, incarnations de la puissance, à l’image de l’Américain Caeleb Dressel ou du Français Florent Manaudou. Et voilà tous ces Goliath titillés sur 200 m et 100 m par ce David épais comme un plum pudding. Les spécialistes redécouvrent avec ce Roumain que la fluidité est un atout de vitesse aussi pertinent que des amas de muscles forgés en salle de musculation.
Contrairement aux apparences, David Popovici est fait d’os autant que d’eau. C’est même sa colonne vertébrale qui l’a conduit vers les piscines. À 4 ans, ses parents, Mihail et Georgeta, l’ont inscrit à la natation pour corriger une scoliose précoce. Le gamin s’ennuyait dans l’eau. Il profitait du moindre prétexte pour sortir.
À l’âge de 9 ans, il rencontre l’homme qui va changer sa vision du sport et, accessoirement, changer sa vie. Adrian Radulescu est un jeune entraîneur, du type intellectuel avec des lunettes, docteur en éducation physique, auteur d’une thèse sur « L’effort physique chez les nageurs pubères ». Il récupère ce gaillard têtu et longiligne qui, lorsqu’il est de bonne humeur, a des capacités exceptionnelles. Son entraîneur a la prescience de ne pas chercher à modifier le morphotype du champion, d’adapter son crawl à ce corps plutôt que ce corps au crawl.
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