Déménager plusieurs fois durant l’enfance augmente considérablement le risque de développer une dépression
Selon une étude réalisée auprès de plus d’un million de Danois, les personnes qui ont déménagé plus d’une fois entre 10 et 15 ans ont 61 % plus de risques de souffrir de dépression à l’âge adulte. Ce facteur est encore plus déterminant que la pauvreté.
Les troubles de santé mentale sont en augmentation partout dans le monde. En 2020, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) estimait que 13 % de la population mondiale vivait avec des troubles mentaux. Le fardeau économique de ces troubles est très important, avec un coût de 2,5 trillions de dollars en 2010 (frais de traitement, baisse de productivité). On estime également que ce coût pourrait atteindre 6 trillions de dollars d’ici 2030, dépassant les coûts combinés du cancer, du diabète et des maladies respiratoires chroniques.
Partant de ce constat, cinq chercheurs de l’université d’Aarhus au Danemark, de l’université de Plymouth et de l’université de Manchester au Royaume-Uni ont mené une étude sur les causes et les événements favorisant le développement de la dépression. Pour ce faire, ils ont suivi toutes les personnes nées au Danemark entre 1982 et 2003 et ayant vécu dans le pays durant les quinze premières années de leur vie, soit plus d’un million de personnes. Parmi elles, 35 098 (environ 2,3 %) ont reçu un diagnostic de dépression par un hôpital psychiatrique, dont 67,6 % étaient des femmes.
Des résultats inattendus
Les résultats de l’étude, publiés le 17 juillet dans la revue JAMA Psychiatry et rapportés par le New York Times, révèlent une découverte que les chercheurs eux-mêmes ont qualifiée d’inattendue. Ils ont découvert qu’une personne avait 61 % plus de risques de développer une dépression si elle avait déménagé deux fois ou plus entre 10 et 15 ans que si elle restait au même endroit. Les enfants qui avaient déménagé une fois à cet âge avaient 41 % plus de chances d’être diagnostiqués que ceux qui n’avaient pas déménagé.
L’étude a également révélé, sans surprise, que les personnes qui ont grandi dans des quartiers très défavorisés avaient 10 % plus de risques de se voir diagnostiquer une dépression à l’âge adulte. Le risque de développer des troubles dépressifs augmentait de 2 % pour chaque baisse du niveau de revenu (quatre quartiles de revenu parental ont été inclus dans l’étude).
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Cependant, déménager d’un quartier défavorisé vers un quartier plus favorisé ne réduit pas le risque de développer une dépression ; au contraire, il l’augmente. Les jeunes qui ont déménagé d’un quartier pauvre vers un quartier plus riche avaient 13 % plus de risques d’être déprimés que leurs homologues qui n’ont pas déménagé. Quant à ceux qui ont déménagé d’un quartier riche vers un quartier plus pauvre, ils avaient 18 % plus de risques d’avoir des troubles psychologiques que ceux qui sont restés au même endroit.
L’importance du capital social
Cependant, les chercheurs expliquent que ce n’est pas le déménagement lui-même qui est traumatisant, « mais plutôt le changement de quartier ». Pour eux, « Un lieu de résidence fixe durant l’enfance peut être un indicateur d’une famille stable ou d’un enracinement plus fort des individus et des familles dans leur quartier », qui crée un sentiment d’appartenance et de connexion, collectivement connu sous le nom de capital social. Au cours de ces années de construction critiques, « Les enfants établissent leurs liens sociaux à l’école, dans des groupes sportifs ou dans d’autres activités ».
« Chaque fois qu’ils doivent s’adapter à quelque chose de nouveau, cela peut être perturbant. »ajoutent les chercheurs, qui espèrent pouvoir trouver des moyens d’aider les jeunes « pour surmonter ce défi »Ils ont également ajouté que certains groupes de jeunes étaient particulièrement à risque, comme les enfants placés en famille d’accueil, qui doivent déménager régulièrement, et les enfants de militaires, qui se déplacent en fonction du lieu de résidence de leurs parents. Une autre question qui mériterait d’être étudiée selon l’équipe scientifique est de savoir si la distance d’un déménagement durant l’enfance entraîne une différence dans la dépression à l’âge adulte. « Déménager dans un quartier plus proche, est-ce la même chose que déménager à l’autre bout du pays ? » demande le professeur Clive Sabel.
En attendant, il n’est pas certain que ces conclusions danoises s’appliquent également à d’autres populations, notamment américaines, dont la mobilité géographique est élevée. Elles ont tendance à se déplacer davantage et sur de plus longues distances, car les New York TimesSelon le recensement américain sur l’immigration intra-étatique, l’Américain moyen peut s’attendre à déménager 11,7 fois au cours de sa vie. Dans la plupart des pays européens, la mobilité ne représente qu’une fraction de ce chiffre.