France Travail : la fin de l’insertion
France Travail est née en janvier 2024. Objectif : rassembler les acteurs du retour à l’emploi et de l’insertion. Pôle emploi, mission locale. Comme l’a demandé le Président de la République, il faut réussir d’une part à pourvoir les postes vacants dans des secteurs en tension (plus de 300 000 emplois) et d’autre part atteindre le plein emploi d’ici 2030. Deux agents de France Travail ont accepté de nous parler leurs missions et les difficultés qu’ils rencontrent. Ils le font de manière anonyme car ils sont contraints par le devoir de confidentialité.
« Il faut remplir la case. C’est obligatoire. Nous ne pouvons pas vous laisser le temps de réfléchir. »
Mélanie rejoint l’ANPE en 1993, devenue Pôle emploi et aujourd’hui France Travail. En trente ans, elle a su analyser l’évolution de ses missions et la manière dont sont gérés les demandeurs d’emploi. La politique imprègne son quotidien. Les directives changent et elle estime aujourd’hui qu’elles prennent un tournant brutal :
« Nous sommes avant tout des « remplisseurs » de cases dans les logiciels. Il faut absolument marquer ce que font les gens, les mettre dans des cases, il faut absolument qu’ils aient un travail, même si tu arrive dans ton bureau en disant : « bon, j’ai fait un burn-out, c’était très dur et maintenant je ne le fais plus ». Je ne sais pas du tout ce que je veux faire. » Oui, mais malheureusement nous devons remplir la case. C’est obligatoire. Nous ne pouvons pas vous laisser le temps de réfléchir. Nous allons donc mettre quelque chose. Qu’allons-nous faire porter ? Votre ancien travail ? « Je n’en peux plus. Comprenez, je ne supporte plus de travailler avec des personnes âgées ou dans la finance », ou des choses qui peuvent à un moment être trop dures pour certaines personnes qui ont vécu du harcèlement, des difficultés dans leur travail. Mais là, on leur dit non, non, non, il faut saisir quelque chose et à ce moment-là, ils se retrouvent dans une base de données où nous pouvons les appeler à tout moment pour leur dire que nous avons quelque chose ou que nous avons du travail ».
Remettre au travail à tout prix est la principale doctrine que nous lui demandons de mettre en pratique, quitte parfois à oublier complètement l’insertion et à devenir avant tout une société de recrutement. Nous manquons de travailleurs et le meilleur endroit pour en trouver est France Travail. Sauf que plus de 70 % des demandeurs d’emploi n’ont pas de baccalauréat et manquent cruellement de qualifications. Qu’importe! Des candidats doivent être trouvés pour ces postes vacants.
*Mélanie : «Par exemple, une dame qui a aujourd’hui 62 ans et qui a suivi une formation en sécurité à une époque, elle a des problèmes de santé, ce qui est très difficile compte tenu de son âge. Voilà, ce sont des métiers comme la sécurité, ça marche pas« .
L’heure du débat
37 minutes
Missions courtes, conditions de travail difficiles, voilà ce que propose principalement France Travail. Avec l’idée que face à un poste vacant on peut mettre une personne au chômage, comme Caroline le constate également à France travail, anciennement Pôle emploi depuis vingt ans, notamment à travers des réunions d’information ou des stages d’immersion en entreprise, des stages obligatoires. Nous orientons les demandeurs d’emploi vers des secteurs en tension quel que soit leur profil.
Caroline : « Vous pouvez être inscrit en tant que responsable de communication, en marketing, commercial. Dans tous les cas, nous aurons la proposition d’une réunion qui présentera les métiers qui recrutent. Il faut y assister car cela peut effectivement donner des idées à des personnes qui n’ont pas encore eu l’opportunité de trouver rapidement du travail. »
Difficultés à s’occuper des enfants, à trouver un logement décent, à rester en bonne santé, c’est aussi dans ce contexte que s’effectue la recherche d’emploi. Des freins qui gênent parfois. Perdre son emploi ou le quitter, c’est aussi avoir besoin de temps avant de retravailler.
Caroline : « Nous allons avoir des gens qui ont une rupture de contrat de travail difficile pour laquelle ils vont devoir prendre leur temps, faire le deuil du travail perdu. Et puis il y a d’autres personnes qui auront aussi des projets de reconversion personnelle et professionnelle. Cela signifie que nous ne sommes pas sûrs d’une recherche immédiate ».
Les seniors, les jeunes et les personnes sans qualification constituent encore l’essentiel des troupes de demandeurs d’emploi, des personnes pour qui, sans travail d’insertion et sans le temps qui l’accompagne, le retour au travail est quasiment impossible.
LSD, la série documentaire
58 minutes