Près d’un mois après le passage du cyclone Chido à Mayotte, qui laisse ce département français dévasté et des milliers de personnes sans logement, le gouvernement Bayrou se focalise sur la question migratoire, présentée comme une problématique centrale dans la question de la reconstruction de l’archipel.
Ce lundi, au micro de la radio RTL, le garde des Sceaux a ainsi estimé que supprimer la question du droit du sol à Mayotte – une des manières d’accéder à la nationalité française – était «évidemment la bonne voie», car il «n’est pas possible d’avoir 60% à 70% de parents non-Français qui donnent naissance à Mayotte». Et Gérald Darmanin de poursuivre : «On leur fait croire qu’ils auront un eldorado et ils vivent ensuite dans les bangas [petites habitations de fortune, ndlr] de manière inacceptable et inhumaine.»
Une majorité de parents étrangers… mais une majorité d’enfants français
La formulation de Gérald Darmanin n’est pas fausse, même si dans le contexte d’un débat sur le droit du sol, elle peut être entendue de manière trompeuse. Ainsi, si on regarde le site de l’Insee, on constate qu’en 2021 (dernière année pour laquelle les chiffres sont disponibles), 75% des enfants nés à Mayotte avaient une mère étrangère. Et 55% du total des enfants nés dans l’archipel en 2021 avaient un père étranger. Il est donc exact de dire que les parents d’enfants nés cecette année-là Mayotte sont, à 65%, de nationalité étrangère. Exactement au milieu de la fourchette donnée par le ministre.
Mais cela ne veut pas dire pour autant qu’une majorité des enfants nés à Mayotte ont deux parents étrangers. Ainsi, selon le Panorama statistique de la santé à Mayotte publié en mars 2023 par l’Agence régionale de santé (ARS) et l’Observatoire régional de la santé de Mayotte, «53% des nouveau-nés de 2021 [au nombre de 10 704] ont au moins un parent français et naissent ainsi Français».
Dans le détail, 17% des enfants nés à Mayotte en 2021 sont issus d’un père et d’une mère de nationalité française, 7,4% sont nés d’une mère française et d’un père étranger, 29,2% sont nés d’un père français et d’une mère étrangère. Un peu moins de 47% des enfants sont, eux, nés de deux parents étrangers.
Il suffit qu’un des parents soit français pour que s’applique la règle du droit du sang. «Est français l’enfant dont l’un des parents au moins est français au moment de sa naissance», comme le définit le site France Diplomatie.
Dans le cas où les deux parents sont étrangers, le droit du sang ne s’applique pas. L’enfant, né en France de parents étrangers, pourra alors seulement acquérir la nationalité française à la majorité s’il a habité pendant cinq ans dans le pays depuis ses 11 ans. Condition supplémentaire à Mayotte depuis la loi sur l’asile et l’immigration de 2018, entrée en application en avril 2019 : l’un des parents de nationalité étrangère doit avoir résidé en France de manière régulière (sous couvert d’un titre de séjour) en France depuis au moins trois mois avant la naissance de l’enfant. Ce traitement particulier est rendu légal par l’article 73 de la Constitution, qui permet aux territoires ultramarins d’adapter les lois en fonction de «caractéristiques et de contraintes particulières».