En Ukraine, la délicate cohabitation entre soldats et civils près du front
REPORTAGE – Les soldats ukrainiens, cibles des bombardements russes, sont une source d’insécurité mais aussi une aubaine financière pour les habitants du Donbass appauvris par la guerre.
- Envoyé spécial pour le Donbass
Sur la place Sviatohirsk, une curieuse affiche est apparue parmi les maisons en bois éventrées par les bombardements : «Vernissage, peintures et reproductions.» Au centre de cette ville du Donbass, nichée au cœur d’une forêt de pins centenaires, Viktor Babkin a sorti les tableaux de sa petite maison pour la première fois depuis le début de la guerre. La rivière au bout de son jardin, le Siversky Donets, s’est transformée en ligne de front de juin à septembre 2022. Le pont pittoresque qui enjambe cet affluent a été détruit, stoppant l’avancée des troupes de Moscou, refoulées jusqu’à Lyman à 30 kilomètres à l’est. Sur la colline adjacente se dresse la laure de la Dormition de Sviatohirsk, l’un des plus grands monastères du pays. C’est devant les murs de ce lieu saint, aujourd’hui criblé d’éclats d’obus, que Viktor a passé sa vie à vendre ses tableaux aux pèlerins de tout le monde orthodoxe.
La ville touristique n’abrite plus que des soldats ukrainiens installés dans les maisons du village et les quelques hôtels peu endommagés par les combats. La « muse du peintre », Olga, montre dans un carnet des reproductions des paysages de son mari aux soldats qui s’attardent à son stand. À partir de ces images, la sexagénaire énumère les beautés du coin comme un guide touristique d’une région qui n’est plus…