La France échappe (pour l’instant) à la surchauffe, mais pas le reste de l’Europe
Si la France a jusqu’ici échappé aux fortes chaleurs cet été, nombre de nos voisins d’Europe de l’Est et du Sud sont écrasés par des températures caniculaires depuis le début du mois de juillet. Plus de 37°C le 12 juillet en Croatie, plus de 40°C enregistrés la veille en Bosnie et quasiment atteints à Rome, en Grèce et en Albanie.
Dans les Balkans et en Europe de l’Est, les prochains jours pourraient être encore plus chauds avec des températures maximales attendues entre 42 et 44°C, soit plus de 10°C au-dessus des températures moyennes de cette saison. Les nuits pourraient également être plus chaudes. « tropical » dans ces régions, c’est-à-dire ne pas descendre en dessous de 20°C, selon les prévisions.
Dans les zones fortement urbanisées, comme à Athènes, les températures nocturnes pourraient rester bloquées au-dessus de 30°C. A Kiev, en Ukraine, les températures pourraient également dépasser les 40°C cette semaine et atteindre des records, mettant à rude épreuve le système électrique déjà mis à mal par la guerre, souligne le média. L’Indépendant de Kyiv.
« L’Europe de l’Est connaît sa troisième vague de chaleur de l’année, avec des conséquences sur la santé physique et mentale et des effets irréversibles sur les écosystèmes. Chaque vague de chaleur est amplifiée par nos émissions de gaz à effet de serre. ! » a rappelé le climatologue Christophe Cassou sur X.
Le changement climatique, un facteur aggravant
Les mouvements des masses d’air, à l’échelle continentale et océanique, gouvernent le sort de nos thermomètres. Une masse d’air froide et dépressionnaire, venue de l’Atlantique, campe actuellement au-dessus de l’Europe occidentale, tandis qu’un anticyclone à l’est protège l’Europe de l’Est de cette masse froide et l’accable de chaleur.
« Les vagues de chaleur en Europe centrale et orientale sont principalement causées par des systèmes de haute pression persistants, appelés anticyclones, qui bloquent la circulation des masses d’air. Ces systèmes créent des conditions stables dans lesquelles l’air chaud s’accumule et stagneexplique Davide Faranda, chercheur à CNRS à l’Institut Pierre-Simon Laplace et spécialiste du lien entre événements extrêmes et changement climatique. Les courants-jets, courants d’air rapides à haute altitude, jouent également un rôle clé. Lorsqu’ils deviennent ondulants ou bloqués, ils peuvent piéger des systèmes de haute pression au-dessus de certaines régions, augmentant ainsi la durée et l’intensité des vagues de chaleur. »
Au-delà de ces interactions météorologiques complexes entre masses d’air, peut-on pointer la responsabilité du changement climatique dans la chaleur écrasante actuelle en Europe ? Il est trop tôt pour le dire. Le dernier rapport du GIEC (1) souligne que la fréquence des vagues de chaleur devrait augmenter XXIet siècle à travers l’Europe, quel que soit le scénario envisagé. Ce type d’événement deviendra donc de plus en plus fréquent et intense. Mais évaluer si un événement extrême, pris isolément, aurait pu se produire en l’absence de réchauffement climatique est une autre affaire.
C’est ce que tentent de déterminer les climatologues grâce à la science de l’attribution, encore jeune. Plusieurs laboratoires travaillent à calculer dans quelle mesure un événement extrême a pu être influencé par des phénomènes purement naturels ou a pu être rendu plus probable et plus intense en raison du changement climatique provoqué par les activités humaines.
ClimaMeter, développé par Davide Faranda et ses collègues, est l’une de ces méthodes d’attribution. Il a estimé que la vague de chaleur extrême de Cerberus qui a frappé le sud de l’Europe il y a exactement un an a été fortement aggravée par le changement climatique. « Cette vague de chaleur était très similaire à la vague actuelle en Europe de l’Est. »Davide Faranda se contente de constater, sans pouvoir se prononcer sur l’attribution du phénomène présent.
Une mise en garde qui n’affaiblit en rien la dynamique générale, fermement établie par la science : « Les vagues de chaleur battent de plus en plus de records, conséquence directe du réchauffement climatique rapide. »rappelle World Weather Attribution, un autre réseau de chercheurs en sciences d’attribution.
L’Europe particulièrement touchée à l’avenir
L’Europe est toutefois particulièrement touchée par le changement climatique : le continent se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale, selon l’Organisation météorologique mondiale.
Un ensemble de facteurs qui se superposent expliquent ce phénomène. D’abord, les continents se réchauffent plus vite que les océans, qui peuvent enfouir la chaleur dans leurs profondeurs. Ensuite, les hautes latitudes se réchauffent plus vite que les tropiques. Notamment à cause des boucles de rétroaction liées à la fonte des neiges et des glaces : plus le réchauffement les fait fondre, moins elles réfléchissent la lumière, plus le réchauffement s’accentue, etc. C’est l’une des hypothèses avancées pour expliquer pourquoi l’Arctique se réchauffe quatre fois plus vite que le reste du globe. ; de même, dans une moindre mesure, l’Europe du Nord et de l’Est est de moins en moins enneigée.
Les scientifiques avancent également d’autres hypothèses pour expliquer pourquoi la situation européenne va empirer : par exemple, le fait que l’assèchement des sols et la baisse de l’humidité en Méditerranée accentuent le réchauffement de l’atmosphère. Ou, paradoxalement, que les politiques de lutte contre la pollution de l’air, plus efficaces qu’ailleurs, réduisent les émissions de particules des transports et de l’industrie, toxiques pour la santé, mais ayant un effet rafraîchissant sur le climat.
Enfin, la topographie et la position géographique de l’Europe contribuent aux vagues de chaleur. « La proximité de l’océan Atlantique, de la mer Méditerranée et du désert du Sahara influence les conditions météorologiques, et les chaînes de montagnes telles que les Alpes et les Carpates peuvent agir comme des barrières, modifiant les flux d’air et contribuant à la persistance de conditions de chaleur intense dans certaines régions. »explique Davide Faranda.
Aujourd’hui, 62 % de la population française est « fortement ou très fortement exposés aux risques climatiques » Et « Plus de la moitié des droits de l’homme menacés en France » faute de politiques d’adaptation suffisantes au changement climatique, selon un rapport d’Oxfam France publié le 12 juillet. Les vagues de chaleur qui écrasent l’Europe rappellent l’urgence de cette adaptation, malgré la fraîcheur relative et très éphémère qui plane sur la France.